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lundi, 08 décembre 2014 00:00

Démission du juge Keba Mbaye raison officielle

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Mars 1993 ! Kéba Mbaye démissionne de la présidence du Conseil Constitutionnel. Mme Andresia Vaz esquive les travaux de la Commission nationale de recensement des votes. La charpente judiciaire et institutionnelle du pays, ultime recours d’un contentieux électoral mal contenu, a réellement vacillé en cette journée mémorable du mardi 3 mars 1993.  Alors que Youssou Ndiaye d’une part et Malick Sow de l’autre, entrent en scène pour suppléer définitivement et temporairement M. Mbaye et Mme Vaz, le Sénégal suit de toutes les interrogations. «Sud quotidien» revient dans son édition du jour, sur les événements qui ont marqué la politique et la justice de notre pays, récemment revisités par le président d’alors, Abdou Diouf dans son livre «Mémoires». 

 

Kéba Mbaye s’est trompé, disait-il lui-même dans sa lettre de démission, adressée le 2 mars 1993 au Président de la République, et dont Sud au Quotidien d’alors, ancêtre de Sud Quotidien d’aujourd’hui, avait obtenu une copie. Pas sur le nouveau Code électoral, qui restait selon lui une «œuvre de premier ordre». Mais sur ce qu’il attendait de ce Code : qu’il puisse «servir  à l’élévation des mentalités vers l’acceptation sans réserve du jeu démocratique».  

 

 

 
Le Président démissionnaire du Conseil constitutionnel assurait qu’il «n’accuse personne». Si le Code ne peut encore «produire tous ses effets», il en rejetait néanmoins la faute sur les «querelles partisanes» des hommes politiques. «J’ai le grand espoir» écrivait-il, que les politiciens sauront «très bientôt» engager une «croisade commune, profondément et largement concertée » pour la fraternité et la démocratie.  
En 46 lignes, Kéba Mbaye ne poussa guère son argument plus en détail. Sa décision, précisait-il,  avait été prise sans consultation préalable  de  son guide le regretté Serigne Abdou Aziz Sy ou de sa vieille mère, qu’il disait pourtant consulter «avant chacune de ses décisions». Mais le juge était confiant, il était « sûr qu’ils l’approuveront». Si les autres Sénégalais d’alors encore moins ceux d’aujourd’hui, n’ont eux pas forcément tout compris à la lecture de cette lettre, Sud quotidien leur donne d’autres éléments d’appréciation dans l’interview ci-contre recueillie le jour, auprès du concerné.

 

CONSEIL CONSTITUTIONNEL - POURQUOI KEBA MBAYE  A DEMISSIONNE
 
Sud au quotidien : Qu’est-ce que vous considérez comme échec dans votre mission au point d’en tirer la conséquence qui est la démission présentée ce matin (hier matin, 2 mars 1993) au chef de l’Etat ? 
 
Kéba Mbaye :  Compte tenu du rôle que j’ai joué dans l’élaboration du code électoral, en tant que président de la Commission cellulaire de réforme, de tout ce que j’en attendais et de ce que je vois actuellement, je considère que je suis arrivé à un échec. Il faut appeler un chat un chat. Je devais donc en tirer les conséquences et surtout profiter de l’occasion de cette ultime chance, pour sortir de cette situation qui est produite par la décision du Conseil constitutionnel.  
 
A partir de quand avez-vous pris la décision de quitter la présidence du Conseil constitutionnel ?  
 
En réalité, c’est une décision que j’ai mûrie ces jours-ci. J’étais seul à réfléchir. Je n’ai consulté personne. C’est finalement ce matin (Ndlr ; hier matin, 2 mars 1993) que j’ai pris la décision.  
 
Qu’and vous dites ces jours-ci, est-ce à dire que c’est à partir du moment où la Commission nationale de recensement a été bloquée dans ses travaux ?
 
Exact. 
 
Quelle a été la réaction du chef de l’Etat quand vous l’avez informé de votre décision ?  
 
Il a  été surpris. Il m’a demandé si j’avais vraiment réfléchi. Je lui ai dit que oui. 
 
Est-ce qu’il a cherché à vous faire revenir sur votre décision ? 
 
(Long silence : Ndlr). C’est normal. Il a insisté. Mais c’est normal dans des cas comme ça. Il m’a dit, il vaut mieux rester avec tous les problèmes qu’il y a. Et au fond vous remplissez bien les fonctions qu’on vous a confiées.  
 
Et vos collègues du Conseil, quand les avez-vous informés ?  
 
Ce matin (Ndlr : hier matin, 2 mars 1993) quand la décision que nous avons rendue a été prise et l’enveloppe de ma lettre de démission  envoyée. Ils n’étaient  pas pour évidemment. Mais je leur ai dit que c’était une décision que j’avais mûrie pendant plusieurs jours. C’était définitif, je n’avais consulté personne. 
 
Et vous êtes parti à cause des pressions  à la fois politique et populaire ? 
 
La seule chose déterminante dans ma décision c’est le fait que je me suis aperçu que j’étais dans l’erreur. Je m’étais trompé. Mais depuis qu’on a adopté ce code je me  suis dit que le Sénégal a passé le barre mais je me rends compte qu’il se trouve maintenant de l’autre côté. 
 
Avez-vous informé votre famille, vos enfants en particulier, avant de transmettre votre lettre de démission au chef de l’Etat ? 
 
Non. Généralement je les informe toujours. Mais cette fois-ci non. Je n’ai d’ailleurs informé personne.  
 
Une fois la décision prise, ils ont été solidaires ? 
 
Quand ils prennent leurs décisions, ils m’informent mais je ne les influence pas. Je leur donne des conseils et c’est réciproque. Généralement ils approuvent ce que je fais. 
 
La pression familiale a semble-t-il joué ?  
 
Aucune pression n’a joué, ou du moins n’a pu m’influencer dans ma prise de décision.  
 
Même pas la pression des évènements ? 
 
Mais pas du tout alors. 
 
Peut-être le code électoral est bon, même parfait, quelle place aviez-vous accordée à l’insuffisance des hommes qui l’appliquent dans l’appréciation que vous en faisiez ? 
 
Précisément, mon expérience de la commission cellulaire d’élaboration de ce code m’avait amené à dire partout et toujours que la classe politique sénégalaise avait changé avec ce nouveau code électoral. Et que dans tous les cas ce code était un instrument permettant d’arriver à des élections normales. Je vivais dans un nuage. A cause de cette expérience fantastique que j’ai vécue au sein de la commission nationale de réforme du code, j’ai rêvé.  
 
Avez-vous changé d’opinion par rapport aux hommes politiques depuis la tenue du scrutin du 21 février ? 
 
Je leur fais toujours confiance et je le dis dans ma lettre.  
 
Ne trouvez-vous pas curieuse la réforme de septembre 1992 qui a rayé du code les mécanismes par lesquels on prévoyait de régler les questions délicates liées à l’annulation des procès-verbaux de vote ?  
 
En effet, l’article L 58 du code dans sa version publiée en février 1992 prévoyait que le PV au niveau des commissions départementales pouvaient être annulés par les tribunaux régionaux et au niveau  de la commission nationale par la Cour d’Appel. Ce qui est arrivé c’est qu’il y avait contradiction manifeste entre cet article L58 et l’article L 112. On a adopté alors L 58 à LO 112, étant donné qu’il était plus simple de changer un article d’une loi ordinaire, ce qui est le cas de LO 112.  
 
Il est certainement plus commode de changer une loi organique que de régler des types de conflits comme celui qui est en train de paralyser la commission nationale ? 
 
Exact ! Je suis tout à fait d’accord avec vous.  C’est là un manque de vigilance de notre part.  
 
Le capitaine s’en va quand le bateau coule ou plutôt semble couler. C’est votre avis ? 
 
Moi, j’ai perçu les choses différemment. Je me suis dit que le Conseil constitutionnel a pris une décision extrêmement importante dans ce domaine qui était entièrement difficile. J’ai le sentiment que la commission nationale de recensement des votes  respectera la décision  du Conseil constitutionnel, car elle peut lui faire confiance pour la suite des évènements, notamment en cas de contestation. Et j’ai dit, certainement c’est le moment le meilleur pour moi de partir, étant donné que la situation est confortable. En somme, il y a de fortes chances que le droit l’emporte dans la Cnrv, donc je ne pouvais pas trouver meilleure chance.  
 
Est-ce un coup de votre part pour faire croire que vous êtes indispensable ?  
 
Je ne peux nullement être indispensable. J’ai passé 9 ans dehors, je ne suis donc pas du tout indispensable. Les gens oublient quand même que l’année prochaine j’aurai 70 ans. Le pays regorge d’hommes compétents qui peuvent me  remplacer.  
 
Si vous permettez, nous allons reparler du code électoral. Comment voyez-vous son avenir quand on sait que les hommes politiques le mettent en cause déjà pour justifier tout ce qui arrive ? 
 
Je pense que les difficultés seront surmontées. Il faudra plus tard procéder à l’examen des points faibles du code. Et pour ce faire, il sera indispensable de faire appel à tous ceux qui, de près ou de loin, ont eu à faire l’expérience de son application. Notamment les personnes qui ont siégé dans les bureaux de vote, dans les commissions, et les juges qui ont participé au contrôle du scrutin, les membres du Conseil constitutionnel. Il y a certainement des choses à reprendre. Mais ce code, malgré tout ce que les gens ont pu dire, reste un bon code. Un excellent code même.  
 
Si aujourd’hui on faisait encore appel à vous pour une mission quelconque à effectuer en rapport avec les politiques, accepteriez-vous ? 
 
Vous savez, j’ai accepté d’aller au Conseil constitutionnel malgré mon âge. Je n’ai pas rajeuni depuis. J’estime véritablement que j’ai fait ce que j’avais à faire dans ce pays.  Je n’ai pas toujours réussi, la preuve, mais je le fais toujours en mon âme et conscience et avec la seule visée de l’intérêt national. J’estime donc que d’autres personnes doivent prendre le relais. J’aspire à réfléchir ou à un repos. J’ai toujours été magistrat. Je n’ai jamais été quelque chose d’autre. 
 
Après votre démission, vous sentez-vous soulagé, débarrassé d’un fardeau ?  
 
Non ! Là non ! J’ai l’impression au contraire d’être amputé. J’ai tout à fait l’impression de m’être amputé.  
 
Vous semblez vous reprocher beaucoup de choses. Vous n’avez de cesse de répéter : je me suis trompé, je n’avais pas compris, j’étais dans un nuage. Pourquoi cette sorte de d’auto culpabilisation ? 
 
Je suis quand même un juriste de carrière. J’ai un certain âge. J’ai présidé la commission de réforme du code électoral. C’est un hasard, c’est parce que je suis juriste (Ndlr : Mme Mbaye  interrompt l’entretien.  Elle a au bout du fil un ami, Juan Antonio Samaranch, président du comité olympique international. L’ami est venu aux nouvelles). Si je sais que le travail que j’ai effectué me semble être à des endroits un échec, je ne pense pas en tenir compte dans ma façon d’analyser les choses.  
En 1981, vous lanciez cette phrase devenue célèbre, les Sénégalais sont fatigués, le sont-ils devenus plus aujourd’hui, ou pensez-vous qu’ils sont moins fatigués ?  
 
(Silence : Ndlr) Plus fatigués, je ne crois pas. Je sais par contre qu’ils sont toujours fatigués et très fatigués, si j’en juge par ce que je vois et ce que j’entends dans les salons et dans les rues.  
 
Vous disiez lors de cette même cérémonie au cours de laquelle vous prononciez cette fameuse phrase « qu’il faisait beau de voir Jimmy Carter au soir de sa défaite féliciter son vainqueur Ronald Reagan ». Vous seriez heureux de voir demain Abdou Diouf féliciter Abdoulaye Wade ou le contraire ?  
 
(Large sourire: Ndlr ) Absolument ! Je serais l’homme le plus heureux de ce monde.  
 
Pensez-vous que c’est demain la veille ?  
 
Je ne suis pas sûr. Malheureusement.   
 
Pourquoi vous n’êtes pas sûr ?  
 
Tout cela est lié au constat que je fais et qui m’a précisément amené à ce sentiment de désillusions, d’erreurs et d’échecs. Comme je le dis dans ma lettre, il y a des erreurs qui sont des échecs dont on cache le nom.  
 
Si vous étiez en face des hommes politiques qu’est-ce que  vous leur auriez dit ou suggéré de faire aujourd’hui ?  
 
Je leur aurai dit, asseyez-vous ensemble et discutez largement et successivement des problèmes de notre pays. Sortez nous les solutions de nos maux. Qu’ils se concertent et qu’ils discutent ensemble dans la fraternité et la sincérité. Ça c’est mon rêve. Certainement moi je suis un utopiste.
 
(Archives : Sud au Quotidien 
N° 21 du 3 Mars 1993)
 
source:http://www.sudonline.sn/raison-officielle_a_22041.html
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