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Sénégal

On avait l’habitude de les voir mobiliser du monde autour de la télévision à une certaine époque et à certaines heures. Généralement, ils accrochent le public avant et/ou après le journal de 20h. Les fameux télénovelas ! Feuilletons indiens ou latinos plus souvent, ils ont fait le bonheur de beaucoup de Sénégalais férus de ces téléfilms étrangers. Mais depuis quelques temps, c’est une toute autre tendance qui émerge : les téléfilms sénégalais cherchent eux aussi à trouver une place dans le cœur des Sénégalais. L’objectif des réalisateurs : créer une industrie culturelle solide afin de contribuer au développement local.

Il y a quelques années, si vous vous hasardiez à rendre visite à quelqu’un juste après 19h, heure où sont diffusés la plupart des télénovelas, vous risquez de ne pas être reçu avec attention. Tellement ces feuilletons suscitaient intérêt et captivaient l’attention de beaucoup de Sénégalais. On se souvient encore de l’engouement qu’avaient suscité : Marimar, Rosa, Luz Clarita ou encore plus récemment Rubi, mais aussi Vaïdehi, autant de séries qui ont eu beaucoup de succès.

 Ramatoulaye, la quarantaine passée, est passionnée de ces séries à l’eau de rose. Elle a surtout un vrai penchant pour les feuilletons indiens.  Elle suit ces télénovelas depuis leurs premières appariations : «Je suis une grande fan des télénovelas surtout celles des indiens. Je les suis depuis ma tendre enfance. Je continue toujours de les suivre. C‘est devenu une habitude», affirme-t-elle fièrement. Pape Ibrahima Sy, directeur des programmes de la Rts, informe quant à lui que les télénovelas ont eu de beaux jours ici et permis de drainer une forte audience et par conséquent beaucoup de sponsors : «Nos annonceurs et notre public appréciaient beaucoup ces produits là. A une certaine époque, ils ont mobilisé une forte audience et cela nous faisait gagner beaucoup d’argent», confie-t-il.
 Pourtant de nos jours, une toute autre tendance tend à s’installer. On voit de moins en moins des séries étrangères dans le programme des télévisions au détriment de celles réalisées au Sénégal. Elles perdent peu à peu leur hégémonie. En réalité, les productions audiovisuelles locales sont davantage privilégiées. Les chaînes de télé (les plus suivies de la place) en ont chacune au moins une à son menu. Il faut toutefois noté que même si des efforts visant à promouvoir le cinéma sénégalais sont en train d’être faits, la production de séries sénégalaises reste encore en état de balbutiement. Pour simple preuve, la diffusion de ces séries locales n’est pas aussi quotidienne que celle des télénovelas, diffusées du lundi au vendredi. N‘empêche, les premiers pas opérés vers le «consommer local» semblent avoir du succès, car les téléfilms sénégalais récemment diffusés sont pour la plupart très appréciés des Sénégalais.

Disparition progressive des télénovelas
Qu’est-ce qui est à l’origine de ce renversement de situation ? Est-ce une volonté de promouvoir des productions nationales ou simplement parce que les téléspectateurs sont las de voir quasiment les mêmes scénarios où, amours impossibles, intrigues et vengeance, dominent ? Ce qui est certain, c’est que les téléfilms sénégalais sont à présent guettés de la même façon que les télénovelas brésiliennes et autres feuilletons étrangers l’ont jadis été. Interpellé, Pape Diène, directeur des programmes de la Sentv, indique que cette nouvelle tendance répond à une volonté de promouvoir la culture sénégalaise et par conséquent, créer un levier économique visant à lutter contre le chômage. «Nous avons vu que beaucoup de producteurs sénégalais font des séries qui sont bien, mais n’ont pas la chance de les voir diffusées. Alors, on s’est dit, plutôt que de proposer des télénovelas qui ne mettent pas en scène notre culture, on va aider les producteurs sénégalais pour qu’ils puissent eux aussi avoir la chance de se développer. Ces productions donnent de l’emploi à plusieurs personnes», a-t-il renseigné. 
A la Radio télévision sénégalaise (Rts), c’est la même dynamique qui est prônée. L’ambition de la «chaîne des grands moments» est aussi de développer la production locale et la culture sénégalaise. Pape Ibrahima Sy, directeur des programmes de la Rts, pense que les productions locales attirent actuellement un public assez consistant: «Les productions locales marchent bien. L‘avantage c’est qu’elles mettent en scène la culture sénégalaise et ce sont nos réalités avec nos comédiens et la langue nationale comprise de tous. Nous attendons les producteurs pour qu’ils nous amènent leurs produits, à condition que ce qu’ils nous proposent réponde aux normes de qualité et qu’ils véhiculent les valeurs que nous prônons au niveau de la Rts», a expliqué M. Sy. 

Des séries très appréciées du public...
Au niveau du public, les tendances sont assez mitigées. Même si une forte majorité des téléspectateurs soutient les productions purement sénégalaises, d’autres restent fidèles à leur penchant pour les produits étrangers. Ndèye Fatim Camara, étudiante, a une nette préférence pour les séries sénégalaises. Pour elle, ces téléfilms relatent nos réalités et sont bien meilleurs que les séries brésiliennes. «Je suis pour les séries purement sénégalaises. Je trouve que ces productions nous permettent de plus nous affirmer culturellement. Il y en a une qui passe sur la Sentv, Dinama nekh. Je n’en rate aucune épisode c’est divertissant et éducatif», tente-t-elle de convaincre. Même son de cloche pour Nafi Diagne, caissière dans une société financière de la place. Cette jeune femme raffole des productions étrangères, mais préfère de loin les productions sénégalaises. «J’aime bien les télénovelas. Mais ces derniers temps, je suis beaucoup les téléfilms sénégalais, surtout Un café avec que j’adore parce que c’est sénégalais et cela me permet de voir nos célébrités sur un autre univers», argue-t-elle.
Si de nombreuses personnes encouragent la diffusion des séries sénégalaises, ce n’est pas l’avis de tous les téléspectateurs. Nadine, étudiante originaire du Cap-Vert, préfère les télénovelas. A l’en croire, suivre les téléfilms sénégalais n’est pas aisé puisqu’elle ne comprend pas la langue parlée. «Je préfère de loin les télénovelas puisqu’en suivant les séries en wolof, je ne comprends pas ce qu’ils disent, même si quelque fois j’arrive à deviner en regardant les images. On devrait songer à les faire traduire», confie-t-elle. 

Un commerce pas rentable pour les producteurs locaux
La volonté de promouvoir le «cinéma populaire» semble être partagée entre diffuseurs et producteurs. Même si mettre une télénovelas revient moins cher aux chaînes de télévision, l’enjeu pour tous est de permettre aux jeunes de s’affirmer, mais surtout de participer à l’amélioration du taux de chômage. Cependant, la tâche n’est pas facile pour les producteurs. Vivre de son art n’est pas tout le temps aisé. Ils sont obligés de partager des retombées de leur production avec les télévisions diffuseuses. Ce qui n’arrange pas forcément les choses. Leuz, un producteur de séries télévisées, pense que les chaînes de télé devraient revoir la répartition des gains entre diffuseurs et producteurs. Il explique que les télévisions qui diffusent leurs téléfilms gagnent plus dans le marché: «Je pense que la façon dont se fait le partage des retombées des séries entre nous producteurs et les diffuseurs ne nous encourage pas. Le plus gros du boulot, c’est nous qui le faisons et pourtant on fait moitié-moitié. Ce n’est pas équitable», déplore-t-il.

Stagiaire

SOURCE: http://www.lequotidien.sn/index.php/la-une2/6584-montee-en-puissance-des-telefilms-locaux--les-senegalais-crevent-lecran