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Système de rémunération des agents du Secteur public : revenir à l’équité

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On disait du Président Senghor qu’il surveillait strictement l’écart des salaires et veillait à ce qu’il ne fût jamais grand. Il avait créé à la Présidence de la République une Cellule de Contrôle des Effectifs et de la Masse salariale (CCEMS) placée sous l’égide du Bureau Organisation et Méthode (BOM).

Elle avait pour mission de prévenir toutes dérives tant au niveau des salaires que des effectifs. Elle veillait aussi, dans le cadre des activités du BOM, au respect strict en matière de création de structures. Nombre d’autres mécanismes de régulation étaient mis en place, notamment ceux qui réglementaient le recrutement au niveau des écoles de formation donnant accès direct à la Fonction publique. Son successeur a maintenu tant bien que mal les mécanismes de surveillance et de régulation. Quand il quittait le pouvoir, il nous a laissé quand même, quelles que fussent les limites de sa gouvernance, une bonne administration et un système de rémunération des agents du secteur public adossé à la Loi 61-33 du 15 juin (1961) relative au statut général des fonctionnaires.

En six ans seulement, le vieux politicien qui lui a succédé détraque tout et, par une ‘’générosité’’ mal placée, crée une caste de privilégiés, qu’on pourrait appeler les ‘’princes’’ de son inéquitable gouvernance. C’est ainsi que, dans ce laps de temps, une seule indemnité a été multipliée par plus de 5, une autre, par 20. Cette insouciance, prolongée par son successeur le politicien Jr, nous vaut l’ébullition du front social que nous vivons aujourd’hui, et qui n’a de solution que le courage de remettre à plat tout le système de rémunération des agents de la Fonction publique. Le président-politicien a fini par le reconnaître et a commandité un audit dont les recommandations dorment dans ses tiroirs, comme de nombreux autres. Il y a peu de chance qu’elles en sortent d’ici au 24 février 2019. On n’a pas besoin d’être un génie pour imaginer que leur application suppose des mesures-choc qui remettront en cause bien des privilèges, que certains bénéficiaires n’hésiteront pas à appeler pudiquement ‘’avantages acquis’’ (nous y reviendrons). Le président-politicien qui est obnubilé par sa réélection ne prendra aucun risque à cet égard. Il faudra donc sûrement une équipe, des hommes et des femmes neufs pour engager cette tâche salutaire. Ce sera pour quand ? Nul ne le sait pour le moment, mais on peut souhaiter que ce soit pour 2019.

En tous les cas, cette mission de remettre tout à plat devrait être confiée à une commission technique pluridisciplinaire, composée d’experts avérés chacun dans son domaine de compétence. Comme documents de base, les experts s’appuieront notamment sur la Loi 61-33 du 15 juin 1961 (plusieurs fois modifiée et qu’ils adopteront au contexte) et sur les conclusions de l’audit qui dort à la Présidence de la République. La loi 61-33 organise toute la vie professionnelle des agents de la Fonction publique, ceux relevant du statut général comme d’autres statuts particuliers (fixés par décret). Elle ne s’applique pas à certains corps comme les magistrats, le personnel militaire, les fonctionnaires dont le statut est fixé par des lois spéciales (Titre premier, Article premier). Pour les fonctionnaires relevant du statut général comme du statut particulier, les conditions de rémunération sont fixées par le Titre 3, Article 27.

Je ne m’étendrai pas outre mesure sur cette loi, à la portée du plus grand nombre. Les experts sauront confronter ses dispositions avec le contexte et les conditions de rémunération des agents de la Fonction publique depuis le 2 avril 2000. Et, s’il y a lieu, ils proposeront des corrections aux différents dysfonctionnements qui seront constatés. Ce sont les indemnités qui constitueront sûrement le plus gros morceau de leur mission. Pendant plusieurs années, on en a énormément distribué, et à tort à travers. L’ancien Ministre de la Fonction publique (Mme Bompassy) comme le président-politicien reconnaissent les nombreux dysfonctionnements qu’il y a eu à ce niveau. Il n’est pas superflu de rappeler aux compatriotes qui n’ont pas lu mes contributions précédentes, ce que l’audit commandité par le président-politicien a révélé. Selon Mme Bampassy, l’étude menée sur le système de rémunération des agents de l’Etat a révélé « un système désarticulé et à plusieurs vitesses avec des disparités en termes de traitement salarial ». En outre, poursuit-elle, « des agents de l’Etat qui sont d’une même catégorie ont des disparités énormes en termes de traitement salarial et il faut tout remettre à plat ». Elle précise ensuite qu’elle a proposé de « (…) revoir tout le package d’indemnités données aux agents de façon désordonnée ». Ces mêmes indemnités « qui ont été données à des corps et pas à d’autres », de « façon anarchique ». Cela, il faut le rappeler sans cesse, pour prévenir toute velléité de légitimer ces indemnités et de les considérer comme des ‘’avantages acquis’’. Même le président-politicien a été obligé de faire son mea culpa. Il annonce l’harmonisation par l’Etat du système de rémunération de ses employés, ‘’dans le souci de corriger les inégalités entre plusieurs secteurs d’activité, en matière de traitement salarial’’. Et il révèle une décision ‘’pour tout remettre à plat (car), à un moment donné, il faudra tout harmoniser pour avoir une administration qui marche à la même vitesse ». Le successeur du vieux politicien reconnaît qu’ « une administration ne peut pas avoir des corps super-privilégiés et d’autres complètement sacrifiés ». Il a fait d’autres déclarations pour expliquer la nécessité de la remise à plat du système. C’est nécessaire, mais il ne peut pas en prendre la responsabilité, en tout cas pas d’ici au 24 février 2019. Il est responsable, avec son prédécesseur, de tous ces dysfonctionnements. Je rappelle ces deux fameuses indemnités dont l’une a été multipliée par plus de 5 (passant de 150000 à 800000 francs) et l’autre, par 20 (de 45000 à 900000) entre 2000 et 2006. C’était donc le fait de son prédécesseur.

Pour ce qui concerne le politicien Jr, je rappelle son fameux décret n° 2014-769 du 12 juin 2014 fixant les conditions d’attribution et d’occupation des logements administratifs. Un décret qui attribue des indemnités nettes d’impôt allant d’un million (1000000) à 150000 francs, en passant par 700000, 500000, 400000, etc. Ces indemnités substantielles ont été attribuées sans état d’âme à des compatriotes déjà privilégiés, dont nombre d’entre eux ont plusieurs maisons. Ce sont en général des ministres et autres ministres conseillers, des magistrats, des officiers supérieurs et généraux, des directeurs de cabinet, des secrétaires généraux de ministère et d’autres hauts fonctionnaires. Ces mêmes princes des gouvernances du vieux politicien et du politicien Jr ont largement bénéficié du pillage de nos maigres réserves foncières et se retrouvent parfois avec plusieurs terrains dans les quartiers les plus huppés de Dakar. Et ils en redemandent encore.

La question que nous posons légitimement est celle-ci : mais, ces gens-là, qu’ont-ils vraiment d’infiniment plus que les ingénieurs de toutes catégories, les docteurs en médecine et en pharmacie, les instituteurs et les professeurs qui ont fait d’eux, après DIEU, ce qu’ils sont devenus aujourd’hui ? Pendant que certains d’entre eux touchent des salaires (plus indemnités) de quatre, cinq à six millions de francs, des ingénieurs de toutes catégories recrutés comme contractuels dans la Fonction publique se contentent d’un maigre salaire brut de 300000 francs. Comment le président-politicien peut-il expliquer cette injustice insoutenable ?

Les indemnités octroyées à la tête du client de ‘’façon désordonnée et anarchique’’ nous coûtent 300 milliards par an et gonflent dangereusement notre masse salariale. Et ce gros risque va aller de mal en pis puisque, de partout, fusent des revendications d’augmentation de ces indemnités. En particulier, un Etat ne peut pas se permettre de loger tous ses agents ou d’octroyer à certains d’entre eux de substantielles indemnités représentatives de logement, et laisser sur la touche l’écrasante majorité qui, en principe, devrait avoir les mêmes droits que les premiers.

La Commission technique devrait prendre le temps qu’il faut pour mettre tous les agents de l’Etat sur un pied d’égalité, tant en ce qui concerne les salaires que les indemnités. Celles-ci, y compris ces fameux ‘’fonds communs’’ et ces non moins fameux ‘’primes de motivation’’, devraient notablement baisser, aucune base légale ne les justifiant pour la plupart. Aucune légalité ne peut être défendue face aux inégalités et aux injustices flagrantes que la ‘’générosité’’ de nos deux politiciens a créées. La Commission devrait remettre tout à plat, sur les rails de la justice, de l’équité et du mérite personnel. Toute augmentation devrait se faire sur la base du point d’indice, le même pour tous les agents du même statut.

Les dysfonctionnements débusqués et corrigés, tout le monde devrait être invité à travailler dur, pour produire toujours plus. Les fonctionnaires des régies financières en particulier devraient être plus vertueux encore et rompre avec certaines ‘’facilités’’ accordées souvent, dit-on, à des compatriotes privilégiés qui devraient payer le plus de taxes, le plus d’impôts. Ainsi, en moins de cinq ans, notre budget pourrait doubler – oui, il pourrait doubler. Dans cinq ans, l’exploitation de nos ressources pétrolières et gazières pourrait commencer. En ce moment-là, les salaires de nos agents du public seraient notablement augmentés, sur la base du point d’indice qui profiterait à tout le monde. Les conditions de vie de nos populations seraient aussi améliorées, avec sans doute un budget d’investissement plus consistant, davantage orienté vers les projets de développement que de prestige.

Cette réflexion d’un profane pourrait faire rire. Il est naïf, seraient tentés de dire certains. Tant pis ! L’essentiel pour le profane, c’était d’exprimer une conviction, et il l’a fait, avec les maigres moyens dont il dispose.

Dakar, le 26 février2018

Mody Niang