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  C’est dans la soirée de ce jeudi 19 mars que le ciné-club a fait son grand retour à l’Institut français de Dakar. Avec, pour commencer, le film « Jom » (1981) du réalisateur sénégalais Ababacar Samb Makharam, un long métrage de 80 minutes sur la dignité, le respect de la parole donnée, le courage etc. La projection a d’ailleurs permis de poser un regard introspectif sur notre société et sur ses valeurs déclinantes. Animée par le journaliste et critique de cinéma Baba Diop qui avait pour invités le psychologue Serigne Mor Mbaye et le cinéaste Abdoul Aziz Cissé, la discussion a aussi permis de faire le point sur l’état de notre patrimoine cinématographique. Le ciné-club est conçu pour être bimensuel : la prochaine projection aura lieu le 27 mai prochain.  

 

C’est pour remettre au goût du jour un ciné-club quinquagénaire qui s’était quelque peu assoupi au fil du temps, que  l’on a «déterré» un film trentenaire. Né en 1981, «Jom», long métrage de 80 minutes, est une œuvre du réalisateur sénégalais Ababacar Samb Makharam. Chacune des images du film est une sorte d’éternelle quête de sens, un peu comme s’il fallait sans relâche courir après un même mot, celui de « jom », qu’il se traduise par dignité, fierté, vertu, respect, fidélité, et quand bien même il ne serait «que» le courage d’assumer une opinion quelle qu’elle soit, et parfois au prix d’une vie. On y retrouve ainsi l’ambiance de ces dialogues à la Platon, où les concepts sont comme des puits sans fond. 

 

 
 
Dans ce récit aux allures de conte philosophique, il y a …le conteur, ce mystérieux griot qui a appris à jouer à cache-cache avec la mort, et qui devient ce mythique personnage immortel à qui l’éternité donne le droit de faire un pied-de-nez à tous les dieux du temps, tandis qu’il enjambe les âges, à saute-mouton. C’est de sa bouche que l’on entendra parler de Diéri, cet homme qui dira non à la domination coloniale, à la collaboration, ce meurtrier malgré lui qui refusera de se rendre encore moins de se soumettre, et qui mourra à dos de cheval. Il y a aussi ce fameux syndicaliste, Madjeumbé ou le «fils spirituel» de Diéri, aussi intransigeant qu’incorruptible, et dont l’honneur ne s’achète pas, même à coup de billets de banque pas froissés. Idem pour certaines héroïnes du film. 
 
Pauvres et dignes, fidèles même au fond du trou, combattantes et conquérantes, refusant toute compromission. Dans cette galerie de portraits, il y a cette surprenante jeune femme venue se produire à Saint-Louis et qui ne se contente pas de jouer les danseuses érotiques. Car derrière l’apparente «banalité» de son jeu de jambes, c’est son venin qu’elle crache sur toutes les «mauvaises femmes» qui font de leurs domestiques de parfaites esclaves. Son discours redonne une certaine «dignité à toutes les humiliées».
 
A voir absolument
 
Ce film est d’une «actualité exceptionnelle» dira le psychologue Serigne Mor Mbaye, au cours du débat qui suivra la projection de « Jom ». Dans un contexte où «notre pays traverse une crise des valeurs » et où l’on ne se contente que d’une «posture incantatoire» faite de jolies phrases bien lisses et de grands discours, mais sans gestes pour les porter à bout de bras. « C’est une remise en cause des discours idéologiques actuels ». L’intérêt de cette production, c’est aussi sans doute tous ces personnages qui incarnent un certain idéal moral et qui dans le fond ne représentent pas grand-chose finalement. C’est à tous ces laissés pour compte que le réalisateur donne la parole, les valorisant comme pour légitimer leur côté subversif.
 
Dans la salle de l’Institut français de Dakar, certains parmi les cinéphiles découvraient le film d’Ababacar Samb Makharam. Un plaisir peu égoïste, puisqu’ils exprimeront le souhait que cette production soit visionnée par  d’autres publics : les enfants, les élèves, les élites, les syndicalistes ou les journalistes etc. De manière à ce l’on puisse se réapproprier certaines de nos valeurs.
 
Mais pour cela, il faudrait pouvoir mettre la main sur tous ces vieux films, et ce n’est pas une mince affaire. Le cinéaste Abdoul Aziz Cissé de la direction de la Cinématographie explique que quand on fouille dans le « fonds filmique du Sénégal depuis 1960», on se rend compte que beaucoup d’archives ont disparu. Pour y remédier là-bas, on s’est d’abord procuré un serveur. En ce moment, dit aussi Abdoul Aziz Cissé, on en est à une phase de collecte qui a permis de recueillir plusieurs films sénégalais : les premiers, comme ceux de la dernière génération. Ce qu’il faudrait, ajoute-t-il, c’est un Centre national d’archives filmiques du Sénégal, et que les techniciens associés à ce projet soient rigoureusement formés. A l’Ecole des bibliothécaires, archivistes et documentalistes (Ebad) par exemple, avec pourquoi pas, la création d’une filière d’archive documentaire cinématographique et filmique. 
 
source: http://www.sudonline.sn/ces-images-et-ces-valeurs-a-deterrer_a_23698.html