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Le discours d’Aminata Traoré au colloque de Jean-Luc Mélenchon à Lille (France), le 15 octobre 2016.

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« C’est avec un immense plaisir que je participe à cette convention.

Nous ne venons pas vous soutenir. Nous avons le devoir d’être ici. Parce que, tout est dans le récit.

Tout est dans le récit : le respect, la solidarité internationale ou le mépris. Il y a un discours de mépris qui circule en ce moment sur le Mali. Le Mali qui aura été sauvé. Il y a pratiquement un consensus sur le fait que l’actuel président, s’il n’a pas réussi à inverser la courbe du chômage, au moins il a sauvé le Mali.

 

 

 

 

Mais qui demande l’avis des Maliens ? Personne. C’est humiliant ! C’est humiliant pour nous parce que le résultat des courses, c’est de faire du Mali le symbole de l’État failli, une armée incapable de défendre son territoire. L’endroit où il faut être militairement aujourd’hui pour compter parmi les grands.

Je pense que c’est une sorte de coalition internationale contre un pays qui n’a rien demandé à personne. Qui ne se serait pas trouvé dans cette situation si un certain Nicolas Sarkozy n’avait pas violé la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies…

Donc, il faut en finir avec le discours : « Mali, menace pour la sécurité internationale ».

Le Mali n’est pas une menace pour la sécurité internationale, c’est l’ordre cynique du monde qui est un péril pour nous tous.

Dans un monde, une économie mondialisée qui doit énormément au continent noir, depuis les débuts du capitalisme, l’accumulation primitive du capital est passée par la force de travail des Africains, les richesses du continent africain, et il s’avère aujourd’hui que la France revient au pacte colonial.

Le pacte colonial dans un monde prétendument ouvert. En fait, l’idée des anciennes puissances coloniale, c’est de continuer à faire commercer avec eux, mais pas avec la Chine, le Brésil et les prétendument émergés, parce qu’ils ne le sont pas non plus (…)

D’imposer aux Africains des guerres dont nous n’avons pas les moyens, nous avons mieux à faire que d’investir aujourd’hui dans des armes. Et c’est l’investissement dans la solution militaire qui pousse aujourd’hui, en plus du chômage, de la pauvreté et de la sécheresse… pousse aujourd’hui des milliers et des milliers d’Africains au suicide, c’est-à-dire emprunter des embarcations d’infortune que vous voyez ou alors à saisir la perche du radicalisme, les deux puisent dans le même terreau de l’injustice, et des modèles de développement défaillants.

Je crois que la France et l’Europe feraient mieux de se pencher davantage sur la crise du développement. C’est un modèle économique de transformation de nos sociétés qui n’a pas marché et qui n’a pas vocation à nous développer. Parce que les développeurs se sont enrichis à notre détriment.

Le chômage, la précarité et la pauvreté de masse, que vous dénoncez ici, commencent en Afrique.

Bien avant la Grèce, c’est l’Afrique qui a subi des politiques d’ajustement structurel, c’est pour cela que nous nous reconnaissons dans vos luttes.

Je me dois de témoigner parce que le mépris pour l’Afrique subsaharienne est profond. Parce que le racisme anti-noir est une réalité, lié au fait que nous ne savons pas nous développer. Et nous, nous voyons dans le développement, depuis le départ, un projet d’occidentalisation du monde : « SOYEZ COMME NOUS, FAITES COMME NOUS, MAIS RESTEZ CHEZ VOUS ». C’est ça, qu’il nous est demandé de faire. (…)

Donc, nous avons des accords de partenariat économique qui ne sont pas des accords, nous avons des accords migratoires dont nous ne connaissons pas les termes, nous avons des accords militaires et des accords monétaires.

Les quinze pays de l’Afrique francophones n’ont que le FCFA, et 1 FCFA est géré par le trésor français. Quels sont les Français qui accepteraient aujourd’hui que leur indépendance monétaire dépende des États-Unis ou d’ailleurs ? Le problème est posé et il est aussi le nôtre.

Alors, pourquoi ai-je dit que c’est le même combat ? Le choix que vous faites de l’humain est central pour nous.

Au Mali, nous avons adopté, quand j’étais ministre de la Culture, une politique de développement basée sur « l’humanisme malien ». Que nous n’ayons pas les capitaux, l’expertise, l’armement, mais s’il y a quelque chose qui est également partagé : tous les peuples ont cette capacité de réagir, de résister, en puisant dans ce qu’on appelle l’humanisme.

Mais le système ne s’est jamais adressé à l’humanisme, c’est-à-dire à l’intelligence des humains. Je crois qu’aujourd’hui, on nous pousse surtout à nous regarder en chiens de faïence.

Je suis de tout cœur avec vous, je soutiens Jean-Luc Mélenchon dans ce choix qui consiste à investir d’abord dans l’humain. »