Carnet de route - axe Tambacounda-Kidira LA ROUTE DE... «L’ENFER»

Tambacounda
Outils
Vos reglages
  • Plus petit Petit Moyen Grand Plus grand
  • Default Helvetica Segoe Georgia Times

Entre pistes sablonneuses, déviations et creux béants sur ce qui reste des quelques kilomètres de bitumes, la route Tambacounda-Kidira est un véritable casse-tête chinois pour les usagers. Embarquer pour cette destination est à la fois une entreprise périlleuse et fastidieuse.

Depuis quelques années, cette route nationale, longue de 186 km, est dans un état de délabrement très avancé. Le périple se fait avec beaucoup de concentration de la part des conducteurs. Et pourtant, la commune de Kidira est un point de passage entre le Sénégal et le Mali où passent plusieurs véhicules au quotidien. Retour sur un calvaire de près de 5 heures pour venir à bout de ces 186 km du corridor Dakar-Bamako. Il est 7h30 à la gare routière ou «garage Kotiary» de Tambacounda, mardi 19 novembre. Ici, s’embarquent des passagers pour plusieurs destinations. A peine le seuil de cette gare routière franchi, des rabatteurs, communément appelés «coxeurs», pour la plupart des personnes âgées, se ruent vers vous. «Vous allez où ? A Kidira ? Kédougou ? Ourossogui ?». «Non ! Kidira», Leur rétorque-t-on. «C’est 5000 F pour les 7 places et 3000 pour les minicars», dit le préposé au tableau des d’inscription des voitures à destination de Kidira. «Ok, je prends une 7 places».

Recouverts de poussière et vétustes, voilà la description des véhicules qui font la navette entre Tambacounda et Kidira trouvés sur place. Ce qui en dit long sur les supplices qui attendent les passagers sur le trajet. Ces derniers viennent à compte-gouttes, souvent transportés par des motos-taxis Jakarta, principaux moyens de transport dans la ville de Tambacounda. Pendant ce temps, les talibés, comme les vendeurs à la sauvette «accablent» les passagers. L’atmosphère sous les tentes des vendeurs de «Tangana» ravive le décor.

8h30, c’est le départ, cap sur Kidira. Le calvaire des usagers commence juste à la sortie de la ville de Tambacounda où la route goudronnée est coupée. «Aujourd’hui, vous allez être recouverts de sable», laisse entendre le chauffeur sur un ton comique. Il s’adresse à deux inconnus des lieux. Voiles, bonnets, masques, mouchoirs et autres, à chacun son accessoire pour se protéger de la poussière. Si les passagers sont munis de tout cela, c’est parce qu’à Tambacounda déjà, ils sont prévenus une fois qu’ils déclinent leur destinations, Kidira.

ENTRE NIDS DE POULE, POUSSIERE, DEVIATIONS... : 5H DE CAUCHEMAR

La voiture roule sur une piste sablonneuse jusqu’au village de Kotiary. Ici, quelques kilomètres de route sont goudronnés. Mais les crevasses et les nids de poule règnent en maître sur cette voie. A chaque mètre, le conducteur est obligé de freiner pour ne pas abimer son véhicule dans les trous béants qui jonchent la chaussée. A cela s’ajoutent les déviations causées par les «petits» travaux des engins qui avancent lentement. Tout au long de la route, les habitants des hameaux exposent des sacs de charbons de bois à la recherche de potentiels clients.

11h20, on franchit la ville de Goudiri. «On est à Goudiri. Mais vous allez souffrir encore, ce qui reste, ce ne sont même pas des creux, mais des puits», martèle un passager habitué de la route. L’état de dégradation de la route fait qu’il est impossible de rouler 40 mn sans tomber sur un véhicule en panne, en particulier des camions car cet axe est un tronçon du corridor Dakar-Bamako. La situation des usagers s’empire, avec les véhicules qui dépassent. Ils soulèvent derrière eux la poussière qui les inondent, rendant la vue difficile et obligeant les conducteurs à ralentir.

13h, nous voilà, enfin, dans la commune de Kidira. A l’entrée, le stationnement des camions gros porteurs campe le décor. Les passagers sortent du véhicule, tous recouverts de poussière. Chacun se débarbouille la figure pour pouvoir continuer son chemin. Les affres et la douleur du parcourt se ressentent. Il faut vraiment être un véritable cascadeur pour emprunter la route Tambacounda-Kidira.

Même, le conducteur ne cache pas son désarroi. «Que les autorités nous viennent en aide. Nous souffrons énormément à cause de l’état défectueux de la route. Ça fait plusieurs années que je fais la navette entre Tambacounda et Kidira, mais on dirait que les autorités nous ont oubliés. Les travaux ne bougent pas. Franchement, cette route, c’est notre cauchemar. Avec tout ce qu’on a enduré, c’est encore plus difficile pendant la saison des pluies», martèle le jeune homme.

«LE CONTOURNEMENT DES VEHICULES A UN REEL IMPACT SUR L’ECONOMIE DE KIDIRA»

Située à 186 km de Tambacounda, la commune de Kidira qui compte 16.000 habitants, est la dernière localité à la frontière sénégalaise, c’est le pont de passage du Sénégal vers le Mali. 800 m la sépare du premier village malien frontalier de Diboli, à travers un pont. Kidira se situe aussi à 8 km de la Mauritanie voisine et à une soixantaine de km de la Guinée. Bref, sa position géographique fait d’elle une ville commerciale.

Cependant, à cause du mauvais état de la route menant vers Tambacounda, beaucoup de conducteurs, notamment les camions gros porteurs - transportant des marchandises à destination ou en provenance du pays continental voisin (Mali) dont une bonne partie des produits transite par le Port autonome de Dakar - optent pour le  contournement, en passant par Kédougou. Ce qui n’est pas sans conséquences sur l’économie de la commune de Kédougou, selon son maire Demba Niox Thiam.

«Il n’y a pas une distance plus courte pour atteindre Bamako sans passer par Kidira. La commune enregistrait 400 à 500 camions par jour. Mais, maintenant, avec l’état de la route, ça s’est considérablement réduit. On a peut-être une centaine ou une cinquantaine par jour. Ce contournement des véhicules, car ils font la déviation en passant par Kédougou, a un réel impact sur l’économie de Kidira ; quand on sait que les ressources fondamentales de la commune, c’est le stationnement des camions», déplore le maire Demba Niox Thiam.

Toutefois, dit-il «on a vu que ces temps-ci, il y a des engins sur la route et les travaux de la route ont commencé. Je crois que d’ici 22 mois, ce serait un vieux souvenir». Pour rappel, les travaux de réhabilitation de la route Tambacounda-Kidira-Bakel ont été lancés par l’ancien ministre des Transports terrestres et du Désenclavement, Abdoulaye Daouda Diallo, en août 2018. Mais, au vu de l’état d’avancement des travaux, ce n’est pas demain que prendra fin le calvaire des usages de la route Tambacounda-Kidira.

Mariame DJIGO (De retour de Kidira)

 

source:http://www.sudonline.sn/la-route-de-l-enfer_a_45544.html