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    C’est un secret de polichinelle de dire que l’ex président gambien, Yaya Jammeh était très porté sur la mystique. Sa canne, son coran, son grand boubou, son bonnet et son chapelet, constituaient juste la face visible de l’iceberg. Babili Mansa, comme l’appelaient certains, avait son coin de fétiche dans le palais de la State House. Des canaris, statuettes païennes, caméléons à cornes etc sont l’arsenal mystique devant veiller sur la sécurité de Jammeh qui se croyait invulnérable. Il y tenait tellement que le déménagement  de la State House de ce «coin sacré» vers, dit-on, Kanilaye(le fétiche ne faisait pas partie du voyage de l’exil) a pris beaucoup de temps, pour ne pas mettre en colère les esprits. Nos sources racontent la folle journée du départ de Jammeh de la State House, qui a du recourir aux pouvoirs d’un féticheur pour se débarrasser de ses «esprits protecteurs». 

 

Cela rappelle une autre histoire Sénégalaise, quand, au lendemain de l’alternance en mars 2000 au Sénégal, le président Abdoulaye Wade fraîchement élu, s’étonnait de l’état du palais de la République qui «sentirait le cafard». Sauf que cette fois, c’est le locataire du Palais de la State House à Banjul, Yaya Jammeh lui-même qui s’employait à faire disparaître les affaires «très très personnelles» faites de fétiches , l’odeur de « saafara » (sorte de mixture à l’odeur de parfum traditionnel très fort à des fins de porte bonheur ou de protection mystique), les totems(2 caméléons à cornes) qui règnent en maîtres dans cet endroit aménagé de la State House où finalement le président déchu entretenait son coin sacré ou toutes sortes de sacrifices et rituels étaient effectués. 

 

 
 
On sait désormais pourquoi alors que tout était bouclé, Yaya Jammeh tardait toujours à libérer le Palais de Banjul au point de faire poireauter son «sauveur», Alpha Condé renvoyé avec délicatesse à son hôtel pour «pouvoir tranquillement débarrasser le Palais des «dialangs» (nom manding pour désigner l’équivalent des Khambbs chez le wolof, ses fétiches ». 
 
Très peu de monde a depuis, quelques années approché certains coins de l’arrière-cour des appartements privés du Président Gambien. Et pour cause, selon nos sources «on a enfin pu voir le degré de mysticisme du Président Jammeh». 
 
Nos sources nous expliquent que l’ex Chef de l’État Gambien croit tellement au mystique qu’il était convaincu qu’il fallait qu’il fasse débarrasser son coin sacré du palais avant de quitter les lieux.
 
Nos sources décrivent un Yaya Jammeh nerveux, tendu alors que tous les signaux étaient au vert puisque l’ultime médiateur Alpha Condé venait d’obtenir l’accord de la  CEDEAO de le laisser repartir sans dégâts avec le maître des lieux. 
 
Nos sources à qui rien des manèges de Jammeh n’a échappé, nous confient qu’ils étaient tout aussi étonné que l’ex locataire de la State House traîne des pieds au point de devoir passer la nuit du vendredi à Samedi au Palais, alors que tout était déjà bouclé et convenu avec les médiateurs Condé et Abdel Aziz. Jusqu’à cet instant, nos sources ne comprennent pas non plus l’insistance de Jammeh pour qu’Alpha Condé, qui est normalement son garant et son bouclier au cas où les forces de la CEDEAO perdraient patience, retourne à son Hôtel pour l’attendre là-bas, plutôt que de rester avec lui à la State House.
 
Et le matin du Samedi, Jammeh s’est fait plus clair à son hôte et ami Guinéen : «j’ai des choses très personnelles à finir. Je te rejoins le plus vite possible ». 
 
Quand Alpha Condé est parti, s’en suit une interminable attente sans que personne n’ait consigne dans la maison pour faire quoi que ce soit, sauf à observer Jammeh faisant les 100 pas, «engueulant ses interlocuteurs au téléphone pour s’enquérir des nouvelles d’un nommé Sankoung». 
 
Arrivé dans une voiture banalisé de la présidence et encadré par des «jungular» (cette milice que Jammeh entretenait) en civil, Sankung est conduit à Jammeh avec qui il échange en Mandingue (jamais en Joola, précise nos sources). Sankung est conduit par Jammeh, on entend juste des portes s’ouvrir et se refermer sur d’autres comme une succession de labyrinthe. Nos sources décrivent :«calme et ambiance de film de suspens à cet instant puisque chacun imagine ce qui se passe, mais personne n’ose poser de question ou même élever la voix»
 
Canaris, statuettes païennes, caméléons à cornes.
 
Tout se serait certainement bien déroulé dans cette arrière-cour du palais sans qu’on ne sache avec précision ce qui s’y tramait. Seulement voilà, rien ne se passe comme prévu ! MisterSankung réapparait, il semble débordé et demande de l’aide tout en continuant à psalmodier des «trucs que personne ne comprend». 
 
Dans le récit de nos sources, le féticheur, puisque c’est de çà qu’il s’agit, place les hommes qu’il sollicite 2 à 2 à différents endroits et leur demande de bien ouvrir les yeux pour guetter les moindres mouvements du «saurien» qu’il va appeler. La bestiole perchée sur le côté supérieur d’un arbre à tige, était presque invisible d’en bas, mais aux invocations répétées, quelque chose qui ressemble à un caméléon, bouge enfin et entame sa descente. Notre source indique que les différents changements de couleur de texture de l’animal qui entame sa descente «à pas de caméléon», ont fini de le convaincre qu’il s’agit là d’un «caméléon». Cette descente a duré une éternité, soupire notre source qui nous confie «être passée par toutes les étapes d’émotions qui lui ont glacé le sang et dressé le peu de cheveux sur son crâne». Notre source affirme avoir craint devoir être le dernier qui serait sacrifié ici s’il avait eu le malheur de montrer sa faiblesse.
 
 
Toutefois, le maître des lieux, Yaya Jammeh, semblait plus préoccupé par la capture sans dommage de la bestiole dans ce milieu «sacré» que de faire attention aux émotions de ces «aides de camp de circonstance qui font apprenti sorcier pour Sankung». L’animal rejoint directement un autre dans un sac en tissu à fermeture zippé.
 
Notre source décrit l’odeur d’un mélangeur de plusieurs senteurs qui dominait ce coin, qu’elle n’avait jamais vu ni découvert, après tant d’années de service auprès de Jammeh.  Tout juste concède-t-il, «le pays bruissait du penchant fétichiste du boss, mais ça personne n’a jamais pu le prouver. En tout cas, pas en à connaissance». 
 
Pour lui, «si Yaya Jammeh a paru si fébrile et préoccupé pendant tout le temps que s’est éternisé ce rituel, c’est qu’il craignait que ce lieu ne soit saccagé à son départ ou tout simplement détruit avec son lot de poteries, de petits canaris, des statuettes, des cornes plantées dans le sol et ses bestioles totem tuées ou chassées. Qui sait, si les esprits ne l’aurait pas poursuivi, lui qui s’apprêtait à les abandonner», s’interroge notre source.
 
Sankung est reparti, comme il était venu. La nuit était déjà tombée sur Banjul. A la différence que cette fois, tous les objets ont été chargés dans un pick-up avec Sankung en passager et toujours escorté par des hommes en civil. 
 
Notre source croit savoir, que la destination ne peut être que Kanilaï, pas à la résidence de Jammeh, mais dans la maison de son père où notre interlocuteur ne veut pas jurer qu’il n’y ait pas de réplique du même coin fétiche que celui de la State House. 
 
Jammeh emmène avec lui, le mystère de son coin fétiche. Peut-être qu’un jour le voile se lèvera sur le type de rituel et de sacrifice qui avait cours ici et pour protéger qui ? Et, de quoi ?
 
C’est l’histoire d’un sauvetage de «fétiches», qui a tenu la chronique pendant toute une journée, et dont le semblant de déménagement des affaires de bureau et effets personnels de Jammeh&family, a servi de paravent ou de voile.
 
par ABDOULAYE CISSE Correspondance particulière – Paris
 
source: http://www.sudonline.sn/le-coin-sacre-de-la-state-house_a_33242.html