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Luttes syndicales et menace de dérives anarcho –syndicalistes au Sénégal

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Les travailleurs Sénégalais ont acquis de haute lutte, à partir des grèves historiques des Cheminôts du Dakar-Niger, des années 40, le droit de s’organiser en Syndicats, et un Code du Travail qui consacre leur droit à des négociations collectives qui ont permis l’avènement des Conventions Collectives professionnelles dans le Secteur privé et un Statut Général de la fonction publique qui régit les statuts et les droits des fonctionnaires.

Le droit de grève qu’ils ont arraché du pouvoir colonial Français était entravé, dans le Secteur privé, par des dispositions et des procédures au près des Inspections du Travail, qui rendaient son exercice le plus souvent illicite, et férocement réprimé par les pouvoirs publics.

Dans le Secteur public, les dispositions concernant les « réquisitions » donnaient aux pouvoirs publics, les moyens légaux d’entraver tout recours des fonctionnaires à la grève, qui débouchait souvent sur des licenciements massifs.

Dans le meilleur des cas, les jours de grève, considérés comme « jours non travaillés », étaient décomptés des salaires sans autres sanctions administratives ou pénales.

C’est de cette manière que le recours à la grève, comme mode de lutte des travailleurs syndiqués pour défendre leurs revendications, n’était utilisé que s’il n’y avait plus d’autres alternatives pour les faire aboutir.

Ce sont ces circonstances historiques qui ont fait naître, dans le monde du travail, le recours à la « médiation » de personnalités politiques, religieuses et/ou coutumières, pour faire aboutir leurs revendications, et ont favorisé la caporalisation du mouvement syndical par le Parti au pouvoir de l’époque, le « Bloc Démocratique du Sénégal », devenu « l’Union Progressiste du Sénégal » (UPS).

Mais tout cela n’avait pas empêché « l’Union Nationale des Travailleurs du Sénégal » (UNTS), par solidarité avec la lutte des Etudiants de Mai 1968, de déclencher une grève générale, suivie par l’établissement de l’ « Etat d’urgence », l’arrestation massive d’Etudiants enrolés de force dans l’Armée, de la déportation, hors de Dakar, des dirigeants syndicaux, et, par la suite, l’interdiction du « Syndicat des Enseignants du Sénégal », (SES).

Le pouvoir mit en place une nouvelle Centrale syndicale, la « Confédération Nationale des Travailleurs du Sénégal », (CNTS), tout en par institutionnalisant la « Participation responsable ».

La « Participation responsable » donnait droit à la CNTS, à deux Ministères dans le gouvernement, 10% du nombre des Députés, une Vice-Présidence de l’Assemblée Nationale, et un quota au Conseil Economique et Social, et aux Conseils municipaux des grandes villes, en contrepartie de l’affiliation de la CNTS, au Parti au pouvoir de l’époque, l’UPS devenu « Parti Socialiste », (PS).

C’est dans ces conditions, qu’en 1980, dans le sous- secteur de l’Education nationale, le « Syndicat Unique Des Enseignants du Sénégal », (SUDES) qui naquit des cendres du SES, et qui exigeait la tenue des « Etats Généraux de l’Education et de la Formation », pour la « valorisation de l’Ecole publique et de la fonction enseignante », a dû organiser le boycott des examens de fin d’année, dont le Bacalauriat, en décrétant une grève de zèle en donnant massivement de bonnes notes, qui connut une participation massive, malgré le recours massif aux « réquisitions » et les menaces de ponction sur les salaires pour les jours de grève, et de licenciement.

Cela a abouti aux licenciements de 29 Responsables du SUDES, et à de nombreuses affectations arbitraires.

Le succès de cette grève, du 13 Mai 1980, qui a incontestablement contribué, dès le mois d’Août à l’annonce de la démission du Président Senghor, traduisait la maturité du mouvement syndical, et montrait les limites sociales et politiques, des entraves administratives au droit de grève.

Mais, pour affronter les conséquences économiques, sur les enseignants, de cette grève historique, le SUDES dut organiser « une quête nationale » de solidarité, pour avoir les moyens de compenser les ponctions effectivement opérées sur le salaire des grévistes.

Le succès que connut cette « quête » démontrait amplement que les populations et le mouvement syndical étaient bien conscients, que les jours de grève sont décomptés des salaires, puisque non travaillés.

Il était donc hors de question de revendiquer un « droit à un salaire » pour des jours non travaillés de son propre chef.

Ce n’est que dans les années 80, avec l’avènement d’Abdou Diouf à la tête de l’Etat, que la tenue des « Etats Généraux de l’Education et de la Formation » qu’exigeait le SUDES, fut satisfaite, et dans la foulée, le gouvernement consentit de restituer les salaires ponctionnés du fait de la grève, et de rapporter les mesures d’exclusion et d’affectation arbitraire, comme mesures d’accompagnement à l’apaisement social déclenché dans le sous-secteur de l’Education nationale, par la tenue de ce large dialogue national.

C’est dans cette période, que syndicats autonomes vis-à-vis de la CNTS du fait de sa caporalisation par le Parti au pouvoir, se sont organisés en Centrales syndicales autonomes, en donnant naissance, d’une part, à la « Confédération des Syndicats Autonome », CSA, sur les cendres de la « Coordination des Syndicats Autonomes », et, d’autre part, à « l’Union Nationale des Syndicats Autonomes du Sénégal », (UNSAS), pour combattre la pratique de la « Participation responsable », que combattait aussi une tendance interne à la CNTS, dirigée par un membre de son Bureau Confédéral, et Secrétaire Général de l’Union Régionale CNTS de Dakar, Madia Diop.

La convergence de ces deux combats, a créé un rapport de force à l’intérieur de la CNTS, pour donner naissance au courant du « Renouveau Syndical », avec à sa tête Madia Diop, suivie d’une scission menée par la Direction du PS au pouvoir, qui cherchait à ré éditer son coup de 1969, avec la dissolution de l’UNTS, pour institutionnaliser la « Participation responsable » par la création de la CNTS qui était entrain d’échapper à son contrôle.

C’est dans ces conditions que, « l’Unité d’Actions » entre le « Courant du Renouveau Syndical » devenu majoritaire au sein de la CNTS, avec à sa tête Madia Diop, et la « Coordination des Syndicats Autonomes », a créé, au niveau national, de nouveaux rapports de force qui ont permis en 1983,nd’abroger la Loi 80 01 qui plafonnait les dommages et intérêts pour licenciement abusif, et la tenue de négociations dans le Secteur privé, pour décrocher une « Convention Nationale Interprofessionnelle » encore en vigueur, et plus tard, avec la CSA, la cogestion des Institutions Sociales (IPRES et Caisse de Sécurité Sociale) par le Patronat, les Centrales syndicales, et l’Etat, et un nouveau Code du Travail en 1997, qui enlève les entraves administratives et politiques à l’exercice du droit de grève, en instituant le « préavis de 30jours » durant lesquels, si un accord n’est pas obtenu, la grève devient licite.

Ainsi, les syndicalistes qui déclarent avoir déposé un « préavis », valable pour toute l’année, ne savent pas que cela n’est autorisé ni dans le Code du Travail, ni dans la Constitution. Le « préavis » est de 30jours, ni plus ni moins !

De même, ils ne savent pas l’objet d’un « préavis », qui ouvre, non pas une période d’hostilité, mais de négociations pour trouver des accords !

Donc, ils ne peuvent pas considérer qu’ils peuvent, licitement aller en grève durant le préavis.

Ainsi, si la durée du préavis était d’une année, les syndicalistes se priveraient d’une année de possibilité d’aller en grève licitement!

Le « préavis de 30jours » ouvre donc une période de négociations entre les parties en conflit pour trouver un accord et éviter la grève. Il n’est donc pas un « préavis de grève », mais bien de « négociations » pour éviter la grève.

La grève ne peut donc intervenir qu’en cas d’échec des négociations, et devient licite, pour une durée courte, moyenne ou illimitée, au niveau d’une entreprise, d’un secteur, ou national, ou elle peut être générale.

Ce droit de grève est inclus dans la Constitution de 2001, même s’il y a une clause constitutionnelle de restriction de son exercice qui précise que la « grève ne doit pas mettre l’entreprise en péril » !

Les rapports de force durant la première décennie de 2000, entre le nouveau pouvoir du « Parti Démocratique Sénégalais », (PDS) , et le mouvement syndical, n’ ont pas permis de transcrire cette négation constitutionnelle du droit de grève, dans le Code du Travail de 1997, qui continue d’être la référence en la matière.

Dans ces conditions de grève licite, le travailleur reste sujet de sanctions pécuniaires par des ponctions opérées sur son salaire pour les jours non travaillés du fait de la grève. Il ne peut plus encourir des sanctions administratives ou pénales dans le Secteur privé.

Par contre, pour les Agents de la Fonction publique, même si les dispositions du Code du Travail en matière de grève s’appliquent à eux, par le biais de la Constitution, ils encourent toujours des restrictions administratives dans l’exercice du droit, du fait que les dispositions relatives aux « Réquisitions » dans leur « Statut Général », ne sont pas amendées à cet effet.

Le travailleur du Secteur privé n’encourt que des sanctions pécuniaires pour fait de grève licite, alors que le fonctionnaire subit en plus, des restrictions administratives dans l’exercice de son droit de grève.

Donc, les organisations syndicales et leurs dirigeants devraient mieux s’approprier l’expérience de leurs prédécesseurs, pour éviter de tomber dans l’anarcho- syndicalisme, qui, partout où il a pris le dessous, a tué l’arme de lutte des travailleurs la plus efficace, qui est la grève, dont le droit à son recours a été obtenu, partout, y compris dans notre pays, au prix de lourds sacrifices de nos devanciers.

La grève ne sert pas à détruire l’outil du travail, ni à sacrifier le travailleur, mais à améliorer les conditions de travail et de vie du travailleur.

Dans le contexte du pays marqué par une tendance lourde du processus de privatisation du Secteur public et des Services publics, tout recours à la grève dans le secteur public, devrait éviter de détourner les usagers du Service public, au profit du privé en quête de capter cette demande.

Ne jetez donc pas le bébé avec l’eau du bain, par inexpérience ou par mégalomanie.

Mais surtout, évitez de succomber à l’appel des sirènes, qui, faute d’arguments crédibles en mesure de mobiliser largement les populations confrontées à des difficu

ltés énormes, voudraient voir les syndicats, déclencher non pas une grève générale pour obtenir satisfaction à leurs revendications, mais bien à une grève politique générale, pour leur baliser la voie à la prise du pouvoir par la Rue !

Mais, la grève n’est pas le seul moyen de défense des intérêts des travailleurs.

En effet, le peuple, avec à sa tête le mouvement syndical, a obtenu de haute lutte, le « Droit de marche pacifique » pour exiger la prise en compte de ses aspirations.

Le mouvement syndical, dans les années 80 et 90, a su admirablement user de cette arme pour arriver à faire avancer la satisfaction de ses revendications.

Cette arme, qui est la « marche pacifique » n’a jamais été organisée, dans le secteur privé, ou dans le secteur public, durant les heures du travail, ou les jours ouvrages.

Au contraire, ces marches ont toujours été organisées à partir de 16 heures les jours ouvrables, pour prendre en compte la situation professionnelle des travailleurs, ou durant des jours non ouvrables, le Samedi notamment, pour leur éviter de sanctions pécuniaires et/ou administratives.

Donc, cet usage lucide et pertinent de ces deux armes, que sont la grève et la marche pacifique, dans le mouvement syndical, est l’antidote la plus efficace contre les menaces de dérives anarcho-syndicales, ou les risques d’aventures gauchistes, dans la lutte pour défendre leur Entreprise et Service, leur emploi et valoriser leur travail.

Ibrahima SENE PIT/SENEGAL

Dakar le 18 Février 2018