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le joola

iGFM- (Dakar) IGFM vous propose cette contribution de M. Mamadou Guèye Junior à l’occasion de la célébration des 12 ans du naufrage du bateau le Joola.

« Un instant de vie où il n’y a plus de vies ; rien que des Absences. Une nouvelle qui effiloche mon âme. Une réalité qui contredit mes certitudes sur le temps et bouleverse mes repères dans l’espace. Tout en moi n’est que confusion. Tout s’arrête, dégringole et  se dérobe sous mes appuis. Ma conscience m’a sûrement trahi.

 

Et je me tourne, impuissant, vers le Tout Puissant qui me répond par un silence impassible et imperturbable. Et surgissent les multiples questions. Qu’est-ce que mon Peuple a fait pour mériter cela ? Ou bien tout simplement, qu’est-ce qu’il n’a pas fait pour éviter cette tragédie ?

 

 

Des interrogations qui, jaillissant au fond de mon être, ne trouvent point de réponses claires et définitives. Les échos que j’ai perçus ne sont que silences et spéculations. Et je rumine, profondément, ma souffrance et ma peine. Et, s’ajoutant à l’ultime épreuve que constitue mon incapacité à soigner, à rendre autre, à révolutionner, me tutoient un chapelet de regrets, un mutisme de résignation, un vide qui ronge, une peur intérieure ineffable.

S’il en est des événements qui encombrent notre mémoire collective, c’est bien la tragédie du Joola. Des Hommes, des centaines d’hommes, embarqués dans la souriante effervescence d’un voyage pourtant attendu, ne savaient guère qu’ils étaient sur le point d’achever leurs œuvres sur cette terre. Ainsi, s’en sont-ils allés, en communauté, nous laissant dans les peurs, angoisses, misères et tristesses les plus absolues. Ils sont certes morts, mais de simples morts, ils ne peuvent jamais être. Ils sont des martyrs : NOS MARTYRS.

Avec ces centaines de morts, c’est non seulement une partie de nous-mêmes qui s’en est allée, mais c’est encore, et plus même, des symboles qui ont cessé d’exister. Ces hommes et femmes, en effet, par leur mort, ont su refléter un trait de notre humanité : la solidarité, dans la douleur et contre la douleur. Autre symbole est aussi le bateau lui-même. Il est cette poésie qui nourrissait, par ses navettes, les racines profondes de la chère région du sud. Bref, il est la Casamance l’Hospitalière, le Sénégal.

Ces disparitions nous ont, il est vrai, rendu tristes. Mais, contrairement au cœur de Sisyphe enchaîné, faisons en sorte que nos souffrances-là connaissent une fin, que cette tragédie qui nous est imposée sous le double et paradoxal visage de la continuité et de la rupture installe en nous une nouvelle conscience de notre citoyenneté. Je veux invoquer la  continuité de nos mémoires s’en souvenant à chaque instant pour mieux révoquer l’absence de valeurs sur la responsabilité bien assumée. Et à ceux-là qui identifient souvent la responsabilité à la liberté, rappelons-leur qu’il n’y a pas de liberté absolue ; il n’y a que l’Absoluqui soit libre ».

Mamadou Guèye Junior

 

SOURCE:http://www.gfm.sn/contribution-naufrage-du-joola-jai-encore-mal-mamadou-gueye-junior/