Pout
Outils
Vos reglages
  • Plus petit Petit Moyen Grand Plus grand
  • Default Helvetica Segoe Georgia Times

Lors de la cérémonie de prise de service de la Société d’exploitation d’ouvrages hydrauliques (Seoh), le 3 juillet 2015, présidée par le secrétaire d’Etat à l’Hydraulique rurale, Diène Faye, le président du Conseil d’administration de ladite boîte, Babacar Ndiaye, fit une révélation de taille. A savoir que «toute autorité qui monte sur la colline qui abrite les châteaux d’eau de l’Office des forages ruraux (Ofor), à Tassette sera, dès le lendemain démis de ses fonctions». Une telle confession a éveillé la curiosité du journal Le Quotidien. Et une enquête diligentée sur le terrain révèle que cette croyance va même au-delà de la colline de Tassette. D’autant qu’il se trouve dans le Diobass, huit villages où les autorités administratives locales n’oseraient jamais mettre les pieds. Le Quotidien a tenté de percer le mystère qui entoure l’existence de ces villages mystérieux et mythiques qui hantent le sommeil des autorités administratives.

 

Sipane, Pakala, Péléou sérère, Keur Mory Fall, Dakhar Mbaye, Thiéio, Teub Dal, Pout Ndoff. Ces noms de villages réveillent tant d’intérêt populaire, parce que se singularisant par la peur qu’ils suscitent chez les autorités administratives. Cette appréhension repose, pour l’essentiel, sur le caractère mystique et mythique attribué à ces patelins. Situés dans les communes de Tassette et de Notto, dans le Diobass, ces villages ont une sombre réputation : la croyance populaire veut que toute autorité qui se hasarderait à fouler le sol de ces 8 villages soit déchue. Fondée ou pas ? Les populations y croient dur comme fer. La qualification de villages «hantés» utilisée par un ancien sous-préfet de Notto, sous le couvert de l’anonymat, pour les désigner, prouve, s’il en était besoin, de la solidité d’une telle croyance. Il ne s’en cache guère : «Quand je suis arrivé à Notto pour la première fois, mon prédécesseur m’a remis une liste de villages hantés. Il me conseilla de n’y jamais mettre les pieds, si je tenais vraiment à mon emploi.» Toutefois, poursuit-il, tous ces villages sont bien administrés. «J’entretenais d’excellentes relations avec les différents chefs de village qui venaient me voir pour me rendre compte de la situation au niveau de leurs localités respectives. Et à chaque fois que de besoin, j’y envoyais des agents en mission.» A la question de savoir pourquoi il accordait autant de crédit à une telle croyance, l’administrateur de répondre : «Il ne peut en être autrement. Je crois en certaines valeurs, des valeurs qui sont le ciment même de notre société. En tout cas, je ne serai pas le premier à en vérifier la véracité.» Une vision que refuse de partager un certain responsable politique de l’arrondissement. Lequel indique qu’«il ne s’agit que d’une croyance cultivée et entretenue par certains pour s’éviter les tracasseries multiples comme les impôts et autres taxes que les chefs de canton prélevaient sur les paysans». Cependant, renseigne-t-il, «il reste évident que dans tous ces dits villages, il existe des gens dépositaires de savoirs occultes et qui pourraient, au besoin, être dangereux pour quiconque serait tenté de troubler leur quiétude». De nombreux autres individus, comme Babacar Ndiaye, président du Conseil d’administration de la Société d’exploitation d’ouvrages hydrauliques (Seoh), se veulent catégoriques : «Nos ancêtres avaient fait en sorte que tout élu qui montait dans la colline de Tassette perdait son pouvoir le lendemain. Ils l’avaient fait pour les colons mais aussi pour les chefs de canton véreux qui leur créaient des problèmes, et non pas pour ceux qui viennent apporter la vie et la paix.»

Fausse réputation
Au paisible village de Pout Ndoff, c’est avec amusement que les gens en parlent. «Il n’y a rien qui persécute les autorités qui désirent venir chez nous. Nous leur disons qu’elles seront les bienvenues, si elles le désirent et si elles sont porteuses de paix et de tranquillité», explique Ibrahima Dionne, un des proches du chef de village. En effet, explique-t-on sur les lieux, «la croyance qui colle à Pout Ndoff, de village hanté, date de l’époque du grand Cayor. Une guerre fratricide avait opposé le Damel Amary Ngoné Sobel et son frangin Damel Macodou. Vaincu, le jeune frère est venu chercher refuge à Pout Ndoff avec la bénédiction du chef du village de l’époque. Une année après, il reçut un messager du Damel Amary Ngoné qui lui disait que le Diobass qui l’abrite est aussi une propriété du Cayor, donc sous son contrôle». Et les riverains de poursuivre : «L’année suivante, voyant que Macodou était toujours au Diobass, il se résolut à venir le chasser. La bataille fut rude et Amary Ngoné sera chassé jusque dans les limites du Diobass. C’est cette défaite du tout puissant Damel sur les terres de Pout Ndoff, renseigne-t-on depuis les temps immémoriaux, qui marque le début d’une légende qui dépassera les frontières du Diobass. Et depuis, tous pensent que ce village oublié de Pout Ndoff est une terre hostile aux chefs. Ainsi est née une réputation qui lui colle à la peau.» Toutefois, précise-t-on, «ce qui avait permis de vaincre le Damel est toujours là. Aussi, les autorités peuvent venir à leur guise sans aucun risque mais, à Pout Ndoff, on ne récolte que ce qu’on a semé». Même son de cloche à Teub Dal. Là, Serigne Mbaye Diop, petit-fils du fondateur du village, abonde dans le même sens. Il estime que «toute autorité qui vient pour la paix dans leur village aura la paix, sinon, il aura le contraire, suivant ses désirs». Un tour discret dans les profondeurs de ce village, sous la conduite de Serigne Moustapha, Khalife de Teub Dal, renseigne que le fondateur de cette localité, un grand érudit de l’islam, a créé sept villages qui, tous, portent le nom de Teub Dal. Celui qui est à Diobass en est la huitième création. Ce dernier explique que les raisons de l’implantation de ces multiples villages s‘expliquent par le désir dudit Cheikh de «toujours rester seul pour se consacrer au travail et à sa religion». Aussi, n’acceptait-il pas que des gens puissent se prévaloir d’une quelconque autorité pour venir persécuter les pauvres talibés se trouvant sous sa protection ? A cela, indique notre guide, s’ajoute le fait que «le village est construit sur un site qui faisait peur aux Sérères de la localité, lesquels se disaient que cette forêt est hantée par les Djinns et autres Pangols. Ces facteurs feront que les autorités craignent de venir nous voir. Mais il n’y a rien dans ce village qui les en empêche, sinon, une croyance plus ou moins erronée. Toutefois, nous refusons, dans ce village, tout ce que les anciens n’y avaient pas toléré».  Toutes ces croyances sont battues en brèche par le secrétaire d’Etat à l’Hydraulique rurale, Diène Faye. «Quiconque gère un poste sera, un jour ou l’autre, démis de ses fonctions et remplacé par un autre. Ces croyances ne m’empêcheront jamais de faire mon travail. Je n’y crois pas. C’est Dieu Tout-Puissant qui donne le pouvoir et qui le reprend », indiquera-t-il dans son allocution lors de la cérémonie de prise de service de la société d’exploitation d’ouvrages hydrauliques (Seoh). Embouchant la même trompette, le Pca de ladite société de conclure à des «considérations d’une autre époque qui ne méritent pas trop une certaine attention».

Pauvreté
En tout état de cause, pour l’heure, aussi bien à Pout Ndoff qu’à Teub Dal, les chefs de village restent unanimes sur le fait que cette réputation de villages hantés leur «cause des préjudices certains. Car si la fréquentation était ce qu’elle devait être, Pout Ndoff et Teub Dal, aujourd’hui, dépasseraient, peut être, le statut dans lequel ils stagnent. Car, pour que quelqu’un puisse t’aider, il faudrait d’abord qu’il vienne chez toi pour savoir de quoi tu souffres». Aussi, se plaignent-ils de l’absence, dans leurs localités respectives, de structures sanitaires, de l’enclavement qui les isole, mais aussi du manque d’eau potable. Pour sa part, la présidente de l’Union des groupements des femmes de Diobass, Ndèye Fatou Ndiaye, de soutenir, pour sérieusement s’en offusquer, qu’«il n’y a que deux infrastructures dans le village de Teub Dal : une mosquée et un puits». Le minimum vital !
Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

source: http://www.lequotidien.sn/index.php/component/k2/pout-ndoff-et-teub-dal-ces-villages-mystiques-qui-hantent-le-sommeil-des-autorites-administratives