ÉCONOMIE
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L’OBS – Moins d’un mois après la fermeture officielle de la frontière avec la République de Guinée, les conséquences se font sentir dans cette partie sud du pays. La quasi-totalité des secteurs d’activité qui portent l’économie locale sont sous perfusion. Du commerce au transport, en passant par la restauration, les clients se comptent désormais du bout des doigts. Une situation décriée par les acteurs qui prient pour un retour à la normale. Reportage.

La fermeture de la frontière sud, notamment celle avec la Guinée Conakry est durement ressentie par les populations résidant dans beaucoup de villages proches de la frontière. Ces localités dont l’économie était jusque-là portée par les activités liées au commerce, au transport, à la restauration, sont désormais sous perfusion. Les commerces ayant baissé rideaux foisonnent le long des artères qui desservent la frontière. De Gouloumbou à Kalifourou, en passant par Manda Douane, Médian Gounass, Linkéring, (région de Kolda), C’est le  même décor inquiétant. Les mêmes lamentations des acteurs tenaillés par un dilemme qui les amène à épouser la logique des autorités étatiques de fermer la frontière, pour des raisons d’intérêt général et celle impérieuse de sa réouverture pour des raisons de survie.

«La situation risque d’être dramatique ici»

A Kalifourou, (avant dernier village avant la frontière), avec son marché naguère grouillant de monde avec son ambiance colorée et  fortement polluée par les ronronnements des véhicules de transport interurbains et autres camions, on se souvient avec nostalgie de cette période faste. «La décision de fermer la frontière est nécessaire et nous la comprenons puisqu’elle vise à stopper la propagation de la maladie d’Ebola dans notre pays. Mais d’un autre côté, nous subissons durement cette mesure qui affecte sérieusement notre vécu et celui de nos enfants. Regardez tout au tour, vous voyez tous ces commerces qui se sont vidés de leurs occupants. Ici, avant la fermeture, il fallait crier pour se faire entendre. Aujourd’hui, j’entends d’ici les chants des oiseaux du Parc Niokolo Koba. Et c’est le moindre mal. Nos enfants ne prennent plus les trois repas quotidiens», se lamente la dame Awa Boiro, trouvée couchée dans sa gargote, somnolant comme pour tromper son angoisse. Prolixe dès qu’elle a appris que ses hôtes que nous sommes sont de la presse, elle égrène un chapelet de difficultés liées à la fermeture de la frontière. «La situation risque d’être dramatique ici et il faut que les autorités sachent qu’en nous préservant de la sorte d’Ebola, ils nous exposent à une famine sans précédent. La rentrée scolaire pointe à l’horizon et nos enfants risquent de ne pas prendre le chemin des classes. Nous ne parlons même pas de la Tabaski parce que faisant face aux contraintes de survie au quotidien», a telle martelé. A quelques encablures de là, nous sommes abordés par un commerçant venu de sa lointaine région du Baol. Son nom : Saliou Diop. Il confie : «Cette décision est certes noble et vise à préserver les Sénégalais et les étrangers qui vivent ici, mais il faut reconnaître qu’elle est durement ressentie dans cette partie du pays où l’essentiel de l’économie repose sur le secteur informel.»

Même son de cloche pour cet autre chauffeur de taxi, selon qui, «depuis la fermeture de la frontière, il a été contraint, à l’instar de plusieurs taximen, d’immobiliser son véhicule, faute de clients». Pourtant, se souvient-il : «Avant la fermeture de la frontière, nous enregistrions chaque matin plusieurs dizaines de taxis qui convoyaient à la frontière des clients guinéens et sénégalais. Cette situation n’est pas seulement propre aux taximen sénégalais, des échos que nous avons de nos camarades de la Guinée, il semble que cette même situation y prévaut. Le commerce y est aussi grippé car, tous les jours, les commerçants guinéens ralliaient Kalifourou pour s’approvisionner en produits divers. Aujourd’hui, toutes les boutiques sont fermées».

«De 25 000 FCfa de recette quotidienne, j’en suis à environ 1 000  FCfa par jour»

Scénario similaire au village de Manda Douane, point de passage de tous les véhicules en provenance de la Guinée Conakry. La commerçante Rougui Diallo, trouvée assise à côté de son étal de légumes, parle des  conséquences dramatiques, à ses yeux, de cette fermeture. «Depuis que la frontière est fermée, je n’arrive plus à vendre plus de 1 000 FCfa, alors qu’avant, il m’arrivait d’empocher à la descente environ 25 000 FCfa. De 25 000 FCfa de recettes par jour, je suis réduite à empocher environ 1 000 FCfa par jour. Si la situation perdure, il faudra craindre le pire.» Lui emboîtant le pas, le sexagénaire Boubacar Camara, vigile dans une station-service de Manda Douane, dont le gérant a fermé porte, l’amertume en bandoulière, déclare : «Nous souffrons beaucoup de cette situation. Je suis réduit à assurer la sécurité d’une station d’essence qui n’existe que par ses installations. La conséquence sur le plan personnel est que je suis sans salaire alors que je suis marié et père de dix enfants à entretenir. Avant la fermeture de la frontière, la station d’essence faisait des recettes se chiffrant à environ 800 000 FCfa par jour. C’est une situation générale dans le département, car de Vélingara à Médina Gounass, il n’existe à ce jour que trois stations d’essence, c’est symptomatique de la crise née de la fermeture de la frontière.»

ABDOULAYE DIEDHIOU

& PAPE OUSSEYNOU DIALLO

 (Envoyés spéciaux à la frontière Guinéenne )

 

SOURCE:http://www.gfm.sn/consequences-de-la-fermeture-de-la-frontiere-senegalguinee-en-nous-preservant-ainsi-debola-on-nous-expose-a-une-famine-sans-precedent/