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Au Sénégal, force est de constater  que dès qu'il est en position de pouvoir, le parti politique, surtout en ces temps qui courent, devient un lieu où s'expriment toutes les convoitises et les rivalités entre militants. Comme l'herbe fraiche des pâturages, il attire les troupeaux à la recherche de zones de paissance. Paitre, brouter, "manger", participer au banquet devient l'ultime objectif. Et cela à n'importe quel prix, quitte à en venir aux mains entre militants de formation politique hégémonique, comme l'actualité en rend compte quotidiennement.

Le Parti socialiste et le Pds qui en étaient victimes ont désormais cédé la place à l'Apr. Il y a ainsi quelque chose de troublant voire de pathétique lorsque l'on observe ainsi  la violence qui prend à la gorge les partis politiques dès qu'ils accèdent aux commandes de l'Etat. Comme par enchantement, le calme et la convivialité fraternelle et sororale  qui régnaient du temps où ils étaient plongés dans l'opposition  se muent en une véritable guerre  de tranchées  où sont invités  coups de poings, armes blanches, coups de feu, insultes et insanités de toutes sortes. Et cela occasionne des blessés graves  ou parfois des tragédies qui se soldent par des vies qui passent à trépas.

  
Jamais pourtant dans ces violences, il n'est question de visions idéologiques  conflictuelles mais bien plus prosaïquement de luttes de places, avec la  volonté avérée de se positionner au plus près de la table du banquet. Tout ceci est l'expression d'une posture qui est révélatrice du destin fangeux dans lequel s'est embourbée la pratique politique contemporaine au Sénégal. Grandement réduite à  une "politique du ventre", elle s'épuise à développer par tous les moyens des stratégies d'accès à la rente.
 
 Faudrait donc croire que les temps ont vraiment changé, au regard des premières années d'indépendance marquées par le parti unique et où les oppositions étaient claires et nettes. Les militants bataillaient camp contre camp autour de visions du monde différentes et les divergences s'exprimaient quelquefois de façon musclée  autour de références idéologiques antagoniques. Depuis, les choses ont emprunté des chemins quelque peu tortueux. Ainsi, après les techniques de fusion-absorption expérimentées sous Senghor, Abdou Diouf va-t-il encourager la  transhumance en mettant en œuvre une machine à débaucher du Pds contre des sinécures.
 
Avec Wade, le même cirque infernal va se poursuivre, en s'amplifiant jusqu'à la caricature. Qui ne souvient de ce souteneur qu'on a fait venir à la télévision dans l'entre deux tours de la dernière élection présidentielle  et qui se targuait de compter 12 millions de talibés, soit la taille de la population sénégalaise, donc d'électeurs potentiels lui obéissant à la baguette. Il y a aussi que l'ancien  président Wade se faisait un malin plaisir d'organiser des audits qui seront ensuite mis sous le coude, se transformant en redoutable arme de dissuasion de toute volonté de nuire à ses ambitions. 
 
Comme quoi, la soif de pouvoir peut  aussi corrompre toute forme d'intelligence et rendre absolument ridicule. Loin d'être circonscrite au microcosme politique, cette manière de faire va pénétrer et infecter d'autres secteurs, notamment du monde syndical et des médias. Autant, il est courant de voir des gens créer des partis politiques, rien que pour pouvoir négocier des prébendes, autant il en est d'autres qui  créent des organisations syndicales ou des journaux, rien que pour pouvoir avoir accès à des aides et des privilèges supposés.
 
Désormais, sans retenue, les digues de l'éthique et de la morale ont explosé en mille morceaux.  Aussi, se pose-t-il  assurément, comme le soulignait le Pr Ibrahima Thioub, "un besoin de révolution culturelle en profondeur de notre rapport au pouvoir" 1. Il convient en effet de faire en sorte que les leaders politiques soient habités, comme les invite le Pr Felwine Sarr,  par " le sentiment du sacerdoce dans l'accomplissement de leurs missions et par l'ambition inflexible de servir les intérêts du grand nombre, en oubliant les leurs."2.
 
Ce qui suppose que la politique soit perçue non pas comme un moyen d'enrichissement mais comme une formidable opportunité pour transformer par un effort collectif et personnel, l'environnement économique, social et culturel des populations. Il s'agit là d'une rupture indispensable à opérer pour espérer réhabiliter la politique et en finir avec ces violences parasitaires innommables et indignes d'une démocratie majeure. Vaste programme !
 
1. Lire "Une révolution culturelle s'impose", in Sud quotidien du lundi 3 mars 2014.
2. Lire "Nos leaders manquent d'ascétisme et d'esprit de renoncement", in Sud quotidien du jeudi 3 avril 2014.

source: http://www.sudonline.sn/violences-parasitaires_a_18407.html