Affectation des terres aux privés, non-implication des populations, foisonnement des conflits fonciers l’inertie coupable de l’état

Foncier et Immobilier
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Les litiges fonciers sont à l’ordre du jour au Sénégal, avec leur lot de controverses, de zizanie et d’incompréhensions. Et l’affaire qui est venue, en premier, les remettre sur la table est le différend entre le président du groupe Sédima, Babacar Ngom, et les habitants de Ndingler avant que ceux d’un autre village (Djilakh) avoisinant la ferme de l’homme d’affaires n’entrent dans la danse et réclament l’annulation du titre foncier qui donne à l’investisseur la propriété de 225 hectares. Même si des initiatives qui ne font pas l’objet de contestation existent, il est à déplorer les rapports heurtés entre populations et investisseurs privés qui deviennent de plus en plus récurrents.  L’affaire des terres de Ndingler n’est donc que la face visible de l’iceberg. Mieux, elle a déclenché une vague de soulèvement des populations rurales.

Dans la région de Thiès, A Nguéniène Peul, les habitants protestent contre l’octroi de centaines d’hectares à la multinationale espagnole Promudel. Ailleurs, ce sont des déclarations à la presse et autres mouvements d’humeur qui sont notés. Ces exemples viennent s’ajouter à une longue liste de litiges fonciers qui, par le passé, ont eu parfois des conséquences dramatiques. La cause incombe à une règlementation obsolète que les autorités tardent à accommoder avec les exigences du moment.

LE DIAGNOSTIC DE LA COMMISSION DE LA REFORME FONCIERE

Les conclusions de la Commission de la réforme foncière de 2016 sont sans équivoque. L’étude des politiques foncières montre que les transactions à grande échelle touchent la plupart des zones agro-écologiques. Elles concernent aussi bien des projets agricoles que des activités non agricoles et impliquent à la fois des investisseurs étrangers et des opérateurs économiques nationaux. Mieux, le document signale que ces acquisitions de terres surviennent dans un contexte marqué par le recul de la présence de l’État en milieu rural suite à la politique de désengagement de la puissance publique imposée par les programmes d’ajustement structurel, la recomposition des exploitations familiales dans le cadre du processus de libéralisation de l’économie et l’émergence d’une activité agricole d’entreprise qui préfigure un nouveau modèle de développement agricole.

Par ailleurs, ajoute-t-il, l’enjeu de l’établissement d’un cadre de régulation du processus de transfert des terres rurales des exploitations familiales vers les investisseurs privés se pose avec d’autant plus d’acuité que les transactions foncières, telles qu’elles se mènent actuellement, posent quatre types de problèmes. Premièrement, les affectations des terres ne respectent généralement pas les logiques locales de gestion des terres et des ressources naturelles. Elles sont souvent effectuées sans concertations avec les populations concernées.

Puis, les terres sont généralement attribuées aux investisseurs privés sans un examen préalable du type et de la finalité des investissements envisagés, ni une évaluation des impacts économiques, sociaux et environnementaux des projets agricoles pour lesquels des terres sont affectées aux acteurs de l’agrobusiness. Aussi, les investissements agricoles et cultures pour lesquels, les terres sont affectées aux investisseurs ne sont pas toujours respectés et beaucoup de superficies ne sont pas mises en valeur.

DES TERRES DÉTOURNÉES

Il y a aussi le fait que certains investisseurs transforment en baux auprès des services des domaines et à l’insu des communautés rurales, les affectations qui ne leur confèrent qu’un droit d’usage, ce qui soustrait les terres concernées du contrôle des conseils ruraux.

L’octroi des terres à des promoteurs privés pose problème parce que les populations sont dans la crainte d’être privées de leur source de revenus, l’agriculture familiale dans des exploitations, le seul gagne-pain de nombreux ménages ruraux. Selon le Recensement général de la population de l’agriculture et de l’élevage de l’Agence nationale de la statistique et de démographie de 2014, le Sénégal compte 755 532 ménages agricoles, dont 557.446 (73,8%) sont en milieu rural. Ces ménages agricoles sont pour l’essentiel de petits producteurs familiaux au regard des superficies cultivées.

Les superficies cultivées annuellement demeurent modestes et varient entre 25.000 ha et 36.000 ha, avec des rendements stables autour de 0,9 t à 1 t/ha. Les privés ont jeté leur dévolu sur plusieurs zones. Mais, la vallée du fleuve Sénégal, reste une convoitise. Selon les conclusions de la Commission de la réforme foncière, le décompte des affectations et régularisations faites par 8 communautés rurales en fin 2012, chiffre à 316.435 ha la superficie totale concernée. Beaucoup de ces affectations portent sur des terres sablonneuses, dévolues aux pâturages et à l’élevage. Cependant, signale le document malgré leur importance, la très grande majorité des superficies affectées n’est pas mise en valeur.

Pour les périmètres aménagés par l’Etat et surtout ceux réalisés par les privés, les taux de mise en valeur par campagne sont très faibles, en dehors de l’hivernage. Les superficies aménagées sont partiellement exploitées en raison de la dégradation résultant d’un manque d’entretien, de défauts d’aménagement, de la salinisation des sols, ou de l’absence d’un réseau de drainage

source: https://www.sudonline.sn/l-inertie-coupable-de-l-etat_a_48753.html