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santé

 

En 2013, la volonté politique de l’Etat du Sénégal de réduire les inégalités d’accès aux soins  de santé et de favoriser l’équité, semble avoir été sur la voie idoine pour réaliser la santé pour tous. Le Président Macky Sall  affiche ainsi ses ambitions de faire bénéficier à 75% de la population  la couverture  maladie d’ici à 2017 en mettant en place le Plan Stratégique de Développement de la Couverture Maladie Universelle (Psd-Cmu). Pour relever le faible niveau de couverture du risque maladie, estimée actuellement à 20% seulement. Les nouvelles autorités auront ainsi  fort à faire face aux multiples défis qui les attendent pour atteindre ces objectifs. En effet, le lourd héritage des politiques de dilapidation des ressources nationales, la gravité de la situation sanitaire des populations, sans oublier l’insuffisance et la mauvaise qualité des soins dans des structures sanitaires publiques, sont autant d’obstacles qui se dressent devant les autorités.

 

Malgré les quelques progrès réalisés  en matière de couverture sanitaire et l’amélioration du fonctionnement des structures, l’équité dans l’accès aux soins de santé a souvent été  très problématique au Sénégal. Ainsi, pour se conformer à l’article 17 de la Constitution qui stipule que «l’Etat et les collectivités publiques ont le devoir de veiller à la santé physique et morale de la famille et, en particulier des personnes handicapées et des personnes âgées [….]», le chef de l’Etat Macky Sall a procédé au lancement officiel de la Couverture Maladie Universelle (Cmu), une des priorités du  programme ‘’Yoonu Yokkuté’’. C’était le 20 septembre 2013, au Grand Théâtre de Dakar. La Cmu signifie que tous les Sénégalais doivent accéder aux soins, au moment où ils en ont besoin. Ils  devront accéder à des soins adaptés et à un coût abordable. Qu’il s’agisse de la promotion de la santé, de la prévention, du traitement ou de la réadaptation. Sur la base de la concertation nationale qui s’est  déroulée de manière inclusive et participative, une fonction stratégique et des mesures  pratiques déjà mises en œuvre pour accélérer le processus. C’est dans ce cadre que le Plan Stratégique de Développement de la Couverture Maladie (Psd-Cmu), a vu le jour autour de quatre axes.
 
Le Psd-Cmu aux quatre axes
 
Le premier axe du Psd-Cmu porte sur le développement de la Couverture Maladie Universelle de base à travers les mutuelles de santé. Pour ce faire,  le chef de l’Etat Macky Sall appelle à la promotion des mutuelles de santé. A l’état actuel du niveau de couverture, les mutuelles constituent les instruments permettant  de couvrir la majorité de la population sénégalaise. Le slogan c’est : «Une collectivité locale, une mutuelle se santé» a-t-il été lancé, non sans octroyer une enveloppe de 50 millions de francs Cfa à toutes les Unions régionales de Mutuelle de Santé.

Les autres aspects du Psd-Cmu concernent  la réforme des Institutions de Prévoyance Maladie (Ipm) et  le renforcement des politiques de santé. Concernant ces deux axes du plan, le Président  Macky Sall a chargé le Comité National de Réforme des Institutions (Cnri) de faire des propositions sur la base de concertations inclusives et participatives. Les rapports sont présentement sur la table du Président.

Le dernier et quatrième axe du Psd-Cmu a trait à la mise en œuvre de la nouvelle initiative de gratuité des soins pour tous les enfants de 0-5 ans. Sur ce point, la gratuité de cette frange de la société a été déjà lancée en octobre dernier sur l’ensemble du territoire et concerne les postes et centres de santé. Une gratuité qui peut toutefois suivre l’enfant vers les hôpitaux si sa maladie demande un transfert vers une structure d’un degré  supérieur.
 
Couverture vaccinale universelle
 
Sous un autre registre, la situation de la couverture vaccinale universelle au Sénégal est relativement confortable. Selon les indicateurs, plus de 90% des taux de couverture ont été atteints, si l’on sait que le seuil fixé par l’Oms pour entrer dans le cercle restreint des pays se trouvant dans une situation confortable est de 85%. Ainsi, Awa Marie Coll Seck, ministre de la Santé et de l’Action sociale, qui compte engager un plaidoyer en faveur d’une vaccination intégrée à la nutrition, vise-t-elle la couverture vaccinale à 100%.  
 
Défis majeurs à relever
 
Sans aucun doute  faut-il féliciter cette volonté politique des nouvelles autorités qui s’est clairement manifestée. D’ailleurs force est de reconnaitre qu’elle constitue un préalable incontournable à l’édification méthodique d’un système de couverture maladie universelle, et cela de manière patiente. Cependant, cet ambitieux objectif s’avère être un processus extrêmement complexe, pouvant durer plusieurs années.

Pour relever le faible niveau de couverture du risque maladie, les nouvelles autorités auront fort à faire face au lourd héritage des politiques de dilapidation des ressources nationales. Au cours des cinquante dernières années, faisait remarquer Dr Mohamed Lamine LY,  (in senweb.com), la protection sociale a souvent pâti d’un déficit notoire d’équité et d’efficacité des politiques sociales dans le contexte de clientélisme et de mal-gouvernance qui malheureusement, a jusqu’à présent caractérisé les différents régimes politiques aux commandes. Malgré quelques progrès en matière de couverture sanitaire et l’amélioration du fonctionnement des structures sanitaires, l’équité dans l’accès aux soins de santé est loin d’être réalisé.
 
Lourd héritage des politiques
 
La précarité de la situation sanitaire des populations est le plus souvent liée à la pauvreté ambiante et à la non-maitrise des déterminants sociaux liés à la santé. L’accessibilité financière des structures sanitaires demeure toujours problématique pour la majorité des Sénégalais, a fortiori pour les groupes vulnérables en zone rurale. Selon les résultats de l’Esam II de 2004, le taux de satisfaction des malades sur le service médical fourni est de 39%. Les populations urbaines sont cependant plus satisfaites que celles des zones rurales puisque leur taux atteint 45% contre 35% en milieu rural. Chez les insatisfaits, les principaux griefs sont la cherté du coût du service (16,7%) et la longueur du temps d’attente (9,9%). Selon Dr Mohamed Lamine LY, il est évident que les agents de l’Etat ou des Collectivités locales, fonctionnaires ou non fonctionnaires font figure de privilégiés, dans la mesure où ils bénéficient de formules d’assurance-maladie sans aucune cotisation préalable, au détriment des couches les plus démunis. Ce qui porte le gap de couverture médicale à 80%.

Certes des dispositifs d’exemption et d’assistance en faveur de couches sociales  vulnérables, ont été mis en place, pour leur faciliter l’accès aux soins, tels que les mutuelles de santé. Mais, force est de constater que le taux de couverture des populations par les mutuelles de santé est très faible, selon les données les plus récentes fournies par l’EDS-MICS 2010 – 2011. Les populations, pour la plupart, ne sont pas au courant de ce genre de structures ou les considèrent tout bonnement peu fiables.

Par ailleurs on observe l’insuffisance et la mauvaise qualité des soins dans des structures sanitaires publiques délabrées, mal équipées, très peu pourvues en ressources. Certes, les succès du système sanitaire sénégalais sont indéniables, notamment dans la lutte contre certaines affections courantes (paludisme, sida…).
 
Pauvreté de la population et non-maitrise des déterminants sociaux de la santé

L’Enquête  de la Prestation des Services de Soins (Ecpss) 2012-2013 note que les structures sont généralement capables de faire les tests pour le diagnostic du paludisme et du Vih (respectivement 83% et 82% au niveau national). Mais seulement 17% sont capables de faire de la glycémie et 3% seulement disposent d’appareil de radiographie. La situation d’ensemble demeure toutefois préoccupante. D’ailleurs, on se rappelle que le 20 février 2013, le Syndicat Autonome des Médecins du Sénégal de l’Hôpital Abass Ndao avait initié une grève pour, entre autres, protester contre les mauvaises conditions de travail. Dans le même registre, à Sédhiou, le 15 février de la même année, le personnel était monté au créneau pour dénoncer les ruptures de l’anesthésie nécessitant l’évacuation des urgences vers Kolda, la prise en charge sociale dérisoire, l’absence d’équipement, etc.Selon les enquêtes de l’Eds-Continue 2012, le secteur de la Santé reste caractérisé par une insuffisance en infrastructures sanitaires et sociales et en prestations de services. Le personnel de santé est insuffisant, mal réparti, peu motivé à exercer ses activités sur l’ensemble du territoire national, en particulier au niveau des zones pauvres et reculées. Selon le Dr Mohamed Lamine Ly, le déficit est estimé par les syndicats à près de 3000 agents au moment même où il y a 1500 sages-femmes, 2000 infirmiers et 400 médecins en chômage.
 
Insuffisances, déficit d’équipement, manque de personnel des structures de santé

Par ailleurs, l’accès aux services de santé reste difficile au Sénégal, surtout en cas d’urgence. A titre d’exemple, Médina Yoro Foulah, un département de Kolda, regroupant 11 collectivités locales, ne dispose que d’un seul poste de santé qui manque d’appareil radiologique et de bloc opératoire. Il arrive que des femmes dont la grossesse est arrivée à terme  soient transportées à bord de charrettes pour rejoindre l’hôpital de Kolda située à 80 km de là. Ce qui occasionne parfois des décès. Dans cette localité, 39% des populations habitent entre 5 à 15 km d’une structure de santé. 

D’après l’enquête ESAM II, seuls 57,4 % des populations sont à moins de 30 minutes d’un service de santé, avec une très forte disparité entre la capitale (Dakar) et les autres localités. Ce taux est de 86,5% à Dakar contre seulement 41,2% en milieu rural, du fait notamment des difficultés de transport liées aux longues distances et à la mauvaise qualité des infrastructures routières. Plus d’un malade sur deux en ville se trouvent à moins d’un kilomètre d’un service de santé, alors que pratiquement le tiers de la population rurale (32,9%) est situé à plus de 5 kilomètres d’un service de santé.
Si on se réfère à l’Eds-Continue 2012, on note une bonne disponibilité des infrastructures de base répondant aux besoins des patients, notamment les sources d’eau améliorée (90%), une intimité visuelle et  auditive (99%), et la disponibilité de toilettes pour les patients (87%).
 
Ce qui n’est pas le cas pour les équipements de communication, ordinateurs avec internet et électricité régulière, mais aussi et surtout le transport d’urgence dont moins d’une structure sur deux dispose (48%) surtout dans la région de Saint Louis. Par ailleurs, un peu plus d’une structure sur deux dispose régulièrement d’électricité.

Quelques pistes

Il faut un renforcement des ressources humaines compétentes dans toutes les structures de santé. Cela doit s’accompagner inéluctablement avec la satisfaction de leurs intérêts matériels et moraux. Cependant, la volonté du gouvernement dans cette logique laisse à désirer dans la mesure où le budget alloué au ministère de la santé (127 milliards), pour l’exercice 2013-2014, n’a connu  qu’une légère hausse de plus de 3 milliards de Fcfa.

Le rapport de l’Eds-Continue 2012 doit servir de base pour une amélioration de  l’accessibilité physique aux services de santé, afin de se rapprocher des normes de l’OMS pour ce qui est de la couverture en infrastructures sanitaires. Cela doit passer par la prise en compte de l’augmentation de la demande en soins. L’équipement en matériels modernes  de toutes les structures sanitaires est obligatoire dans le but de relever les plateaux techniques. Il faut toutefois prendre en compte la sécurité des patients.  

Certes, le Président a exprimé sa volonté de réduire les inégalités sociales, surtout en zone rurale. Mais, il faut que la volonté politique affirmée du chef de l’Etat en faveur de la couverture maladie universelle soit accompagnée par un engagement sans faille en faveur de l’équité en santé.

Pour ce qui est des mutuelles, l’initiative du Président concernant à aider ces derniers en leur octroyant chacun 50 millions, est salutaire. Les Sénégalais ont cependant un certain préjugé quant à la gestion de ses mutuels de santé, faisant référence aux nombreux cas de détournement des fonds. En effet, ils sont très pessimistes et observent une certaine réticence à y adhérer. Ce qui signifie, qu’il faut une très bonne communication, convoquant les outils adéquats et les supports appropriés avec des canaux accessibles, pour une meilleure promotion de ces mutuelles qui ne peuvent être que bénéfiques pour peu que  l’Etat ait un droit de regard sur leur gestion. 

Mohamed Lamine Ly estime pour sa part qu’il faudra exercer un leadership sur l’ensemble du secteur de la santé, y compris sa composante privée qui en privilégiant la logique du profit gêne considérablement, aussi bien la résolution des problèmes de santé pour le plus grand nombre que l’atteinte des objectifs sociaux (en particulier l’équité) par un secteur public sévèrement handicapé par le manque de moyens. Il s’agira donc de restaurer un secteur public prédominant, digne de confiance, tout en permettant l’accompagnement par un secteur libéral qui devra agir en interrelation avec le secteur précité afin de rendre viable l’accès équitable aux soins.

Pour le docteur en médecine, l’atteinte des OMD sur la santé ne pourra se faire que si l’on dispose d’informations de qualité sur les problèmes de santé grâce à un système national d’informations sanitaires performant.

source: http://www.sudonline.sn/en-salle-d-urgences_a_16984.html