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je suis charlie

Papa Cheikh Jimbira-Sakho
Editions JP, Dakar, 2015 - 96 pages


Le titre de l’ouvrage, c’est le moins que l’on puisse dire, ne fait pas vraiment dans la demi-mesure : pas d’intitulé-mystère, pas de cache-cache et pas de fausse subtilité. Papa Cheikh Jimbira-Sakho le dit d’ailleurs lui-même, et dès les premières lignes de ce texte qui est en fait «une dénonciation des provocations répétitives» de Charlie Hebdo, du nom de cet hebdomadaire satirique français coupable selon lui d’avoir « fait de l’islamophobie sa marque de fabrique».   

 

Le contexte lui-même est très clair : il y a la sanglante tuerie de janvier dernier dans les locaux du journal, mais il n’y a pas que cela. Si on compte parmi les victimes quelques-uns des dessinateurs les plus célèbres de Charlie Hebdo, l’ouvrage n’en fait qu’un épisode ou alors ne s’agit-il que d’une date-repère. C’est la suite qui compte, car après cet attentat, le président de la République Macky Sall, de même que plusieurs autres chefs d’Etat, s’envolait pour Paris où il participera à une marche en soutien à la liberté d’expression et à la «lutte contre le terrorisme». Pour Papa Cheikh Jimbira-Sakho, c’est un scandale, surtout de la part d’un «Musulman qui le revendique et (qui) l’assume». L’auteur s’en prend aux arguments de Macky Sall, qu’il n’hésite pas à démonter les uns après les autres. 

 

 
 
Pour justifier sa démarche (controversée) ou pour s’expliquer face à l’incompréhension d’une partie du peuple, le chef de l’Etat avait assuré qu’il ne s’était rendu en France que pour «présenter ses condoléances», et que son geste n’avait rien d’un «acte antireligieux». Au cours de ce défilé, dit pourtant Papa Cheikh Jimbira-Sakho, l’on s’indignait surtout de la mort de «chroniqueurs courageux» assimilés à des «héros». Pour l’auteur de «L’anti- Charlie Hebdo», ce n’était ni plus ni moins qu’«une bande d’irresponsables s’obstinant de manière sottement criminelle à brocarder et avilir le Prophète de l’Islam». «Je suis Charlie», le slogan né de cette affaire, ne se résumerait qu’à une sorte de «mimétisme grégaire». 
 
En se comportant de la sorte, Macky Sall, dans le rôle du «servile» «valet», n’aurait fait qu’obéir à ses «parrains» et à ses «donneurs d’ordre». Le plus inconcevable dans tout cela, dit Papa Cheikh Jimbira-Sakho, c’est que le président sénégalais était «aux abonnés absents» lors de la manifestation organisée peu après l’attaque du musée du Bardo à Tunis, qui avait fait une vingtaine de morts au mois de mars dernier. L’auteur lui reproche encore de s’être ainsi rendu complice de cette façon que les «les puissances impérialistes occidentales» ont de se laisser aller à de faciles raccourcis et autres amalgames douteux, en assimilant par exemple l’Islam au terrorisme. Le vrai problème dans l’Hexagone, toujours selon Papa Cheikh Jimbira-Sakho, ce n’est pas l’Islam, c’est tous ces frustrés laissés en rade ; c’est le chômage, la ghettoïsation, le racisme et la discrimination.
 
Dans l’attitude de Charlie Hebdo, dit-il encore, il y a surtout beaucoup d’arrogance, et pour l’hebdomadaire satirique français, le blasphème n’a jamais été un sens interdit. Ce qui choque surtout Papa Cheikh Jimbira-Sakho, c’est toute  cette «caricature à géométrie variable» qui n’hésite pas à discréditer la foi de «près de deux milliards de personnes», et qui ne s’en prend pas de la même façon au judaïsme. 
 
L’auteur ne cache pas non plus qu’il ne se sent pas très à l’aise avec le principe de la laïcité, «nouvelle religion républicaine» qui implique selon lui que la «Constitution ne s’embarrasse point des postures religieuses ou des mœurs du chef de l’Etat». Et lorsqu’il prend l’exemple du Sénégal, c’est pour faire de la laïcité constitutionnelle un «hold-up originel» ou le résultat d’une «vaste imposture infligée à la nation sénégalaise par son élite apostate francophone», avec sans doute la «complicité tacite» «d’une certaine élite arabophone ainsi que de certains califes et chefs de confréries». 
 
Malgré quelques trop longues parenthèses, le lecteur a droit d’un essai très documenté, et plutôt agréable à lire. Sur un ton virulent, parfois sarcastique, Papa Cheikh Jimbira-Sakho donne l’impression de vouloir régler ses comptes avec tous les ennemis de l’Islam. Y compris tous ces musulmans qui s’empressent volontiers de jouer les modérés, et qui n’ont pas honte de leurs accointances avec «des acolytes occidentaux non croyants et libres- penseurs, amateurs d’alcool et de “sexe libre “». 
 
source: http://www.sudonline.sn/l-anti--charlie-hebdo_a_25295.html