SAINT LOUIS
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SAINT-LOUIS  Tapalapa - Une liqueur soûlante à 500 FCfa

L'OBS - Si jadis se procurer de la boisson alcoolisée relevait d’un véritable parcours du combattant, tel n’est plus le cas aujourd’hui, à Saint-Louis. Avec cette liqueur dénommée «tapalapa» et qui est cédée à 1 500 FCfa le litre et 500 FCfa la dosette, se saoûler devient un jeu d’enfant. Conséquence, l’ivresse publique est de plus en plus grandissante dans la capitale du Nord.

 A Saint-Louis, les boutiques qui vendent de la boisson alcoolisée font légion. Les vendeurs cèdent la boisson alcoolisée aux ados qui s’en donnent à cœur joie. Mais, c’est la liqueur fabriquée au Sénégal et communément appelée «Tapalapa» qui fait des ravages chez les jeunes car elle se vend comme de petits pains. Si les Saint-louisiens se plaisaient à dire que leur ville est une cité religieuse parce que tous les grands érudits et autres hommes de Dieu sénégalais et africains y ont séjourné, aujourd’hui, ils sont nombreux à se demander si leur terre natale n’est pas un Far West où des boutiques spécialisées dans la vente de boissons alcoolisées qui ressemblent à des saloons poussent comme des champignons. «Les Sénégalais ont l’habitude de faire du suivisme. Il suffit juste que quelqu’un crée un business pour que d’autres lui emboîtent le pas. Nous avons par le passé connu le phénomène des télécentres. Ces télécentres, une fois créés par un petit nombre, ont fini par se propager dans chaque coin de rue jusqu’à ce qu’ils disparaissent à cause de la forte concurrence. Mais aujourd’hui, nous assistons à la prolifération de boutiques qui vendent de la boisson alcoolisée. Presque dans tous les quartiers de Saint-Louis, des gens s’adonnent à la vente de cette boisson alcoolisée. Cela a fini par créer des ivrognes», dénonce Babacar Diop, rencontré sur le quai Henry Jay.

Quai Henry Jay, Quai Roume, les boulevards où l’alcool coule à flots

Les Quai Roume et Henry Jay, deux boulevards qui font partie du circuit des touristes qui pouvaient admirer le paysage paradisiaque du fleuve sont devenus des lieux de bivouac pour les ivrognes. Les touristes qui aimaient s’y dandiner et prendre des photos-souvenir sont détroussés et harcelés par des disciples de Bacchus. «Les touristes trouvent leur salut en s’accompagnant avec des guides sénégalais, mais il faut que ces boulevards soient sécurisés. Je fréquente un de ces deux quais parce que je travaille dans une boutique spécialisée dans la vente d’objets d’arts, mais souvent nous voyons des ivrognes s’en prendre à des touristes. Certes, ils ne les détroussent pas tout le temps, mais le pire pour un touriste qui préfère se balader et prendre du bon temps, c’est d’être pourchassé par un ivrogne qui quémande une pièce de monnaie pour aller s’acheter une dosette de boisson alcoolisée qui les indispose le plus», témoigne un antiquaire. Pour les riverains des deux quais, vivre dans ces lieux est devenu un véritable enfer. «Chaque jour qui passe, le nombre de soûlards augmente. Ce sont des jeunes dont la moyenne d’âge tourne entre 11 et 22 ans qui prennent d’assaut ces deux quais, tôt le matin. Ils cotisent pour acheter un litre de «tapalapa» et ils se saoulent à longueur de journée. Les gens qui tentent de les raisonner sont insultés. Dès fois, ce sont leurs parents qui viennent les chercher, mais ils refusent de les suivre préférant rester entre disciples de Bacchus. Tout ça c’est à cause de cette P…. de liqueur fabriquée au Sénégal qu’ils achètent à 500 FCfa la dosette. Ils la  sucent comme s’ils buvaient du lait caillé», s’offusque Salimata. Les Saint-louisiens ont exprimé leur indignation de voir leur ville se transformer en saloon gigantesque où les disciples de Bacchus pénètrent dans n’importe quelle boutique pour se ravitailler. Pour dessaouler, les ivrognes déambulent dans les rues. Après la forte pression exercée sur les autorités religieuses, ces dernières ont réussi à pousser les autorités à fermer des boutiques sur l’île et dans le faubourg de Sor.

Lorsque ce phénomène d’ivresse publique causée par la prolifération des boutiques de vente boisson alcoolisée a débuté il y a de cela 5 ans, les populations des quartiers (Sud ou Sindoné) se sont insurgées contre l’accès facile de l’alcool qui, pour elles, exposent les jeunes du quartier à la dépravation. Il a fallu que le mal gagne du terrain pour que les autorités locales soient plus  regardantes sur le phénomène car il y a une réglementation de la vente de boisson alcoolisée qui le plus souvent est bafouée ou ignorée. «Lutter pour la lucidité permanente de la jeunesse, c’est combattrela prolifération des points de vente non réglementaires», termine Bassirou Niang, enseignant dans le privé. Un véritable cri du cœur des populations pour venir à bout du phénomène.

EL HADJI TALL