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 La toute nouvelle représentante du Fonds monétaire international (Fmi) au Sénégal Cemile Sancak s’est officiellement prononcée sur les agrégats macroéconomiques de notre pays. Sans ambages, elle soutient, dans cet entretien accordé à Sud Quotidien, que la dette du Sénégal est soutenable. Elle a, par ailleurs, invité le secteur privé à venir prendre sa part d’actions dans les investissements en infrastructures et dans d’autres secteurs porteurs pour consolider la croissance économique soutenue de la période récente. La représentante résidente du Fmi renouvelle, au passage, l’appel de son institution au gouvernement sénégalais, à poursuivre les réformes à la Poste, à la Caisse de retraite de la fonction publique ainsi que la limitation de l’utilisation des comptes de dépôt en dehors des affectations de l’exercice budgétaire en cours.

Cet entretien intervient dans un contexte marqué par la sortie du député et économiste Mamadou Lamine Diallo dressant un tableau qui n’est pas reluisant de l’économie nationale. Selon le gouvernement, le budget 2018, chiffré à 3709,1 milliards, qui vient d’être voté s’adosse sur des bases macroéconomiques saines, soutenu par une philosophie d’actions entièrement dédiée au citoyen. Partagez-vous cette orientation ?
 
Oui, c’est un budget qui s’aligne au cadrage macroéconomique dans le cadre du programme conclu avec le Fonds monétaire international (Fmi). Il s’aligne à nos recommandations sur la gestion des finances publiques. C’est donc dire que nous sommes en phase avec le gouvernement sur le budget 2018.
 
Dans le présent budget, tout comme dans celui des années précédentes, d’importantes sommes d’argents ont été accordés à l’investissement. Partagez-vous ce choix ?
 
Le gouvernement a bien investi sur plusieurs projets d’infrastructures, mais il ne peut pas continuer à supporter seul les investissements sur les infrastructures. Par conséquent, l’investissement doit être aussi porté bien par le gouvernement que par le secteur privé. En d’autres termes, c’est le temps du partenariat public-privé fort pour continuer la croissance économique solide. Pour ce faire, les réformes en cours doivent être poursuivies aux fins d’améliorer l’environnement des affaires et favoriser l’investissement privé.
 
A quel secteur privé faites-vous allusion ? Est-ce le secteur privé national, étranger ou alors les deux à la fois ?
 
Les deux à la fois. Tout dépend de l’expertise. L’important, c’est de trouver des entreprises capables de remplir les cahiers de charges avec la qualité et les délais de livraisons requis. S’il y a des entreprises sénégalaises qui peuvent faire le travail dans l’efficacité et l’efficience, c’est une bonne chose. A défaut, on peut faire fait appel au savoir-faire des entreprises étrangères.
 
Pourtant des économistes soutiennent souvent qu’aucun pays au monde ne s’est développé sans son secteur privé. Qu’en dites-vous ?
 
Oui, mais il faut nuancer. Nous sommes dans l’universalité des connaissances, des savoirs et des savoir-faire. Le plus important, c’est de trouver des mécanismes offrant un bon cadre d’investissement à même de profiter largement au pays concerné. Dans la mise en œuvre des projets, notre recommandation est de permettre à tout le monde de pouvoir concourir par le biais d’Appel d’offre. Bref, il s’agit d’ouvrir pour donner la chance à tout le monde. Par-là, j’entends la concurrence loyale. C’est de cette façon qu’on peut s’assurer d’une bonne gestion des ressources, pour plus d’efficacité et d’efficience dans l’investissement.
 
Quid de la soutenabilité de la dette ?
 
Le Fmi, de même que le gouvernement, procède à une analyse de la viabilité de la dette à long terme. Dans le cadre de cet exercice, plusieurs indicateurs sont utilisés de manière à pouvoir déterminer le risque d’endettement. Les derniers résultats de l’analyse de viabilité de la dette montrent un risque d’endettement faible.
 
Le Sénégal a-t-il la capacité d’un Etat à rembourser ses emprunts et donc sa solvabilité ?
 
Jusqu’à ce jour, le risque d’endettement du Sénégal reste faible. Tout de même, il est important que le gouvernement continue à gérer sa dette avec prudence. Pour que le Sénégal conserve son faible risque de surendettement, il faudra traiter les problèmes structurels liés au besoin de financement global du secteur public, lequel n’est pas entièrement reflété par le déficit budgétaire global. Cela passera par des réformes de la Poste et de la Caisse de retraite de la fonction publique ainsi que par la limitation de l’utilisation des comptes de dépôt en dehors des affectations de l’exercice budgétaire en cours.
 
N’avez-vous pas eu échos de la sortie du député et économiste sénégalais Mamadou Lamine Diallo qui qualifie la situation actuelle du Sénégal de presque chaotique en ces mots: «La situation actuelle de trésorerie est plus proche de celle de 1992, du plan Sakho-Loum» ?
 
Oui, j’ai lu l’article paru dans la presse mentionnant un emprunt de 1500 milliards. En fait, ce qui est important dans un programme, c’est le plafond relatif au déficit budgétaire global, et plus globalement, le plafond en termes de besoin de financement global du secteur public. Et, sur ce point, les autorités ont exprimé leur fort engagement à respecter le plafond du besoin de financement fixé par le programme. Il y a toujours des possibilités d’emprunter davantage pour le Sénégal, mais le plafond limite le niveau d’endettement. Donc, si dans le budget, il est prévu une autorisation d’emprunter un certain montant, cela est bien encadré avec un plafond sur le déficit budgétaire global, et plus globalement, sur le besoin de financement global. 
 
Le Sénégal fait-il de bons emprunts ? En clair, les emprunts du Sénégal sont-ils orientés vers les secteurs à valeur ajoutée ?
 
Dans le programme avec le Fmi, le gouvernement est en train de mettre en œuvre une réforme qui va permettre d’évaluer tous les nouveaux projets avant leur programmation dans le budget. En effet, tous les nouveaux projets devraient passer par une sélection rigoureuse à travers un comité qui sélectionne les projets sur la base de critères de rentabilité. Donc, avec cette approche, on ira vers davantage de priorisation des projets dans le budget. 
 
Mais les impacts des gros investissements, avec de grosses sommes d’argent, faits dans les infrastructures sont-ils immédiats ?
 
Les impacts ne sont pas toujours immédiats dans les investissements. Les effets positifs de certains projets sur la croissance et l’inclusion sociale ne sont observés qu’à moyen et long terme. Toutefois, il est évident que pour qu’un pays se développe, il faut des infrastructures de base de qualité. L’infrastructure de qualité peut être très déterminante pour passer du statut de pays en développement à celui d’une économie dynamique.
 
Qu’en n’est-il du cadre macroéconomique du Sénégal ?
 
L’ambition des autorités de faire du Sénégal un pays émergent est une bonne chose. C’est un objectif réalisable si la mise en œuvre des projets s’accompagne de la préservation des équilibres macroéconomiques. Le Sénégal est sur la bonne voie et j’invite les autorités à renforcer d’efforts.
 
Ça fait déjà des années que le Fmi et autres partenaires techniques et financiers demandent inlassablement au gouvernement de réduire ses dépenses publiques ?
 
Oui, dans un monde où les ressources se raréfient, rationnaliser les dépenses ne peut être que bénéfique au pays. Parce que ces mêmes ressources peuvent être utilisées dans d’autres secteurs à forts potentiels et plus inclusifs. C’est à ce titre que la rationalisation des agences revêt une dimension importante. Il est important d’identifier les agences qui peuvent être regroupées et les fusionner pour rationaliser la masse des dépenses. J’avoue qu’il y a un effort à faire de la part du gouvernement dans le cadre de la rationalisation des dépenses.
Dans le même temps, dans nos recommandations, nous demandons d’inclure dans le budget les recettes parafiscales des agences et autres entités publiques. Cela va permettre d’avoir une meilleure maîtrise des recettes et des dépenses auxquelles elles sont affectées. C’est ce qui va, sans doute, permettre d’avoir une vue globale et d’avoir une marge de manœuvre dans la gestion du budget. Ainsi, c’est un processus continuel qu’il faut suivre rigoureusement pour atteindre ses objectifs de développement. A ce niveau, il faut dire que le gouvernement est dans la dynamique d’inclure les recettes de certaines agences.
En outre, vu les importants projets d’infrastructure en cours et en perspective et le niveau important de la demande sociale, il s’avère nécessaire d’améliorer la mobilisation des recettes à travers l’élargissement de l’assiette fiscale.
 
Quelle assistance apporte le FMI au Sénégal dans l’exploitation du pétrole et du gaz découverts récemment ?
 
Nous assistons les autorités dans la mise en place d’un régime fiscale des secteurs pétrolier et gazier. A ce sujet, il s’agit de voir comment formuler la taxation pour faire bénéficier, au mieux, le Sénégal des retombées de l’exploitation des ressources issues du pétrole et du gaz. Il est beaucoup question de mettre en place des mécanismes pour renforcer la transparence, pour une bonne gestion de ces ressources, en prenant en compte les générations futures.

 

source:http://www.sudonline.sn/c-est-le-temps-du-partenariat-public-prive-fort-pour-continuer-la-croissance-economique-solide_a_38605.html