JUSTICE
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 Alors que l’Union des magistrats du Sénégal (UMS) continue de faire de l’indépendance des magistrats, en réclamant le départ du président de la République et du ministre de Justice du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) son cheval de batail, l’Etat a mis en place, le jeudi 22 février dernier, un Comité de concertation sur la modernisation de la justice, sous la houlette du Professeur Isaac Yankhoba Ndiaye, ancien membre du Conseil constitutionnel. Il s’agit là d’une matérialisation de la volonté exprimée du Chef de l’Etat d’engager des concertations larges et inclusives sur la question, lors l’audience solennelle de rentrée des Cours et Tribunaux du jeudi 11 janvier 2018.

En attendant les conclusions de ce comité de 28 membres, dont les 20 seraient issus soit du CSM, soit du ministère de la Justice, et le reste venant respectivement, à raison d’un par secteur, de l’UMS, de la société civile, du barreau, de l’Ordre des notaires, de l’Association des juristes sénégalaises, des huissiers et des greffiers, des acteurs se prononcent. Pour Me Mame Adama Gueye, ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats du Sénégal, la question c’est de faire en sorte que «l’inamovibilité des magistrats soit une vraie réalité.» Mieux, «arriver à mettre en place un système de gouvernance qui fasse que le président de la République et son ministre de la Justice ne jouent pas un rôle prépondérant… sur la carrière des magistrats». Ndiogou Sarr, professeur de droit public à l’UCAD, est aussi favorable à la présence de l’exécutif dans le CSM, mais à condition. «Le pouvoir exécutif est présent dans tous les autres corps… A partir de ce moment, je ne pourrais dire que le président de la République n’a pas sa place là-bas, mais je pense qu’il faut revoir le rôle qu’il est appelé à jouer au sein de ce conseil».  ME MAME ADAMA GUEYE, ANCIEN BATONNIER DE L’ORDRE DES AVOCATS «Arriver à mettre en place un système de gouvernance qui…»
 
Répondant à une question sur l’indépendance des magistrats, sur la Rfm, l’ancien bâtonnier de l’ordre des avocats, Me Mame Adama Gueye, plaide pour la reconnaissance de leur inamovibilité. Selon lui, «tant que la garantie de l’inamovibilité n’est pas reconnue, on crée une situation de précarité qui est une menace sur l’indépendance du magistrat. Il faut que l’inamovibilité des magistrats soit une vraie réalité». Pour y arriver, explique Me Gueye, «il faut faire en sorte que le Conseil supérieur de la magistrature fonctionne sur des bases objectives par rapport à la carrière des magistrats, en d’autres termes, conférer au conseil le pouvoir de faire des propositions de nomination pour tous les magistrats, parce qu’aujourd’hui c’est le ministre de la Justice qui le fait. Et, aussi en dehors des reformes de la structure de l’organe, il faut remettre en question un certain nombre de concepts sur lesquels donc l’Etat abuse pour remettre en question l’indépendance des magistrats. D’où la question de la notion de «nécessité de service et d’intérim».

Par contre, Me Mame Adama Gueye ne s’oppose pas à l’idée que le pouvoir exécutif siège au Conseil supérieur de la magistrature car, à son avis, c’est quelque chose qui peut enrichir la magistrature. «Je ne suis pas favorable à l’idée d’exclure totalement la présence de l’exécutif au niveau du Conseil supé- rieur de la magistrature parce que, quand-même, la justice est un service publique. Et donc, de ce point vue, il me parait normal que l’exécutif soit représenté, mais dans des conditions assurant que l’exécutif n’ait pas un rôle prépondérant», a expliqué Me Gueye. Et d’ajouter: «la magistrature fait partie d’un système, le système judiciaire. La justice ne peut pas être seulement l’affaire des magistrats, des acteurs de la justice et de l’Etat. C’est d’abord l’affaire du justiciable. On juge au nom du peuple Sénégalais. Donc, il est normal que dans ce conseil là qu’il y ait des personnalités extérieures», a-t-il fait savoir. Mais, s’empresse-t-il de noter, là où il faut s’organiser c’est surtout au niveau de la question de la gouvernance du Conseil supérieur de la magistrature. C’est-à-dire «arriver à mettre en place un système de gouvernance qui fasse que le président de la République et son ministre de la Justice ne jouent pas un rôle prépondérant, parce que quand on peut peser de manière déterminant sur la carrière des magistrats, leur indépendance est hypothéquée.»
 
NDIOGOU SARR, PROFESSEUR DE DROIT PUBLIC A L’UCAD «L’Etat pourrait être présent et le gouvernement pourrait être représenté dans cette instance, mais…»
 
«L’Etat pourrait être présent et le gouvernement pourrait être représenté dans cette instance (CSM, ndlr), mais uniquement dans le souci de voir l’administration de la justice, d’apporter son concours, mais pas pour décider de l’avancement ou effectivement de la carrière des magistrats». Cette idée est du Professeur de droit public à l’UCAD, Ndiogou Sarr. Car ditil, la question c’est moins sur la présence du chef de l’Etat, mais plutôt par rapport au rôle qu’il joue dans le cadre de ce Conseil supérieur. Selon le Pr Sarr interrogé par Rfm, dans les débats, on fait plus appel à l’homme politique, à quelqu’un qui est partisan, mais pas au chef de l’Etat en tant que garant du fonctionnement des institutions. «A partir de ce moment, on ne saurait accepter, dans un pays, que l’administration ne puisse avoir un droit de gage sur le fonctionnement de la justice qui est effectivement un pilier de nos institutions».

Se prononçant sur le statut des magistrats et sur la question de l’influence du président de République ou du ministre de la Justice sur les décisions prises par les magistrats euxmêmes, M. Sarr explique que «les magistrats ont des garantis que la Constitution leur accorde et qu’aucune autorité ne peut remettre en cause». Néanmoins Pr Ndiogou Sarr reconnait que la présence de l’exécutif au sein du conseil peut jouer un rôle déterminant si celui-ci n’altère en rien les décisions des magistrats d’autant plus qu’il est garant du bon fonctionnement de toutes les institutions. «Le pouvoir exécutif est présent dans tous les autres corps. Si vous prenez l’Armée et dans les autres instances, le chef de l’Etat y est présent parce qu’il est le garant du fonctionnement normal de l’administration. A partir de ce moment, je ne pourrais dire que le président de la République n’a pas sa place là-bas, mais je pense qu’il faut revoir le rôle qu’il est appelé à jouer au sein de ce conseil». Car, poursuit-il «si le président de la République ou le ministre de la Justice arrive à décider de la mutation, du mouvement des magistrats, ça pose un problème alors que les textes sont très clairs, la constitution garantit aux magistrats l’inamovibilité». Alors, «la présence, oui ! Mais pas une présence qui donnerais a l’exécutif la possibilité d’intervenir sur la carrière des magistrats ou un peu sur leurs mouvements».
 
PAR OUMOU ANNE ET I.DIALLO

 

source:http://www.sudonline.sn/le-oui-mais-des-acteurs_a_38557.html