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Il ne faut point se faire d’illusions sur un éventuel changement significatif de la constitution, surtout au niveau de l’institution présidentielle. Le président Macky  ne voudra, certainement, diminuer les prérogatives que la Constitution actuelle lui attribue. II n’est pas superflu, à ce propos, de rappeler pour l’histoire que son prédécesseur Maître Abdoulaye Wade avait, lui aussi, dans l’opposition critiqué durement la Constitution qui était en vigueur, dans son aspect présidentiel. Et en accord avec ses alliés d’alors, un document contenant les grandes lignes d’une nouvelle constitution avait été élaboré. Mais arrivé au pouvoir, son premier souci a été de renforcer les pouvoirs présidentiels. Il élabora dans ce sens une constitution super présidentielle, avec la complicité de certains alliés et membres de la société civile. Rares étaient ceux qui savaient le véritable contenu du texte proposé au peuple sénégalais,  au moment du vote.

 Il faisait circuler à dessein, plusieurs versions. Il avait ainsi manœuvré en abusant de la confiance que les Sénégalais lui accordaient compte tenu de son long passé d’opposant. Sommes-nous en présence, aujourd’hui, du même scénario avec le mutisme de certains leaders de la mouvance présidentielle ? Certains partisans du président Sall qui se sont épanchés dans la presse, au lendemain de la publication de quelques extraits de l’avant-projet, ont avoué n’avoir pas lu le texte. Pour des dirigeants d’un certain niveau, cela me semble irresponsable. Pourtant le Pr Amadou Makhtar Mbow, président de la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI), a rappelé, lors de la remise de l’avant-projet au président de la République que dans la lettre que le président Sall lui a remise le 28 novembre 2012 lors  d’une audience, il avait été  demandé aux membres  de la Commission : «  d’organiser une large concertation nationale sur les réformes à mettre en œuvre, à court, moyen et long terme pour doter le pays d’une armature institutionnelle moderne à la mesure de son ambition de devenir et de rester une grande nation de démocratie »[1]. C’est assez clair pour qui veut comprendre. Ceux qui pensent que le président  Mbow et Cie ont outrepassé leur mission ou attributions, auraient souhaité, certainement, que les commissaires donnent leurs propositions en vrac, pour qu’eux se chargent de mettre en cohérence ces réformes. C’est un travail dans tous les cas, qu’un président n’a pas à exécuter lui-même.

Si certains opposants au texte font des critiques, certainement, de bonne foi, d’autres par contre ne s’agitent que par pur opportunisme, voulant conserver leurs strapontins ou se faire remarquer pour d’éventuelles responsabilités. Ils pensent ainsi faire plaisir au président, en s’attaquant violemment au Pr Amadou Mokhtar Mbow qui n’a plus rien à démontrer dans ce pays, en ce qui concerne le patriotisme. C’est sûr qu’il est indifférent à ses méchantes attaques. D’ailleurs parmi les  pourfendeurs, il y  en a qui ont, pourtant, participé aux Assises nationales présidées par le même Makhtar Mbow. En fait, ils agissent en fonction,  tout simplement, de leurs intérêts purement matériels. Mais dans cette levée de boucliers, il faut souligner l’intervention du ministre des infrastructures et des transports terrestres Thierno Alassane Sall[2] qui a déclaré : « Mon opinion personnelle a été modifiée. J’avais la même perception quand on était dans l’opposition. Je disais simplement, très honnêtement, qu’on ne pouvait pas être chef de parti et chef de l’Etat. Il est important que beaucoup de pouvoirs ne soient pas concentrés entre les mains d’une seule personne. C’est la vision que j’ai du pouvoir dans l’idéal absolu ». Il fait preuve, là, d’une incontestable honnêteté intellectuelle.

Présageant ce qui risque de se passer aujourd’hui, mon opinion au niveau du comité national de pilotage des Assises qui s’était réuni à la veille du démarrage des travaux de la CNRI, était de ne pas reprendre le travail qui a été bien fait pendant deux ans. Aller consulter de nouveau les populations qui se sont déjà prononcées me semble inutile. Pour moi, c’est une perte de temps et d’énergie, à laquelle je n’entendais pas participer de nouveau. Les conclusions des Assises nationales se trouvent dans un ouvrage intitulé : Assises nationales, Sénégal an 50, édité par l’Harmattan.

Pour avoir participé aux travaux des Assises nationales du début à la fin du processus et aux réunions de Benno Siggil Senegaal qui se tenaient à l’hôtel Ngor Diarama et au domicile du ministre d’Etat Amath Dansokho, pendant plus an, je dois reconnaître qu’au niveau de ces rencontres, le président Macky Sall n’a, jamais, été convaincu de l’instauration d’un régime parlementaire, ni de l’abandon de la direction d’un parti par un président élu.

Mais il avait bien signé, sans réserve, la charte de bonne gouvernance, au lendemain de sa démission du PDS et à la création de son parti, Alliance pour la République (APR), contrairement à la déclaration de certains de ses partisans. La déclaration faite en Chine  ″Je prendrai dans son contenu ce que je jugerai bon. Je n’ai aucune contrainte ni délai″[3]. Est tout à fait différente de celle tenue entre les deux tours de la présidentielle au niveau des Assises nationales au Point E et au sortir de son audience avec le président des Assises nationales, Amadou Makhtar Mbow, chez lui. Les archives sonores existent pour en témoigner. Nouvelle situation, nouveau langage !

La Commission n’a pas fait un travail pour Macky Sall. Il faut que cela soit clair. Elle a élaboré une Constitution pour le peuple sénégalais et non pour un président en exercice.

Si demain, le président Macky Sall  rejette cet avant-projet ou le vide de sa substance, il aura une fois de plus, démontré pour ceux qui en doutaient encore, que les promesses électorales n’engagent que ceux qui y croient.

François Mitterrand en France et Abdoulaye Wade au Sénégal, deux vieux briscards se sont battus contre les constitutions, gaulliste et senghorienne, pendant deux décennies, mais finalement s’en sont accommodés une fois arrivés au pouvoir. Les constitutions de leurs pays respectifs se ressemblent sauf sur deux aspects très importants : le rôle du Premier ministre qui détermine et conduit toujours la politique de la nation en France quelle que soit la nature du régime en place. Les Français ont toujours voulu  éviter une situation conflictuelle en cas de cohabitation qui est toujours une éventualité à envisager. Il est vrai que, ce rôle  est toujours dévolu, dans la pratique, au président de la République, en cas de concordance entre les majorités présidentielle et parlementaire.

Le départ d’un président de la direction de son parti ne l’empêche de le contrôler par personne interposée. C’est le cas aujourd’hui de François Hollande et hier de Nicolas Sarkozy. C’est une tradition bien établie aussi bien dans la gauche que dans la droite française. C’est cela qui est sain, en démocratie.

La Commission qui a travaillé pour l’avenir a bien fait de prévoir cette cohabitation. Evidemment je ne suis pas d’accord que le président qui perd une majorité parlementaire, puisse choisir lui-même sur une liste de trois  personnalités, Je pourrai revenir sur d’autres aspects dans une prochaine contribution.

 



[1] Journal Enquête vendredi 14 Février 2014

[2] Observateur du17 Février 2014

[3] Observateur du 20 Février 2014

 

source: 
diagne Aziz