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contributionLa métaphore du paradis est une formule à la fois heureuse et indécente pour désigner les espaces d’exception fiscale enfouis dans l’enfer de la haute finance. De façon plus générale, elle est significative de tout le paradoxe de la société de consommation. Dans tous les cas, le paradis est toujours un lieu d’exception et de consécration, où ne peuvent accéder que quelques privilégiés.

En l’occurrence, il s’agit des acteurs de la haute finance mondiale et de certains gouvernants prédateurs. Les paradis fiscaux sont pour eux des zones d’accumulation, de préservation et d’accroissement de leurs richesses, mais aussi de contournement des lois et règlements qu’ils ont contribué à mettre en place uniquement pour contrôler et, le cas échéant, réprimer les autres. 

 

La métaphore du paradis est ainsi filée en un vaste réseau sémantique dont tous les termes ont pour dénominateur commun, la simulation et la dissimulation. On est ainsi dans la logique des paradis artificiels dont parle Charles Baudelaire et auxquels il n’avait accès que de manière épisodique et évanescente, par le moyen de la drogue. Quant à nos financiers, ils ont une idée si haute de la finance, que celle-ci se réduit à une accumulation de richesses jusqu’au-delà du délire. Ce sont de véritables drogués de l’argent, sous toutes ses formes, tous ses fantasmes.

 

 

De plus, les paradis fiscaux ne servent jamais de repères à l’économie mondiale. Ce sont plutôt des repaires de véritables prédateurs, toujours logés dans des pays qui ne sont pas des moteurs ou des modèles économiques. Et fonctionnent comme des sociétés secrètes où les organes de contrôle et de répression des pratiques illicites ont toutes les peines du monde à accéder pour jouer leur rôle. Le mystère qui entoure ces abris de grosses fortunes est accentué par le fait que les bénéficiaires se couvrent généralement du manteau de l’anonymat, avec des noms d’emprunt, l’échafaudage de sociétés-écrans… Finalement, avec ce scandale des « Panama Papers », nous sommes dans une logique d’absolution de péchés capitaux dont la commission a été facilitée par des positions de pouvoir et qui sont commis par ceux qui devaient les prévenir et, le cas échéant, les réprimer en toute rigueur.

C’est dans cette improbable perspective que s’inscrivent toutes les autorités citées dans cette sordide affaire. Le Premier ministre britannique, David Cameron, a passé 4 jours à nier, avant d’avouer l’existence d’un compte offshore qu’il dit, toute honte bue, avoir hérité de son père. Le Président de l’Argentine est en pleine tourmente, de même que le tout nouveau président de la très nébuleuse FIFA, dont le mandat est judicieusement paradoxalement placé sous le signe de la lutte contre toutes les formes de fraude qui ont jusque-là discrédité l’institution. Dans notre pays, après la théorie de la sobriété dans les dépenses publiques et de la rigueur dans la gestion, Karim Wade est, pour le moment (un moment qui dure…), la seule victime de ce qu’on nomme abusivement et sélectivement, la « traque des biens mal acquis ».

Si bien que de plus en plus, la condamnation de Wade fils lui confère un statut et une dimension symboliques, victime expiatoire d’un péché collectif qu’un seul individu est en train d’expier. Exactement comme dans la Tragédie antique dans la Grèce antique. Où sur l’autel de Dionysos, le bouc émissaire est censé prévenir par son sacrifice, tous les malheurs qui auraient pu s’abattre sur la communauté. Jusqu’à l’année prochaine, jusqu’au prochain sacrifice. C’est précisément pour entériner et valider ce « sacrifice » que madame Aminata Touré considère le scandale des « Panama Papers » comme « la preuve qu’il y a bel et bien enrichissement illicite… » Dans tous les cas, toute cette agitation (purement communicationnelle) autour de cette affaire est à la hauteur de l’ampleur du préjudice pour l’économie mondiale, aux dépens des véritables acteurs de cette économie. Les crimes les plus abjects ont toujours des mobiles et leurs auteurs ont toujours des explications, des justifications. Compte offshore, société-écran, fraude fiscale, évasion fiscale, blanchiment d’argent…

Tous ces termes, ainsi que les réalités qu’ils couvrent, méritent le même mépris, la même répression que colonisation, esclavage, vol à main armée, trafic d’organes humains, de drogue, etc. C’est que dans la logique de la haute finance, toute l’économie se réduit à la finance, et celle-ci à l’accumulation indéfinie de richesses. Non pas pour financer l’économie et réaliser le bonheur de l’homme, mais pour le simple plaisir de la possession et dans le but de mieux inféoder et faire dépendre toute l’économie de la seule finance. Maintenant que la boîte de Pandore est ouverte avec cette affaire, l’on devrait la laisser entièrement se vider, pour qu’à quelque chose malheur soit bon. Pour une fois, une fois pour toutes.

À la fin des fins, qui donc nous sortira de l’enfer de ces paradis ? Certainement pas les gouvernants actuels du monde, dont la plupart sont sous la gouvernance de ces manipulateurs de la haute finance. Or, pour les uns comme pour les autres, gouverner, c’est égarer les gouvernés. En l’occurrence, c’est pour que les gouvernants puissent emprunter le droit chemin de leurs intérêts fiscaux. Chez ces gens-là, dans leur logique fiscale, gouverner, c’est égarer…

Galasse, Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. 

 

Auteur: Galass - Seneweb.com

source: http://www.seneweb.com/news/Chronique/chronique-du-lundi-gouverner-c-rsquo-est_n_179383.html