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scandale

En grève depuis un mois, les ferrailleurs de la Someta dénoncent les conditions et l’environnement dans lesquels ils travaillent le métal depuis deux ans. De l’exploitation au manque de considération en passant par les risques permanents les plus graves, tout est décrié par les ouvriers et la population de Sébikotane.

On en sait un peu plus sur les motivations des ferrailleurs de la Someta (Société de métallurgie africaine) qui se sont révoltés mardi dernier. Suite au refus de la direction de cette entreprise de métallurgie communément appelée Someta et sise à Sébikotane,  une usine de fabrication de fer, béton, des cornières et des bouteilles d’oxygène, les travailleurs réclament l’amélioration de leurs conditions de travail.

 Ces travailleurs avaient engagé depuis un mois un bras de fer contre l’employeur. Ils réclamaient de meilleures conditions de travail et avaient élaboré à cet effet, une plateforme revendicative qui tourne autour de 14 points dont, se désolent-ils, aucun n’a été satisfait par leur direction. Pourtant, à les en croire, leurs revendications ne sont autres que des droits mis en place depuis 1960 par la loi sénégalaise dans le Code du travail et la Convention nationale. Il s’agit de l’organisation des élections de délégués du personnel, de l’établissement de contrats en bonne et due forme, de l’organisation de visites d’aptitude et de visites annuelles. 
Sur ce dernier point, les ouvriers ont relevé une discrimination. «Depuis deux ans, nous travaillons dans un environnement toxique, on respire de la chimio toxique et on a jamais vu un médecin venir nous  faire des visites et contre-visites alors que les chinois en bénéficient à chaque fois qu’ils le désir», dénonce Kémo Diédhiou, responsable des travailleurs. 
La création et l’installation d’une Institution de prévoyance  maladie (Ipm) est aussi une revendication forte, d’autant plus que, signale Kémo, la direction ponctionne sur les salaires, arguant que c’est pour une cotisation pour une Ipm. «Mais le pire, c’est qu’on n’en a pas et le Dg refuse de nous affilier à une Ipm.»  L’installation d’une imprimerie, l’achat d’une ambulance pour évacuer les blessés, le recrutement d’un secouriste et d’un infirmier pour au moins assurer les premiers soins, le recrutement d’un médecin temporaire qui pourrait secourir les travailleurs en cas de besoin à un taux forfaitaire constituent des préoccupations phare des ferrailleurs. «Une entreprise de cette ampleur avec tout ce qu’elle engendre comme risques sans médecin, ni infirmier encore moins une ambulance, cela est inadmissible. S’il y a un blessé, nous courons après les Chinois pour qu’ils nous prêtent une Mercedes stationnée depuis des temps afin d’évacuer le malade à Diamniadio ou à Thiès.» Des bulletins de salaire réglementaires, le paiement des droits de congés figurent en bonne place dans les requêtes. «Pour le paiement des congés, ils te laissent partir pour te rappeler 15 jours après pour venir prendre l’argent. Ce qui n’est pas du tout conforme aux normes», dénoncent-ils. 
La nébuleuse et l’opacité qui entoureraient le paiement des salaires et des heures supplémentaires sont perçues comme une forme d’exploitation qui ne dit son nom. «Les gens travaillent 8, 10, 12 heures (par jour). Pourtant, les jours fériés et les samedis qui sont des heures supplémentaires, ils les prennent et les reversent dans les jours ouvrables disant qu’il fallait 173 heures  de travail le mois.» Pire, dénonce Kémo Diédhiou, leur Dg s’évertuerait à les imposer un rythme de travail insupportable avec  un taux d’horaire de 10 heures par jour et un repos de 24 ou 48 heures. «Si on acceptait ce taux, cela se répercuterait sur nos salaires. Des contrats de 173 heures le mois mais avec les taux d’horaires qu’il voulait nous imposer, on allait se retrouver avec 150 ou 160 heures. Ce qui allait se répercutait sur nos salaires car on aurait un déficit d’horaire de 13 ou 23 heures qu’il allait retirer sur nos salaires et cela ne nous arrangerait pas», a expliqué le porte-parole des travailleurs de la Someta. Depuis deux ans, Diédhiou et camarades sont exposés, disent-ils, en permanence à d’énormes risques, vu les conditions dans lesquelles ils manillent le métal. Et ce qui les indigne, c’est l’absence notoire de volonté de leur employeur à améliorer leurs conditions de travail. «On s’est rendu compte que le directeur ne voulait pas améliorer nos conditions de travail», se désole-t-il tout en dénonçant l’absence des équipements professionnels individuels (masques, tenues, chaussures de sécurité et casques). «La direction fait parfois venir des chaussures de sécurité de la Chine qui ne sont pas adaptées à notre climat et environnement», affirme le porte-parole des ferrailleurs. 

«Un collègue brûlé au cinquième degré»
Avec amertume, il égrène une liste d’accidents du travail dont ses camarades ont été victimes. Les brûlures : «il y a des collègues  qui ont eu des brûlures sérieuses. Un collègue a été brûlé au cinquième degré. Il est aujourd’hui foutu à jamais  et n’a même pas été pris en charge par la direction. On fait basculer le métal à 1900 degrés», informe-t-il. 
Les primes de risque dans cette entreprise métallurgique ne sont pas consistantes si l’on prête foi aux ouvriers. Elles tournent autour de 500 francs par jour ou moins. Mais le pire, fustige le responsable des travailleurs, c’est qu’ils font basculer le métal à 1900 degrés pour que le fer soit bon. «A 1900 degrés, on se retrouve avec une prime de risques de 2000 francs Cfa. Nous le dénonçons depuis fort longtemps mais il fait la sourde oreille parce que c’est son entreprise.» «Si tu te blesses, tu te soignes tout seul et le comble c’est qu’on nous coupe nos salaires pour des Ipm depuis deux ans. On n’a pas de prise en charge et il refuse de nous affilier à une Ipm. Idem pour la Caisse de sécurité sociale. Cela constitue d’intenses problèmes au niveau de l’usine.  Il y en a qui ont perdu un doigt, un œil, un avant-bras», énumère leur responsable avec à l’appui des photos de membres amputés pour prouver ce qu’il avance. 
La dotation de deux tenues de travail par an et le paiement des primes de risque clôturent la liste des revendications des ouvriers de la Someta et pour lesquelles, ils ont depuis un mois engagé un bras de fer avec leur employeur. 

«Le dg a manqué de respect au président de la République»
Cependant ce qui a provoqué leur courroux au point de bloquer la situation, c’est une certaine «arrogance» de leur directeur  général, M. Simon qui, estiment-ils, a manqué de respect à la première institution sénégalaise, en l’occurrence le président de la République. Ce fut la goutte  d’eau qui a fait déborder le vase. «Nous lui avons demandé s’il allait répondre à la convocation de l’Inspection du travail, mais il nous a fait savoir qu’il n’ira répondre à personne, même pas au président de la République, s’il le lui demandait.» 
Cette réponse à provoqué l’ire de travailleurs qui ne tolèrent pas une telle arrogance. «Il pouvait ne pas collaborer mais de là à manquer de respect à notre Président, nous ne le permettrons pas. C’est ce qui nous a poussés à descendre dans la rue. Comme en tant qu’étranger venant de la Chine il ne veut pas se soumettre aux lois sénégalaises, cela l’engage. Mais le président (de la République) est une institution, on ne le laissera pas lui manquer de respect», martèle Kémo Diédhiou. 
Les travailleurs de la Someta sont affiliés à la Cnts/Fc de Cheikh Diop. Cependant, c’est Ibrahima Diandi du Siempm (Syndicat industries extractives minière) qui porte leur combat depuis six mois.  Outre M. Diandi, ces ouvriers, qui indiquent avoir tapé à toutes les portes sans succès, se sentent laissés à eux-mêmes, hormis la population de Sébikonane qui reste unie derrière eux pour les soutenir afin que cette entreprise quitte leurs terres. Une solution à laquelle ils n’adhèrent pas, car leur combat étant la sauvegarde de leurs emplois. 
«Mais si le Dg s’entête dans sa position, il sera le seul responsable de tout ce qui s’en suivra.» Ils ne se découragent pas pour autant et comptent sur l’Inspection du travail qui a la prérogative de secourir les travailleurs en difficultés. A les en croire, cette dernière  les a conviés à deux reprises, mais le directeur général de la Someta ne s’est jamais présenté. «Il déléguait à chaque fois le directeur des ressources humaines, un monsieur qui n’était  pas en mesure de prendre notes encore moins une décision sur la question.» 
La troisième convocation date de mercredi dernier. Finalement, celle-ci n’a pu se tenir, nous affirme-t-on sans plus d’explications. Toutefois, les ferrailleurs invitent leur directeur à collaborer pour que la situation de l’entreprise ne s’empire. «Nous avons demandé au Dg de surseoir aux mesures qu’il a entreprises contre nous, ce qu’il a refusé catégoriquement». 
Optimistes, ils attendent avec beaucoup d’espoir l’issue de la rencontre avec leur représentant, M. Cheikh Diop, qui leur a demandé de se calmer et de patienter en attendant qu’il se concerte avec  l’inspecteur de travail, le directeur du Travail et la direction de la Someta. 
Malgré leur calme, les ouvriers continuent d’être inquiétés par la police. Celle-ci avait dans un premier temps arrêté une quinzaine d’ouvriers, qu’elle avait placés en garde à vue à la police de Diamniadio avant de ne retenir que  sept d’entre eux qu’elle a déférés à la gendarmerie de Rufisque. Aux dernières nouvelles, les mis en cause seront jugés le mercredi prochain. En attendant, la police continue de monter la garde notamment à l’entrée  de la commune et devant l’usine en question. 

Stagiaire

SOURCE: http://www.lequotidien.sn/index.php/societe/item/29354-sebikotane-conditions-difficiles-de-travail-absence-de-consid%C3%A9rations--les-travailleurs-de-la-someta-sortent-leur-trop-plein