Parti démocratique sénégalais : La deuxième traversée du désert

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L'une des particularités de la présidentielle du 24 février, c'est l'absence du Parti démocratique sénégalais (Pds) de la course. Un fait inédit qui n'était jamais arrivé depuis la création du parti, en 1974, et qui renseigne sur sa léthargie profonde. D'aucuns accusent Karim Wade d'être la racine du mal.

 

Un vent de discorde souffle au Pds. La case de Wade brûle. En avril 2018, Babacar Gaye avait démissionné de la commission nationale chargée de la vente des cartes et du renouvellement des structures du parti.

Un an plus tard, le même Babacar Gaye est relevé de ses fonctions de porte-parole du pape du Sopi, qui a mis à sa place Me El Hadj Amadou Sall. Gaye, qui dit quitter ce poste sans amertume, a quand même laissé planer un suspense quant à son avenir dans le parti : "Demain est un autre jour."

Wade a pris cette décision au moment où des remous internes ont fini de miner la formation jaune-bleu qui, sept ans après la perte du pouvoir, en 2012, est en train de vivre sa seconde traversée du désert. Une crise qui s'est manifestée par les divergences de vue entre responsables lors de la présidentielle de février 2019.

En effet, la ligne officielle du Pds, à savoir "Karim ou rien", dictée par Me Abdoulaye Wade, a fini de dérouter dans les rangs de la formation libérale et chez ses fidèles alliés.

Karim Wade, disqualifié par la justice, son père a opté pour un boycott, qui a finalement joué, selon les experts, en faveur du Président sortant, malgré les rebuffades de Madické Niang dont la candidature surprenante avait conforté la position du camp des "frondeurs" qui réclamaient vaille que vaille une candidature libérale à ces joutes électorales.

Karim, racine du mal ?

Au sein de la famille libérale, certains ne lâchent toujours pas Karim Wade qu'ils mettent au banc des accusés.

"Depuis que le président Wade est au pouvoir, toutes les crises qui ont eu lieu dans ce parti ont comme principale source Karim Meïssa Wade. Qu'il soit à Doha (au Qatar) et lance son père dans un combat ne l'honore pas ; ça me parait à la fois lâche et irresponsable", s'indigne Ibrahima Thiombane, un des signataires de la fameuse Lettre de septembre 2018.

Cette série de départs notés dans les rangs du Pds ne semble pas cependant ébranler la direction du parti, ce "noyau dur" loyal au pape du Sopi et qui pense que manquer une élection ne signifie pas forcément pour un parti signer sa mort politique.

"Des personnes nous ont quittés, c'est un fait qu'on ne nie pas, mais d'autres personnes sont venues nous rejoindre. Le parti se porte à merveille", avance Assane Bâ, le secrétaire national adjoint à la communication et à l'organisation du parti. Il ajoute : "Le président Wade n'a pas eu de candidat officiellement au niveau de la compétition. Mais le Pds a été le premier parti à tenir un congrès d'investiture et ce congrès avait choisi Karim Wade, à l'unanimité, parmi d'autres candidats."

Un parmi les derniers à abandonner le navire "des Wade" au profit de Madické Niang, Mamadou Lamine Massaly, n'a pas caché sa "déception" à son désormais ex-mentor, qu'il a d'ailleurs taxé de "traître" et qui, selon lui, ne roule que pour son propre fils.

"Protocole de Conakry"

Malgré toutes ces frustrations, Wade s'est emmuré dans un silence assourdissant. De retour au Sénégal, alors que la campagne électorale avait déjà démarré, le pape du Sopi, après avoir officialisé son choix pour le boycott, s'est rendu manu militari à Conakry, pour une rencontre avec le Président Alpha Condé.

Selon la presse, le retour de Karim Wade était au centre des discussions. Et ce dernier, en vertu de ce "protocole de Conakry", devrait même fouler le sol sénégalais dans les premiers mois du dernier mandat de Macky Sall.

Viendra-t-il ou pas ? Me Wade, lui, s'est, depuis la présidentielle, "terré" dans un hôtel puis dans une résidence à Fann Résidence.

Au même moment, des voix s'élèvent pour déplorer la "léthargie" du Pds. Depuis l'arrivée de Me Wade, un seul Comité directeur a été convoqué. Une situation dommageable, vu la tâche qui attend la formation libérale, à savoir la reconstruction autour d'un vrai leader. D'autant que le fauteuil qu'il aurait décidé de réserver à Karim reste inoccupé.

En effet, exilé à Doha, Wade-fils n'est, semble-t-il, toujours pas parvenu à poser sa main sur le parti. Ses discours et ses messages, régulièrement transmis via les réseaux sociaux, ne suffisent pas à maintenir la flamme du parti, alors que Wade a sans doute livré sa dernière bataille lors de cette élection présidentielle.

C'est qu'à force d'étouffer ses "fils" pour son fils, Abdoulaye Wade a fini par créer le vide autour de lui. C'est l'analyse faite par le professeur Ibou Sané, politologue : "J'ai toujours dit que le Pds, depuis longtemps après la victoire de Wade en 2007, risquait d'imploser. Ils commençaient à théoriser le ‘fils biologique' et le ‘fils d'emprunt'. Wade n'aime pas de dauphin. A chaque fois qu'il a attiré quelqu'un autour de lui, il l'a rejeté après."

Avenir du Pds

Maintenant, se pose, désormais, la question de l'avenir du Pds, un parti qui continue inexorablement à se fissurer depuis qu'il est arrivé au pouvoir, en 2000. Pour preuve, trois des cinq candidats à la dernière élection sont issus de ses flancs.

"L'avenir du Parti démocratique sénégalais dépend du retour ou non de Karim Wade. Tout comme les socialistes de Tanor Dieng, les libéraux sont dans l'obligation de se retrouver, s'ils veulent continuer à exister dans le champ politique", prévient Pr Sané.

Avec la suspension au-dessus de sa tête de l'amende assortie à sa condamnation à six ans de prison, l'ancien ministre d'État y réfléchira à deux fois avant d'envisager un retour au Sénégal. Dans une interview avec France 24, au mois de novembre 2018, le Président Macky Sall avait laissé entrevoir une éventuelle amnistie en faveur de Khalifa Sall et de Karim Wade.

"Je ne peux pas écarter, dans une circonstance nouvelle d'une réélection, d'engager une nouvelle phase pour la reconstruction nationale dans un esprit de renouveau national, de consensus national, parce qu'il faut savoir tourner la page", avait-il répondu au journaliste français sur l'avenir de ces deux personnalités politiques.

Mieux, dans son premier discours après sa réélection, le chef de l'Etat a lancé un nouvel appel au dialogue dans lequel il a même demandé la contribution de ses anciens prédécesseurs vivants, Abdoulaye Wade et Abdou Diouf.

En attendant d'y voir plus clair, le successeur de Wade à la tête du Pds aura la lourde mission de réunifier, pour ne pas dire rebâtir, une entité en lambeaux.

 

source: http://www.seneweb.com/news/Video/parti-democratique-senegalais-la-deuxiem_n_280828.html