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En 2004, le Président Wade prend une décision qui fait le bonheur des uns et met les autres dans une colère noire. Il augmente les indemnités de certains agents de la Fonction publique (policiers, magistrats etc.). Les enseignants, se sentant lésés dans cette redistribution des richesses, engagent la bataille. Le Cusems est né. Il déstabilise le système éducatif durant toute l’année scolaire. C’était en 2005. Depuis cette date, l’école n’a jamais retrouvé sa stabilité. Le Quotidien revient sur cette lutte. 10 ans après.

 

Il y a 10 ans, l’école sénégalaise sombrait dans le coma. En médecin, l’Etat multiplie les thérapies pour la sortir de cette situation. En attendant, les Assises de l’éducation et de la formation et le Conseil présidentiel n’ont pas encore réussi à remettre le système éducatif sur les rails.  

Cette crise a un parrain : C’est le Cusems. Puissant et dirigé à l’époque par Mbaye Fall Lèye et Mamadou Mbodji, le syndicat se détermine pour «réparer» la rupture d’égalité dans le traitement des agents de l’Etat. C’était le temps de la distribution des sinécures : Abdoulaye Wade ordonne la hausse de certaines indemnités des policiers et des magistrats. Ces mesures sont jugées discriminatoires par les enseignants du moyen-secondaire. Réunis autour du Cadre unitaire des enseignants du moyen secondaire (Cusems), ils décident de mener le combat afin de lutter contre cette «discrimination». C’est d’ailleurs pour faire un bloc commun dans le but de gagner ce combat que des syndicats des enseignants du moyen-secondaire ont décidé de se réunir autour d’un cadre.
Le Cusems est né dans ce contexte. Après  les accords entre le gouvernement et l’intersyndicale des enseignants en 2003, la modicité des acquis souleva l’indignation des professeurs qui décidèrent de se doter d’un syndicat sectoriel du moyen secondaire fort, capable de prendre en charge de façon conséquente les revendications spécifiques du moyen secondaire. C’est ainsi que «le contact établi entre ces professeurs signataires d’une déclaration en mai 2003 et le bureau du Syndicat national des enseignants du moyen-secondaire (Snems) déboucha sur la convocation d’une Assemblée générale au lycée Kennedy le 31 mai 2003».  Au début, il était question des indemnités de logement que le syndicat national des enseignants du moyen-secondaire demandait à l’intersyndicale de prendre en charge dans ses revendications. Cela, en partant des conclusions d’une journée d’étude durant laquelle «un tableau comparatif des indemnités de logement fut élaboré qui mettait à nu les discriminations dont les enseignants faisaient l’objet». Mamadou Mbodji, un des membres fondateurs de ce cadre, avance : «A chaque fois que la demande a été exprimée oralement, elle ne trouvait aucune réponse, aucune réaction de la part des autres syndicats.» L’actuel coordonnateur du M23 rappelle qu’«en décembre 2004, au siège de l’Union démocratique des enseignants, à l’occasion de l’élaboration de la plateforme revendicative de l’intersyndicale réclamant l’indexation de l’indemnité d’enseignement sur les salaires qui venaient de subir une hausse  de 13%, la délégation du Snems demanda d’y faire figurer la revendication de l’alignement de l’indemnité de logement des enseignants sur celle des autres agents de la fonction publique. Mamadou Diop Castro, président de séance, proposa d’attendre la tenue d’une journée d’étude sur cette question avant sa prise en charge».
Après avoir attendu plusieurs mois la tenue de cette journée d’étude sur cette question de la hiérarchisation de l’indemnité de logement, le Snems lança en mai 2005 des pétitions dans plusieurs lycées de Dakar où il était exigé à l’intersyndicale et au gouvernement de reconnaître l’existence d’une discrimination et d’y mettre un terme. Tenant compte de l’adhésion à la revendication exprimée par les professeurs à travers les pétitions, le Bureau exécutif national du Snems adressa, en août, une lettre à chacune des organisations membres de l’intersyndicale, les invitant à la tenue de la journée d’étude. Après un délai de 15 jours sans réponse, le Snems se décida à convoquer des organisations ciblées opérant principalement dans le moyen-secondaire, en l’occurrence le Saemss, le Sypros et l’Ues. La première réunion fut tenue le 28/09/05 au terme de laquelle il fut décidé d’envoyer une lettre collective aux membres de l’intersyndicale. Passé le délai de quinze jours, il fut décidé de mettre en place une structure parallèle à l’intersyndicale. Le Cusems fut créé avec trois syndicats, le représentant du Sypros s’étant retiré, faute de mandat de son syndicat. Composé de l’Ues, du Saemss et du Snems, le Cusems se fit l’obligation d’élaborer une plateforme et de déposer un préavis le 9 décembre 2005. L’Ues s’étant retirée entre-temps, il ne reste du Cusems que le Saemss et le Snems. Avec ces deux syndicats, il «se fit l’obligation d’élaborer une plateforme et de déposer un préavis le 9 décembre 2005».

Décembre 2005, le début d’un long combat
Mais le premier plan d’action eut lieu en avril. C’est parti pour une grève des enseignants du moyen-secondaire. Dans ce combat pour la reconnaissance des réclamations de ces agents de la fonction publique, le Cusems fera face au «refus du gouvernement d’admettre le Cusems dans les négociations du 9 mai 2006». L’année tirant à sa fin et n’ayant toujours pas obtenu gain de cause, le Cusems décide de boycotter les «examens et de retenir les notes». Cela, malgré «les menaces de coupures de salaires et les coupures effectives de salaires en fin novembre et décembre à Saint-Louis, Fatick et Dakar». C’est seulement le 9 septembre qu’il y a eu l’ouverture des négociations et les restitutions des notes en octobre. Cette accalmie ne durera pas longtemps puisque la grève va reprendre en novembre. Et il n’y aura de négociation qu’à partir de février avec une proposition de sortie de crise. Etant à la veille de la Présidentielle de 2007, le gouvernement devait trouver les moyens de régler cette situation au plus vite. C’est ainsi que les syndicalistes ont eu une audience avec le Premier ministre de l’époque, Macky Sall, le 1er mars. Ensuite, un protocole d’accord fut signé le 5 mars. Cette année a été sauvée, mais depuis cette époque, les enseignants réclament le respect des accords. Il fait, depuis 2012, l’objet de grèves et d’années scolaires qui sont sauvées de justesse.  

Dix ans après : Les revendications ne changent pas

Dans la suite de sa lutte entamée en 2005, le Cusems n’a pas beaucoup évolué dans ses revendications. En revoyant le tableau des différents points de revendication, on se rend compte que depuis 2006, ce sont les mêmes revendications qui peinent à être satisfaites par le gouvernement. Déjà dans leur mémorandum de 2006, les enseignants du Cusems réclamaient entre autres l’octroi d’une indemnité spéciale de recherche, l’alignement des indemnités de logement des enseignants du moyen-secondaire avec les autres agents de l’Etat recrutés avec les mêmes diplômes ou de qualifications équivalentes. Sans oublier l’élaboration d’un plan de carrière cohérent et motivant favorable à la promotion des enseignants du moyen- secondaire, la suppression de la disposition discriminatoire constituée par l’obtention du titre académique (licence ou maîtrise pour les deux premiers cas). A cela s’ajoutent la possibilité de rendre le passage d’un corps à un autre aux plus méritants sur la base de l’expérience, d’un concours professionnel, ou d’une formation complémentaire, la validation des années de vacation et de contractualisation, l’accès aux différents concours professionnels de la fonction publique aux contractuels titulaires d’un diplôme professionnel (Enea, Ena, Cfj…).
Si certaines revendications  listées ci-haut ont été satisfaites, cela n’a pas été le cas pour la validation des années de contractualisation et l’alignement des indemnités de logement des enseignants du moyen secondaire avec celles des agents de l’Etat recrutés aux niveaux de diplômes ou de qualifications équivalentes qui jusqu’en 2015 faisaient toujours sortir les enseignants dans la rue. On se rappelle d’ailleurs la marche du Cusems du 19 mars dernier pour exiger la satisfaction de cette revendication. Hormis ces revendications, il y a aussi celles liées aux lenteurs administratives. Comme pour dire que depuis 2006, on assiste à un bras de fer entre les autorités et les enseignants qui prennent en otage les élèves pour la satisfaction des mêmes revendications. Et aussi, un Etat qui promet de satisfaire ces revendications en signant des accords qui ne sont jamais respectés. Espérons qu’on ne tombe pas dans les mêmes travers en 2016 avec les décisions prises par le chef de l’Etat pour revenir à une situation normale. 

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source: http://www.lequotidien.sn/index.php/component/k2/en-2005-le-cusems-plongeait-l-ecole-dans-le-chaos-dix-ans-de-coma-pour-l-education