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Le Sénégal aspire à améliorer sa notation en termes de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Pour y parvenir, les autorités devraient redoubler d’efforts. En effet, les résultats des études que la  Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif) a présentés hier, ont confirmé que l’immobilier, le paiement mobile et électronique constituent des secteurs à hauts risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. 

L’étude sur l’immobilier a révélé des cas suspects de blanchiment de capitaux concernant des Français dans la zone de Mbour et Saly du fait de son attractivité. 

Des études commanditées par la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif) viennent de confirmer que l’immobilier, le paiement mobile et électronique constituent des secteurs à hauts risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Ciblant Mbour, Saly, Dakar, Pikine et Guédiawaye, les résultats de l’enquête sur l’immobilier, qui ont été présentés hier, révèlent des cas suspects de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. La forte évolution des demandes d’autorisation de construire entre 2007 et 2012 révèle que les localités de Mbour et Saly constituent des zones très attractives, notamment pour les étrangers, du fait de leur position géographique (bordure de mer). Le travail de recherche du consultant, Alioune Ndiaye, a ainsi permis de mettre en évidence trois cas suspects. Le premier cas concerne deux français «P.R.P.C et J.P.M.B. Ces deux résidents français (apparemment apparentés) possèdent deux parcelles à Somone dont l’une d’une consistance de 4 172 m2». S’y ajoute un autre cas P.J.L.A. «Ce résident français est propriétaire de deux parcelles dont l’une dans la zone de Grand Mbour et l’autre (n°328) dans la zone Sonatel extension Mbour».
Le document relève également le cas L.N. dans la même zone. Ce dernier, d’après le rapport, «détient cinq parcelles (n°991, n°993, n°990 A, n°990 B, n°746 sur le titre foncier 764 Mb à Château d’Eau Nord) et un terrain à Warang Sérère. Il possède également un immeuble d’une valeur de 720 millions de francs Cfa comprenant des appartements en location-vente et un complexe bar-restaurant dont la déclaration n’apparaît pas dans les livres de la conservation foncière». 
Dans ses investigations à Dakar, Alioune Ndiaye a détecté un cas relatif à une société dénommé B. Investment Sa. «Cette société, au capital de 50 millions de franc Cfa dont le conseil d’administration est composé par un Sénégalais et deux Espagnols, a reçu de l’Etat divers immeubles : Tf: 2446/Dp, 67/Dk, 3966/Dk, 7763/Dkp, 6092/Dk, 3744/Dk. lot B, évalués à 1 milliard 15 millions 574 mille francs Cfa. Et d’autres lots dont un terrain nu d’une superficie de 13 181 m2 faisant l’objet du titre foncier n° 5133/ Grd situé sur la corniche pour une valeur de 420 millions de francs Cfa dans le cadre de la construction de réceptifs hôteliers. En contrepartie, ladite société a cédé à l’Etat du Sénégal, des actions équivalentes à 5% de son capital social et ce taux de participation de l’Etat du Sénégal devrait rester inchangé quelle que soit l’évolution de ce capital», mentionne le rapport. Le caractère léonin de ce contrat au détriment des intérêts du Sénégal, fustige M. Ndiaye, jette un doute sur la transparence de cette transaction. 
Le deuxième cas souligné par l’enquête concerne «la construction d’un immeuble R+4 à usage d’habitation sur le titre foncier 17.339/ GRD par une personne exerçant une profession ne lui permettant pas de disposer des revenus nécessaires pour entreprendre la construction d’un immeuble de cette consistance. On pourrait penser ainsi que cette personne est un prête nom». 
L’autre cas suspect de blanchiment de capitaux est relatif à une «dame MG, conjointe d’un diplomate étranger, qui aurait converti, transféré ou manipulé à travers l’ouverture de comptes bancaires ou d’acquisitions immobilières, des sommes d’argent qu’elle savait provenir d’un crime ou délit dans le but de dissimuler ou de déguiser l’origine illicite desdits biens provenant d’actes de corruption de son conjoint».
Dans la zone de Guédiawaye et Pikine, neuf profils de risque avaient été recensés. Cependant, indique le consultant, «il n’a pas été possible de confirmer les indices de blanchiment et de trouver des éléments de preuves, compte tenu des insuffisances des systèmes d’information au niveau des administrations».
L’expert commis par la Centif rappelle que «le contexte au Sénégal est marqué par des réalités économiques (prédominance de l’économie informelle, faible taux de bancarisation (5%) et des pratiques sociales privilégiant des transactions économiques largement dominées par le recours à la monnaie fiduciaire (espèces) plutôt qu’à la monnaie scripturale et électronique (chèques, virements, cartes bancaires, etc.)». Il estime que «les blanchisseurs profitent sans doute de cette situation pour injecter des capitaux illicites dans le secteur de l’immobilier». Aussi, souligne le consultant, «la lutte contre le blanchiment est encore rendue plus difficile par la modicité des moyens humains, matériels et informatiques dédiés aux organes en charge de cette lutte ainsi qu’à l’hétérogénéité des systèmes d’information en place empêchant ainsi une connexion entre les différentes entités».

Tontines, un créneau à risques
Par conséquent, les blanchisseurs usent de toutes sortes de techniques pour injecter des capitaux dans le secteur. En guise d’exemple, le consultant rappelle un cas qui a été relevé par le Giaba. Il s’agit d’un «délinquant X qui tire profit du fait que les tontines sont bien connues en Afrique, il participe donc avec son argent sale à d’importantes tontines qui offrent des tirages de 10 millions de francs Cfa. 
Il prend 10 «mains» de 1 million de francs chacune. Chaque mois, il contribue pour un montant de 1 million X 10, soit 10 millions de francs. La tontine compte 10 membres qui contribuent pour 1 million chacun, en sus des 10 millions du délinquant. Lorsque son tour arrive, les sommes auxquelles il a droit sont versées dans un compte ouvert auprès de la banque C. Il introduit alors auprès de la banque, une demande de prêt de 100 millions de francs, qu’il obtient. Il investit 20 millions de francs dans l’achat d’un terrain et se fait construire un logement pour un montant de 250 millions de francs, qui comprend une contribution personnelle de 170 millions. Il rembourse le prêt avant l’échéance tout en rachetant les intérêts. Au su et au vu de tous les participants, il répète plusieurs fois la même opération sans être découvert par les autorités compétentes.
Il possède actuellement plusieurs immeubles, des bureaux de change dans la ville X et manipule des milliards de francs Cfa.»

Paiement mobile
Le paiement mobile demeure aussi un secteur à hauts risques de blanchiment de capitaux de financement du terrorisme. Cette situation des services financiers par téléphone mobile est liée, selon Mme Fatou Soumaré, à «l’anonymat potentiel induit par la simplification des procédures, la facilité d’accès aux réseaux soit peu d’éléments de contrôle, la dématérialisation totale qui permet la distance mais réduit le contact humain donc les indicateurs qui en découlent, entre autres». 
La consultante explique que le large accès des populations à la finance est assurément un levier de développement et le téléphone mobile offre cette opportunité aux politiques d’émergence. 
A la différence des services financiers traditionnels, les services financiers sur mobile sont peu coûteux, d’accès facile, d’usage simple et d’exécution rapide. Ils connaissent de ce fait, un succès grandissant dans tous les secteurs socioéconomiques confondus mais plus particulièrement auprès des populations généralement non bancarisées et même non bancarisables. 
Tout service financier peut, en fonction de ses particularités, être détourné comme outil de blanchiment de revenus illicites ou financement du terrorisme par la criminalité organisée, ce qui justifie les mesures lbc/ft auxquelles sont assujettis les acteurs financiers et autres activités professionnelles à incidence financière. Cependant, assure Mme Soumaré, «tous ces risques potentiels ne sont pas forcément réels d’une part et que d’autre part, des mesures d’atténuation sont d’ores et déjà adoptées comme par exemple la surveillance des transactions inhabituelles par analyse automatisée des flux, ou encore le plafonnement des opérations pour, par exemple, la surveillance des transactions inhabituelles par analyse automatisée des flux, ou encore le plafonnement des opérations pour, entre autres, décourager les malversations, ou les détecter plus aisément».
Le secteur du paiement électronique sur lequel le consultant, Elpidio Freitas, a enquêté, présente les mêmes risques.

Le Sénégal veut améliorer sa notation
Face à ces périls, les consultants ont invité les autorités à la vigilance et à prendre des mesures idoines. Entre autres, ils ont suggéré de renforcer le dispositif législatif. A leur avis, une stratégie adaptée aux spécificités de ces secteurs. Une réflexion proactive devra être menée et des actions entreprises dans l’objectif de réduire autant que possible, les risques de blanchiment de capitaux illicites et financement du terrorisme dans ces secteurs au Sénégal. 
Ces recommandations ne semblent pas tombées dans l’oreille d’un sourd. Car, à l’issue de la restitution de ces résultats, le président de la Centif a assuré que ces études s’inscrivent dans le cadre de l’approche basée sur les risques, l’une des recommandations du Groupe d’action financière (Gafi). Sur la base de cette recommandation, le Sénégal devrait être évalué en 2016, en termes de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terroriste. Ainsi, déclare Waly Ndour, les recommandations formulées par les consultants et celles des acteurs qui ont pris part à la restitution des résultats, seront utilisées à bon escient afin que la notation du Sénégal puisse être améliorée.

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SOURCE:http://www.lequotidien.sn/index.php/la-une2/7300-centif-blanchiment-de-capitaux-sur-la-petite-cote--les-francais-saly-mbour