Bilan de Macky Sall
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En politique comme en guerre, quand les expressions foisonnent, leur finalité est de discréditer voire d'anéantir l’adversaire. En ces temps de campagne électorale, on n'en entend pas beaucoup comme le célèbre “Deuk bi dafa Macky”. Mais au fond, pèsent-elles vraiment à l’heure du choix ?

Le marigot politique est rempli d’alligators, les uns plus en verve que les autres. En cettecampagne électorale, les flèches empoisonnées proviennent de bouches politiques qui vocifèrent à longueur de meeting des expressions assassines, déstabilisatrices. Avec pour objectif de saper le moral de l’adversaire, de l’affaiblir pour le défaire.

A “l’accélération de la cadence” prônée par le Premier ministre, l’opposition aurait pu ressasser des expressions du genre “Deuk bi dafa Macky”, “Macky dou dem” ou alors “Deuk bi dafa Macky ba Marème”. Elles ont eu leur heure de gloire quelques mois auparavant. Mais, rien ne dit qu'elles ne seront pas ressuscitées et mises en symbiose avec une nouvelle fournée.

Moumina Camara, professeur d’analyse de discours au Centre d’études des sciences et techniques de l’information (CESTI), relève d’abord la “sloganisation” des termes. Le but est alors de faire passer un message puisqu’on est dans le domaine du marketing politique. Le discours, forme d'action prise en charge par quelqu'un dans un but donné, explique-t-il, est donc orienté mais toujours contextualisé.

“Le chef de l’État peut vouloir faire des réformes, mais le peuple et l'opposition peuvent estimer que cela traîne. D’où l'expression du PM : ‘accélérer la cadence”’, indique Camara. Plus spécifiquement, quand l’opposition assène “Deuk bi dafa Macky ba Marème”, on décèle une cristallisation des expressions autour du couple présidentiel avec une connotation péjorative, voire négative, souligne Moumina Camara.” C'est une forme de dramatisation.”

Et pour que le message fasse mouche, il doit respecter certains critères dont la fonction mnémotechnique : court, concis et très vite retenu.

“Insuffisant pour faire opérer un changement”

En faisant recours à la langue nationale comprise par la masse, le discours est pris en charge dans le but stratégique de capter les populations ou bien d'éliminer un adversaire en le disqualifiant, par exemple, au niveau compétence. Cependant, Camara prévient que le lien entre le discours et son influence sur la masse n’est pas automatique.

“Cela m'étonnerait que ce discours puisse avoir une influence. Cela peut aider les hommes politiques à sensibiliser les citoyens sur les difficultés du pays, mais je ne pense pas que ces expressions suffisent en elles-mêmes à faire opérer un changement”, soutient-il.

“C’est l’aspect émotionnel de convaincre qui domine plus que la raison dans ces expressions. Cela peut être une stratégie mais ce n’est pas suffisant”.

Sur ce point, on retrouve le contrepied du Pr Moustapha Sambe, analyste politique. Selon lui, ces expressions peuvent bien avoir de l'impact sur une grande partie de la population sénégalaise constituée d’analphabètes. “Dans un pays où les gens sont extrêmement crédules et où il y a beaucoup de suivisme, les slogans, ça marche souvent bien”, déclare-t-il. M. Sambe d’ajouter que de tout temps, la communication publique a été une affaire de slogan.

“Population analphabète (...) exposée à la manipulation”

La prolifération des supports médiatiques locaux aidant, les expressions reprises par les mass-médias ont beaucoup de chance de se perpétuer facilement dans la grande masse tant par répétition, par affirmation que par suivisme, indique Sambe.

D’ailleurs, sur le plan étymologique, les mass-médias sont des instruments qui favorisent le conformisme et comme des instruments d'amplification, ils encouragent en même temps le conformisme, ajoute-t-il. Voilà pourquoi ces slogans peuvent surfer sur une population analphabète exposée à la manipulation, même s'il faut reconnaître une prise de conscience graduelle à ne pas négliger.

En guise d’exemple, il fournit la célèbre phrase de l’ancien président français Valéry Giscard d'Estaing, lancée à son adversaire François Mitterrand, le 10 mai 1974, au cours du débat télévisé de l'entre deuxtours de l'élection présidentielle française de 1974. “Mitterrand, vous n’avez pas le monopole du cœur... !”

Cette phase avait été reprise par les journaux français et plusieurs analystes ont soutenu qu’elle a suffi pour éliminer Mitterrand de la course vers la présidentielle. Moustapha Sambe précise que ces slogans peuvent être dangereux tout comme ils peuvent être positivement accueillis par un régime, dans la simple mesure que les gens vivent de façon superficielle de nos jours.

“Aujourd'hui, si quelqu'un sort un mot, le reste suit”, a-t-il expliqué. Dès lors, le terme “accélérer la cadence” d’Aminata Touré peut donner des résultats, mais il faudra tout de même des gestes concrets de la part du gouvernement. “Deuk bi dafa Macky” est, selon lui, une expression qui doit normalement faire mal au président, car elle associe la première personnalité du pays à des éléments négatifs de gouvernance.

Suffisant pour que le camp présidentiel “contre-attaque”. “Il faut décortiquer ces concepts et les brûler si nécessaire”, préconise Moustapha Sambe.

SOURCE:http://www.seneplus.com/article/le-langage-en-politique-une-arme-de-distraction-massive