Sa réhabilitation entre 2005 et 2006 (une partie) par la Coopération Française n’y fait rien, ces bâtiments qui menacent ruine en disent long sur le processus avancé de disparition lentement mais surement d’un patrimoine culturel nationale, d’une mémoire dont la sauvegarde ne peut qu’être bénéfique pour la ville de Podor et, au-delà, tout le Sénégal.
Podor - Coincé entre la bibliothèque municipale à l’Ouest et une sorte de buisson au Nord-est, le Fort de Podor est dans un piteux état. Ce patrimoine historique désaffecté est composé d’un bâtiment imposant avec deux autres en annexe surplombant un mur de clôture, le tout aux couleurs jaunes (peinture) et ocre (les briques cuites).
Une fois la grande porte d’entrée franchie, l’on fait face au bâtiment central, un étage avec rez-de-chaussée quadrillé par deux bâtiments annexes situés aux extrémités gauches et droites. A la véranda du grand bâti, deux portes: l’une donne accès à une chambre à gauche menant vers les escaliers et une salle faisant également office de sorte de bibliothèque où des tableaux et photos sont accrochés aux murs et des livres d’anciens auteurs Français, Africains, de la «Négritude», contemporain, etc. sont superposés pêle-mêle sur deux table.
Des termites s’activent à faire disparaitre ces legs.
La porte de droit conduit à quatre chambres: un salon donnant à une suite avec une porte de sortie vers l’arrière du bâtiment et deux autres à droite où sont exposés, dans des vers, le matériel d’un photographe du musée, dans la première salle, et des objets anciens abandonnées (ou retrouvé) de nos cousins Sérères, les premiers habitants du Fouta qui ont migré vers le Sine-Saloum avec l’avènement de l’Islam dans le Nord. Ce sont des vestiges archéologiques. Cet ensemble constitue le patrimoine culturel national dans un état de dégradation très avancé: c’est qu’il reste d’un vaste ensemble alors appelé «Fort de Podor».
Une visite guidée dans toutes ces salles permet d’observer des expositions à travers des cartes et autres supports retraçant l’histoire, la situation géographique, des objets archéologiques, photos d’archives accrochées un peu partout sur les murs. Des expositions sur «l’Archéologie des peuplements anciens et recherches archéologiques», sur «Louis Léon César Faidherbe (1818-1889)» ancien gouverneur du Sénégal, sur la «Colonisation» notamment «l’occupation commerciale des européens», des Portugais au Français en passant par les Hollandais et les Anglais, sur «El H. Omar Tall: l’homme et ses périples, ses conquêtes et œuvre», sur «l’Islam et la guerre maraboutique» et sur la «Restauration du Fort». Un conservateur, envoyé par le ministère de la Culture, veille au grain pour sauver ce qui peut l’être, en attendant une véritable prise en charge de ce joyau. Il est secondé par un vieux, son collaborateur qui, en cas d’empêchement, s’occupe des visiteurs.
Restauration partielle du Fort, et après…
Dans une des salles, l’on voit, exposés sous verre sur deux tables distinctes, des objets historiques des anciens habitants de la région, les Sérères. Des poteries, une sorte de houe (matériel agricole de l’époque), une calebasse en bois servant à fermenter le lait, un bâton servant à taper du tissu après teinture, des colliers, bracelets, etc. Dans la suite, des expositions de photos sur la femme et la jeune mariée maure, des portraits de femmes et jeunes mariées toucouleurs, des photos des anciens présidents Abdou Diouf (alors Premier ministre du Sénégal sous le régime du premier président L. S. Senghor) en visite sur place en 1972 et Me Abdoulaye Wade en campagne électorale à Podor en 1978. Des tentatives de sauver le patrimoine ont été expérimentées. La dernière date de moins de 10 ans.
La restauration du Fort (en partie) a été réalisée entre fin janvier 2005 et fin janvier 2006, grâce à la Coopération française. «Une partie de ce patrimoine en ruine a été réhabilitée grâce à la Coopération française», informe le vieux Ibrahima Sy, collaborateur du conservateur occupé par la visite de partenaires, qui conduisait la visite guidée. Mais cela cache mal l’état de dégradation très avancé du complexe culturel. Construit en 1854, le Fort a été établi sur un cite déjà fortifié, informe l’exposition N°1. Une partie du rempart date probablement du XIIIe siècle. Sur cette plate-forme préexistante ont été implanté trois bâtiments selon un plan en forme de «U». Dans le même temps, le Fort est étendu jusqu’au fleuve, sa façade correspondant pour partie à l’emplacement du lycée actuel. Cette extension a aujourd’hui totalement disparu. Ce qui reste du Fort est donc le réduit dans lequel on trouve le bâtiment de l’Etat-major et deux bâtiments annexes de casernement, présentés ci-haut.
Un conflit de compétence préjudiciable à la mémoire du Sénégal
Les autres bâtiments et espaces sont utilisés à d’autres fins. En atteste, une partie du musée abrite la bibliothèque municipale, un autre bâtiment a été réhabilité et transformé en hôtel (Résidence Belly Torodo). L’hôtel de ville et la Case foyer sont également construits sur une partie de ce qui constituait l’ancien Fort de Podor tout comme le CDPS (qui est en train de mourir avec une bonne partie endommagé par l’érosion causée par l’avancé du fleuve) et l’ancien Service du développement social actuellement transformé en poste de santé. Ce qui fait que le Fort ne donne plus accès au fleuve et n’est que l’image d’un lieu abandonné à son triste sort: une disparition programmée si des mesures urgentes ne sont pas prise pour sa réhabilitation complète. Ce qui constituera un gâchis énorme pour la «Mémoire du Sénégal», le patrimoine culturel du pays et même de l’Afrique.
L’actuel Fort de Podor, désaffecté au cours des années 1990 et pratiquement abandonné dès cette époque, renferme en lui-même beaucoup d’histoire. En effet, selon Pierre Barthélémy David, ancien gouverneur de la Concession du Sénégal, il y avait un premier Fort créé en 1744 (…). En 1787, c’est une cour carrée entourée de quatre mauvais bâtiments à rez-de-chaussée, explique le Chevalier Boufflers. Après la prise de Saint-Louis par les Anglais, le Fort fut réoccupé en 1783 mais le gouverneur du Sénégal d’alors Repentigny et le Chevalier Boufflers jugèrent le poste sans grand intérêt. La reprise s’effectua plus d’un demi-siècle plus tard dans des conditions différentes.
Le Fort est sans eau, ni électricité, il ne dispose pas de ligne téléphonique. Le jour, il faut ouvrir grandement les portes et fenêtres pour permettre au visiteur de contempler les vestiges historiques, lires les tableaux exposés. Mais dès la tombée du soir, l’obscurité envahissant les chambres, le conservateur (qui loge quelque part en ville) et ses hôtes sont tous obligés de vider les lieux. Pendant ce temps, des termites peuvent ravager des livres et une partie des mémoires de ce Fort implanté sur le territoire communal de Podor, mais dont la gestion, du fait de son statut de patrimoine culturel national, incombe au ministère de la Culture. «Il est dans le territoire communal, mais dépend directement du ministère de la Culture qui nous oppose le fait que c’est un patrimoine national. (…) C’est un frein pour nous. Nous pensons qu’il faut faire appel à des partenaires privés, à l’aide extérieur, à la coopération pour le réhabiliter. Et, nous verrons comment, avec les partenaires, réhabiliter le Fort de Podor (...)», confie Me Aïssata Tall Sall, le maire sortant.
Usages du Fort: des français aux gendarmes sénégalais
C’est le ministère qui envoie un conservateur au niveau du Fort. Le conservateur actuel succède à une autre qui a déjà fait quatre ans sur place sans aucun moyen, sinon dérisoire. Ce qui fait que «le Fort essaie de revivre pendant la saison touristique avec les visites de touristes qui débarquent dans la zone. La visite est gratuite pour des nationaux, mais les étrangers sont obligés de débourser actuellement 1500 F Cfa par personne pour y accéder. Cette somme est demandée pour faire face aux problèmes d’entretien car, aujourd’hui, aucun budget n’est affecté à cela au ministère de la Culture. Au début, les visites se faisaient moyennant 500 F Cfa», informe le vieux Ibrahima Sy, collaborateur du conservateur, lors de la visite guidée.
Le Fort a connu différents usages du temps colonial à nos jours. C’est ainsi que de 1854 à 1960, date de l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale, le Fort était occupé par les Français. Ces derniers passent le témoin à l’Armée sénégalaise qui y a séjourné de 1960 à 1984. A partir de cette date, la grande muette quitte le Fort qui devient une brigade de gendarmerie jusqu’en décembre 1987. Aujourd’hui il croule sous le poids de l’âge, les moyens de sa conservation ne suivant pas. A l’image de ce patrimoine historique national, elles sont nombreuses les édifices coloniales qui sont dans un piteux état à Podor, à la seule différence que celles-ci ne le sont pas classées. Certaines sont occupées par des services, d’autres laissées à elles-mêmes et transformées en abris pour animaux en divagation etc. Les bâtiments du comptoir commercial colonial, qui donnent sur le quai de la ville, eux l’ont échappés belles puisse qu’ils abritent, entre autres, la mission catholique de Podor, une auberge, un hôtel, un centre culturel…
source:http://www.sudonline.sn/retour-sur-une-memoire-du-senegal-en-ruine_a_19859.html