Podor
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Il a fallu à l’envoyé spécial de Sud Quotidien 15 heures de route pour rallier Podor. Cette localité où l’une des «baronnes» du Parti socialiste, Me Aïssata Tall Sall (maire sortant) est défiée par l’homme d’affaires et hôtelier, Mamadou Racine Sy, est distante de  Dakar de (seulement) 487 km. 

 

7h30, gare routière interurbaine de Pompier. L’heure n’est pas à la grande affluence ce samedi matin, veille de l’ouverture de la campagne pour les élections locales du 29 juin 2014. Des centaines voire un millier de voitures de transport en commun sont stationnées ça et là, les unes, pour les besoins d'inscription sur les tableaux des départs, les autres pour des révisions mécaniques, lavage, etc. Au tableau des départs pour le Fouta Toro, pas de taxi-brousse, pardon de «sept-places» en partance pour Podor.
 
Le rabatteur ou «coxeur» approché, annonce que  «c’est 10.000 F Cfa le billet», bagages non compris (à marchander). Deux autres passagers viennent se joindre à nous quelques minutes après. En attendant, des marchands ambulants, des vendeurs d’eau, de jus, et toute sorte d’article, y compris des chapelets, livres et extraits du Saint Coran, téléphones mobiles et accessoires, etc. peuvent se faufiler entre les passagers en attente et les voitures, pour écouler leurs produits. Divers sujets, notamment la lutte aiguise des appétits, notamment les photos du dernier grand combat en date (Balla Gaye II /Bombardier) que proposait un jeune vendeur.
 
Vers 10h, après quelques heures d'attente, les deux autres clients qui avaient rejoint le car en redescendent. Nous discutons d’un plan ‘’B’’ avec le chauffeur, agacé de voir que depuis 8h, il n’y avait pas de nouveaux candidats au voyage. Deux sept-places en partance pour Matam (Ourossogui) ont déjà quitté la gare routière. Mais l’itinéraire (Dakar-Linguère-Ranérou-Ourossogui) ne faisant pas l’affaire, l’on continuera à prendre son mal en patience jusqu’à 10h30, où ce plan ‘’B’’, discuté cette fois-ci avec le coxeur, deviendra une option sérieuse: procéder par étape. Dès lors, il fallait prendre les sept places en partance pour Richard Toll. En face du tableau, le véhicule préposé à la destination n'avait embarqué que deux voyageurs. 
 
Plan ‘’B’’ : procéder par étape
 
12h15, départ, le véhicule étant rempli. Pour aller plus vite, les clients proposent au chauffeur de passer par l’autoroute à péage. Il accepte, mais à condition qu’on se cotise : chacun 200 F Cfa pour pouvoir payer les 1400 F Cfa nécessaires pour le passage des deux postes à péage. Alors que toute le monde est prêt à s’exécuter, deux passagers vont plus vite : l’un donne 1000 F Cfa et l’autre 500 F Cfa. 
 
12h45, Diamniadio. Jusque-là tout va bien. Seulement, alors que les passagers affichent leur volonté d’arriver très vite car il leur restera un autre chemin à parcourir, le chauffeur lui, prenait tout son temps. Le véhicule avalait lentement les centaines de kilomètres (km) qu’il avait à faire. 14h, le taxi brousse s’immobilise devant l’atelier d’un vulcanisateur, à la sortie de Tivaouane, après avoir acheté du carburant dans une station à moins de 100 mètres de là. Une crevaison.  Pas de pneu de secours. C’est le début du calvaire qui sera vécu tout le long du trajet. Les passagers peuvent profiter pour prier, le temps du dépannage.
 
40mn plus tard (14h40), cap sur notre destination. Après plusieurs arrêts, soit pour se soumettre au contrôle des agents de la circulation, soit pour des raisons propres au chauffeur, le sept-place ne verra Ross Béthio, où il nous fera encore perdre beaucoup de temps, qu’à 18h. C’est une autre routine. Il fait de nombreux va-et-vient, le téléphone collé à l’oreille, gesticulant des mains. A travers des bribes de sa conversation, l’on comprend que c’était pour une commission dont le propriétaire n’était pas au rendez-vous. Quelques minutes après, le chauffeur avance sa voiture dans une station où il commence à décharger des caisses, cartons,  pneus et cercles de vélo. C’était de la marchandise commandée à Dakar.
 
La panne de trop
 
Auparavant, pendant que le sept-place progressait dans cette partie du Fouta, l’on a le temps de contempler la verdure des périmètres emblavés de cette partie de la vallée, avec des épouvantails dressés ça et là pour dissuader les oiseaux granivores, le retour des troupeaux soulevant de la poussière et guidés par de petits enfants, des femmes et des jeunes filles faisant le linge ou lavant la vaisselle au niveau des canaux  d’irrigation, des charrettes transportant des bidons d’eau tirés par des ânes, etc.  
 
Jusque-là, la route est en bon état, mais voilà que le véhicule avance «lentement» … au goût du client pressé. Aussi l’escale de Ross Béthio fera-t-elle déborder le vase. Le ton commence à monter petit à petit dans le véhicule. «Vous les hommes si vous ne dites pas la vérité au chauffeur, moi, je vais la lui dire. Non seulement son sept-place est lent, mais il s’arrête comme il veut sans nous avertir ou nous donner des explications», fulmine une dame voyageant avec son fils d’environ 4 ans qui ne cessait de lui dire : «Je veux manger du riz, maman». Le sandwiche qu’elle avait préparé pour l’enfant ne faisait plus l’affaire au fur et à mesure que le soleil avançait vers l’Ouest. 
 
Vers 18h30, cap sur Richard Toll. Après seulement 20 mn de course, le véhicule tombe à nouveau en panne. Les nerfs s’échauffent. Le temps commence à changer, la nuit s’annonçant petit à petit. Richard Toll si proche, mais si éloigné par la panne ne va s'offrir qu’ à 19h15. A la gare routière, des sept-places sont stationnés ça et là, mais aucun n’est en partance pour Podor ou Ndioum. Leur destination, c’est Gaya, la tenue ce samedi 14 juin du gamou annuel de cette localité oblige. Pour cette destination, les sept-places deviennent des «huit-places»: deux au siège de devant, à droite du chauffeur, trois au milieu et trois derrière. 
 
Des «je te rappelle» pour se débarrasser de…
 
19h40,  on nous signale un ndiage-ndiaye en partance pour Ndioum, à Bountou Pont. Sur place, le coxeur réclame 1500 F Cfa, sac de voyage non compris, et nous remet un ticket, mais ce n’est qu’à 22h20 que le véhicule prendra le départ de Richard Toll. A 00h50 le croisement Tarédji se dévoile. Nouveau terminus, des clients descendent, parmi eux votre reporter, exténués, méconnaissables, parce que couverts de poussière. L’état chaotique de la route en chantier, les nombreuses déviations à hauteur des ponts en travaux et arrêts pour descendre des clients dans différentes localités traversées, sont passés par là.
 
Les contacts (dont des correspondants de locaux d’organes de presse) sur place à Podor pour l’hébergement, relancés plusieurs fois le long du trajet, peuvent être à nouveau joints, même s’il fait nuit. Malheureusement, c’est comme d’habitude, si ce n’est pas le téléphone qui sonne dans le vide, ce sont des «rappelle-moi dans …» X temps ou «je te rappelle» qui sont distillés gratuitement. Ils ne rappelleront jamais et vos tentatives de les joindre, les nombreux messages vocaux et textes resteront vaines, n’est-ce pas ‘’Red-chef’’. Abdoulaye Thiam en sait un peu, lui qui essayait de me trouver un «ndiatigué» depuis le mercredi 11 juin dernier.
 
L’attente devient longue à Tarédji, pas de véhicule sur place en partance pour Podor distant de seulement 20 km environ. Nous nous ouvrons au gendarme en faction au croisement. «Je suis de la brigade de Podor, je suis là jusqu’à 5h. Si d’ici là vous ne trouvez pas de véhicule, je vous amène en rentrant jusque chez le contact dont vous parlez, je le connais». Un pick-up blanc se gare à la station, l’agent nous demande d’approcher le chauffeur pour connaitre sa destination. Il se rend à Podor, heureusement. 
 
Podor change, mais n’ose pas rêver
 
Départ de là à 02h15. Une dizaine de minutes après, Podor. Il fait tard, c’est gênant de joindre les contacts à cette heure, mais nous n’avons pas le choix. Les numéros composés sonnent dans le vide, les messages «textos» restent sans réponse,  à l’image de ceux envoyés le long du trajet pour permettre aux … tuteurs de nous situer. Un hôtel de la place peut faire l’affaire. Au moment où le gardien de la «Cour du fleuve» nous ouvrait la grande porte de derrière fermée, notre «sauveur» de Tarédji, le pick-up blanc qui faisait la ronde s’arrête net: «Grand, venez ! Allons chez-nous, il y a suffisamment de matelas pour passer la nuit et retrouver votre tuteur demain». Nous nous exécutons, le gardien qui nous regardait lui tourner le dos, referme sa porte. 
 
Mais sur place, nous découvrons qu’il s’agit de la maison d’un des prétendants au fauteuil de maire de la ville. Oh ! Retour à la case  départ, conflit d’intérêt oblige! Dimanche matin, à 11h, nous reprenons le même exercice avec les contacts, mais toujours le même résultat. Heureusement la grande famille africaine est bien présente. Des parents d’une des cousines d'une tante de Thiaroye est là. Jointe au téléphone, une des connaissances de la famille rassure: «Je suis à Podor ces temps-ci». Ouf de soulagement et fin de ce calvaire, en attendant un autre.
 
Dans l’après-midi, au moment d’envoyer des articles, la connexion fait défaut. La clé internet Expresso ne donne pas. Des techniciens approchés n’y connaissent rien, l’opérateur de téléphonie n’ayant pas de représentant au niveau local. Podor «n’ose pas rêver», car ici, «la vie change». La solution alternative, un cybercafé: deux heures de connexion payées, mais pas de réseau. Ce n’est que le lendemain que nous nous sommes procuré une nouvelle clé Orange auprès de la boutique, sur orientation du technicien de la Sonatel rencontré à la Commission électorale départementale autonome (CEDA). Désormais, les envois peuvent se faire… normalement. Dieu merci !  

 

SOURCE:http://www.sudonline.sn/peripeties-d-un-voyage-mouvemente_a_19475.html