DAKAR
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Violence socialeDe nombreux jeunes en provenance des 4 coins du Sénégal viennent à Dakar pour y poursuivre leurs études supérieures. Les institutions scolaires de la capitale, l’Université Cheikh Anta-Diop en tête, reçoivent des étudiants venus chercher un diplôme, gage d’un avenir meilleur. Cependant, tous ne connaissent pas le succès tant espéré... Le passage à l’université représente souvent un défi de taille pour les jeunes sénégalais qui quittent leur région d’origine pour venir poursuivre leurs études dans la capitale. Arrivés à Dakar avec le bac en poche, les nouveaux citadins ont sur leurs épaules le poids de l’espoir de leurs familles, qui les imaginent déjà sur la route d’une grande carrière. Mais la réalité des études supérieures en rattrape plus d’un. Dans les faits, seule une fraction des nouveaux arrivants connaîtra la route ininterrompue du succès, et nombreux sont ceux qui n’arriveront pas à maintenir le rythme exigeant de l’université. Confrontés à des conditions d’étude difficiles (promiscuité dans les résidences, problèmes financiers, maladies...) et à la pression familiale, le spectre de l’échec hante même les plus studieux d’entre eux.Après deux échecs consécutifs durant les deux années préparatoires à la Licence (Diplôme universitaire d’études littéraires ou Duel), l’étudiant « cartouche ». L’expression, ajout sénégalais au lexique de la langue française, exprime une réalité qui représente le cauchemar de tout étudiant : en plus d’avoir perdu deux ans de sa vie, celui qui cartouche est renvoyé de sa faculté. Il peut néanmoins s’inscrire ailleurs ou mettre fin à ses études... ainsi qu’aux espoirs de sa famille.

 

« L’école, c’est la chose la plus importante au Sénégal. Tous les espoirs de ma famille reposent sur moi », explique Souleymane, un jeune Casamançais de 21 ans venu étudier le droit à Dakar. Malheureusement, un problème de santé lui fait manquer trop de cours pour qu’il puisse réussir son semestre. Tournant le dos aux études, il lave désormais des voitures pour 500 FCfa dans un hôtel de la capitale. À cause de la grande pression familiale, il cache sa situation à ses proches qui vivent dans sa région natale. « Je n’ai toujours pas dit à ma mère que j’ai abandonné les études. Elle ne me comprendrait pas », dit-il. Malgré sa nostalgie de la vie au village, tout retour est impossible. « Ce serait une honte pour moi ! » Avec son bac en poche, il songe maintenant à faire le service militaire pour élargir ses possibilités d’avenir. Entre-temps, il craint le moment où sa mère sera mise au courant de son renvoi.

 

 

 Le manque de moyens, un frein à la réussite

Un peu partout à Dakar, on peut voir ces jeunes venus de la campagne d’abord pour étudier, mais qui se trouvent aujourd’hui à faire de petits boulots suite à un échec scolaire. « Ils ne veulent pas rester les bras croisés », explique Omar, également casamançais et aujourd’hui exilé dans la grande ville. « Quand j’ai cartouché, j’ai préféré rester à Dakar, parce que c’est là qu’il y a des opportunités ». Mais aussi parce que sa famille, modeste, s’attend à sa réussite. « Je ne peux pas rentrer au village les mains vides, sans argent, sans pouvoir faire une différence pour ma famille. Ce serait la honte », déclare-t-il.

Son arrivée à Dakar, en 2007, pour des études de langues n’est pas un souvenir heureux. Omar était obligé de partager sa chambre de résidence à l’Université Cheikh Anta Diop (qui compte seulement deux lits simples) avec sept autres personnes. Ce qui témoigne des conditions de vie difficiles avec lesquelles doivent conjuguer de nombreux étudiants en provenance des régions. « Des étudiants dorment dans les couloirs du pavillon, et j’ai une amie qui a été forcée d’habiter dans une chambre où 19 filles logeaient déjà ». Pour lui, il ne fait pas de doute que ces conditions de vie ne sont pas propices à la réussite scolaire. « Le manque de moyens financiers est le facteur principal de l’échec scolaire », poursuit-il.

Venir de loin pour étudier à Dakar peut-il être un défi supplémentaire pour la réussite scolaire ? Cela ne fait pas de doute pour Omar qui a passé des années à faire de petits boulots précaires dans la capitale – le destin qui attend bien souvent ceux qui choisissent de ne pas rentrer après leur échec scolaire, affligés par la honte de ne pas être à la hauteur des espoirs de la famille. Chose certaine, il salue ceux qui réussissent le parcours universitaire, malgré les conditions d’études difficiles, la promiscuité des résidences, les budgets serrés et la pression familiale. « De vrais guerriers », conclut-il.

Boris PROULX (stagiaire)

SOURCE: LE SOLEIL