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mardi, 02 septembre 2014 00:00

Monsieur le Président, votre referendum pour une victoire sur l'histoire

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Mes lectures de vacances m’ont conduit à vous écrire pour partager avec vous et mon peuple, ce que l’histoire politique, autour d’un grand homme d’Etat, peut sceller pour longtemps dans la voie difficile d’une démocratie toujours à bâtir.  

L’histoire commence ainsi, empruntée au livre d’Alain Frerejean: Georges Pompidou, alors Premier ministre du général de Gaulle, vient de démissionner suite à  une motion de censure de l’opposition. La raison est que le Président de la République veut changer en profondeur l’esprit de la Constitution de la Vème République. De Gaulle refuse sa démission. Pompidou lui répond qu’il n’a plus aucune légitimité pour rester. Le général lui rétorque: «Vous n’êtes pas renversé, puisque je vous garde.»

 

 Et puis il double la mise et dissout l’Assemblée nationale en annonçant au pays qu’il garde son Premier ministre jusqu’aux résultats des prochaines élections. Pompidou reste et prend en main l’organisation du référendum. Il réduit celui-ci à une question claire et intelligible pour tous: Je vous demande simplement de décider  que, dorénavant, vous élirez votre Président au suffrage universel. 
 

 

 
Le 28 octobre 1962, le oui l’emporte et les Français adoptent l’élection du président de la République au suffrage universel. Le succès se transforme en triomphe, car le 25 novembre 1962 les Français envoient au Parlement une marée gaulliste. Georges Pompidou est confirmé dans ses fonctions de Premier ministre. Pour de Gaulle, c’est fini l’élection d’un président de la République par un corps électoral restreint de députés et de sénateurs. Il veut désormais un président de la République qui soit une figure marquante avec des candidats obligés de se préparer, de prendre une dimension nationale qu’ils le veuillent ou non.
 
Pour de Gaulle, quand le peuple est consulté dans les élections législatives ordinaires, les électeurs ne se préoccupent  alors que d’intérêts locaux.  Mais quand vient le jour d’élire le président de la République, le problème est alors de faire appel au plus capable de rassembler les Français, d’assurer l’Etat, d’assurer le salut du pays.
 
Tout ceci et tout cela pour vous dire Monsieur le Président que la promesse de votre prochain référendum donnera l’occasion au peuple sénégalais d’approuver certainement, sans trop de peine, la réduction volontaire de votre mandat à cinq ans en lieu et place des sept années inscrites dans la Constitution. Votre question aux Sénégalais pourrait même ressembler à quelques nuances près à celle de Gaulle: Je vous demande de décider que désormais votre président de la République sera élu pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. Mais l’essentiel ne serait pas que là, car nous ne doutons pas un seul instant que vous faillirez à votre parole. Restait seulement le temps que vous prendriez pour le faire avec un horizon 2017 et non plus 2019. Quand à cette obstinée polémique en cours sur le référendum, il faut bien que politique se fasse. 
 
C’est la norme en démocratie. L’opposition est parfaitement dans son rôle, sur des rives paisibles et attendant impatiemment son heure, comme dirait Pompidou. Restez dans votre rôle, c’est celui qui compte le plus pour le peuple, car c’est vous l’élu au suffrage universel. Si on ne vous félicite pas d’avoir réduit votre mandat, alors même que votre camp vous en veut d’avoir pris tout seul sur vous de décider de la durée de votre mandat, il est difficile de vous blâmer, à moins d’être moins sain d’esprit. Où a-t-on vu chez nous en Afrique, ou ailleurs, un président de la République aller contre ce qui l’installe le plus longtemps au pouvoir, plus est, consigné en sa faveur dans la Constitution? Non, une fois encore là n’est pas l’essentiel. 
 
Par contre, cette voie  référendaire que vous avez choisie pourrait être pour vous l’occasion de faire d’une pierre d’un coup: soumettre en même temps une seconde question sur l’adoption d’une Constitution révisée, à la lumière de votre commande pour des institutions de la République plus conformes à l’avancée de notre démocratie. Là est enfin l’essentiel. A moins qu’il ne vous soit loisible d’opter pour une autre voie qui ne troublerait votre référendum par une double demande au peuple sénégalais. Le choix vous appartient. Le plus important serait moins dans la réduction de votre mandat que dans la révision de nos institutions. Ne cherchez pas seulement à entrer dans l’histoire, car il arrive que le temps de l’histoire soit court. Entrez plutôt dans l’éternité. Travaillez pour vos successeurs. Travaillez pour le peuple sénégalais. A vous de gérer votre propre temps et non celui de l’opposition qui vous  harcèle comme une jolie femme que l’on voudrait plier à des avances inavouables. Elle est dans son désir !
 
Je le répète souvent pour l’avoir appris ailleurs: ce qu’un président de la République fait de grand, il le fait toujours contre sa majorité. Cette dernière, et c’est légitime, cherche toujours à garder son chef le plus durablement possible. Mais ce qui par-dessus tout doit compter, c’est le peuple, c’est la République, leur sécurité démocratique et économiques. Qui cherche à entraver cette quête de grandeur entrave le progrès. Il s’agit de dépassement. Là est votre combat Monsieur le Président et il est aisé si vous décidez qu’il le soit. Un ministre, dit-on, peut être soupçonnable et défaillant, jamais un président de la République! C’est le lot des princes à qui l’imaginaire du peuple confère des responsabilités cosmiques et d’invincibilité.

Sous nos cieux, même quand il ne pleut pas, le roi est responsable, disait le professeur Thioub. Mais vous savez comme nous, Monsieur le Président, qu’il n’existe que Dieu d’invincible!
 
Si je devais voter la durée d’un mandat présidentiel en ces temps avancés de notre République, j’opterai pour un mandat unique de huit ans non renouvelable. Cette option trouvera sans doute ses défenseurs et ses détracteurs. Cela  ôterait  au moins au Président tous soucis de combattre pour un second mandat. Ce mandat unique éclaircirait l’horizon d’un Président qui prendrait alors la responsabilité de grandes tâches et réformes à mener.

Dans un tel régime, l’opposition sans être anesthésiée, aurait plutôt moins de chats malades à fouetter. Un pays moins nerveux, plus apaisé, plus civilisé, plus lucide sur son avenir, s’offrirait alors à nous. Ce mode d’alternance respiratoire politique souple, nous aiderait à aller à l’essentiel, sans cris ni injures, avec un acquis considérable: apprendre à parler moins, à bavarder pour rien, à paraître pour paraître. Notre presse également, cette électricité sociale, y gagnerait en éthique, car en l’état actuel de son expression, si elle n’existait pas, il ne faudrait surtout pas l’inventer. Notre vrai  développement est à ce prix et il n’est pas hélas le seul. 
 
Il faut conclure: Monsieur le Président, l’humble citoyen que je suis, comme sans doute des millions de sénégalais, ne se réveillent pas le matin en pensant aux procès de ceux qui sont pressentis comme de monstrueux et glacials prédateurs des rachitiques deniers de notre peuple. La justice est non négociable. C’est là où la politique est l’affaire de tous. La chose publique nous engage tous. Le Droit sera le meilleur avocat de la vérité et la vérité n’est pas toujours une affaire de nombre. Mais sachons également méditer que devant l’injustice, obéir à la loi cesse d’être un devoir. 
 
Le plus grand nombre de vos compatriotes, Monsieur le Président, ceux qui vous ont élu, se réveillent chaque matin et pensent à quoi manger, se soigner, se loger, se former, trouver un emploi, se couvrir de dignité, en un mot. Votre brave peuple pense à son bien-être, là où vous pouvez hâter ce bien-être, faites-le, rendez le plus rapide, plus visible, plus ressenti. Et nous savons que c’est votre souci et qu’à lui tout seul, il remplit tous vos oreillers.
 
Pour ma part, la défaite d’un Président est toujours la défaite collective d’un peuple. C’est pour cette raison que ceux élisent un guide, doivent bien y réfléchir et après y avoir bien réfléchi, aider ce dernier à réussir et non l’aider à échouer. Le développement, c’est d’abord la conviction de réussir, mais de réussir tous ensemble. La mission n’incombe pas seulement au chef. 
 
Il nous faut sans cesse, nous Sénégalais, méditer cet adage qui dit que la différence entre un jardin et un désert, ce n’est pas l’eau, mais l’homme. Chez nous, bien souvent, dans la voie de l’émergence qui a ses exigences, nous affirmons de par notre conduite, notre indiscipline, notre paresse, notre égoïsme, notre vanité, notre goût du parasitage et du paraître, que nous ne nous mentons pas, que c’est plutôt la vérité qui se trompe. Un tel modèle de citoyen nuit plus à son pays qu’il ne le sert.
 
Très tôt, Monsieur le Président, votre lourd et glacial héritage vous a placé dans la dictature de l’urgence. Mais comment distribuer si on ne produit pas ? L’économie, c’est d’abord la production. Le développement c’est ce qui dépasse la main tendue. C’est d’ailleurs une de vos grandes leçons sur la scène internationale quand vous êtes face aux plus riches. La vérité est que nous avons longtemps payé les pays riches pour qu’ils nous nourrissent. Puissions-nous vaincre enfin le mauvais signe par nous-mêmes.

La démocratie n’est pas le développement et nous passons plus de temps à disserter sur la démocratie que sur le développement économique de nos peuples. Souvenons-nous qu’il est arrivé dans l’histoire que le développement précède la démocratie, même si on en paie le prix des droits de l’homme. Et le droit au développement, n’aurait-il pas aussi un prix ? C’est comme telle que se pose cette autre terrible interrogation: Que voulez-vous donc que j’attende de la démocratie, si je suis au chômage toute la vie ? On ne bâtira pas une démocratie dans la pauvreté!
 
Peut-être que la réduction du nombre de partis politiques et des interminables débats qui scintillent et qui n’éclairent plus rien, diminuerait enfin chez nous les risques de cancer de la gorge. De là découle l’insoutenable constat de notre peuple: nous avons plus d’hommes politiques que d’hommes d’Etat. Malraux nous dit: L’histoire est dans ce qu’on fait et non dans ce qu’on dit. Le temps presse en Afrique pour aller vers des schémas économiques qui vont contre les lois de cette étrange et cruelle nature qu’une poignée de gens soient riches et la multitude affamée.
 
Monsieur le Président, refusez de gouverner avec d’un côté votre parti, d’un côté le peuple et de l’autre l’opposition. Vous devez rassembler tout le monde autour de vous pour le bien des Sénégalais. Ne pas soustraire, mais toujours additionner.  La démocratie, c’est la gestion commune des divergences. Conciliez l’autorité et le consensus en sachant toutefois que la République exige l’autorité présidentielle. Enrayer sans faiblesse le mal de l’instabilité. Ne vous laissez impressionner que par votre peuple. Lui seul compte. Vous lui devez tout. 
 
La hantise de la justice sociale et le confort d’une vie meilleure, Monsieur le Président, ressemblent à ce visage jeune mais grave, le vôtre, sur lequel les Sénégalais chaque jour, obstinément, lisent l’espérance: cette face éclairée de la lune.
Puisse le temps de l’abeille être le temps de la fleur, et le temps de la fleur le temps de la ruche. Bonne chance Monsieur le Président !
 
Amadou Lamine Sall
Poète - Lauréat des Grands Prix de l’Académie française 
 
SOURCE:http://www.sudonline.sn/monsieur-le-president-votre-referendum--pour-une-victoire-sur-lhistoire_a_20616.html
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