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L’Assemblée nationale vient d’adopter une nouvelle version du Projet de Loi des Finances Rectificatives, dont la première version était l’objet de mes Observations du 16 Août 2014, qui avaient soulevé beaucoup de commentaires.

Le fait de n’avoir eu cette nouvelle version que le jour de son adoption malgré toutes les démarches que j’ai effectuées et les promesses que j’ai obtenues, m’a empêché de réagir plus tôt, sur ce projet.

Mais comme dit l’adage, il n’est jamais trop tard pour celui qui veut bien faire.

 

Dans sa nouvelle version présentée plus de deux mois après mes Observations, l’on se rend compte que, celles de forme, qui mettaient en exergue « une incohérence déconcertante dans la rédaction » du projet de Loi, ont été partiellement prises en compte.

 

 

C’est ainsi que tous les Ministères supprimés qui figuraient encore avec des dotations en fonctionnement et en investissement, dans la nomenclature budgétaire, ont été supprimés pour plus de cohérence et de lisibilité.

Seuls le Ministère du Plan et celui de «  la Promotion de la bonne Gouvernance et des Relations avec les Institutions » y figurent encore.

Le Ministère du Plan a obtenu les mêmes dotations, dont 2,360 milliards de fonctionnement et 4,416 milliards d’investissement, alors que le Ministère de l’Economie, des Finances et du Plan, sensé l’avoir absorbé, n’a pas reçu de dotations en fonctionnement et en investissement correspondant.

Cette incongruité laisse croire que, dans les faits, le Ministère du Plan n’est pas supprimé et rattaché au Ministère de l’Economie et des Finances !

Pour le Ministère chargé de la «  Promotion de la Bonne Gouvernance et des Relations avec les Institutions », la dotation a par contre était réduite à une portion congrue pour les investissements, passant 2,936 milliards à 204,8 millions, tout en conservant la même dotation de 133,837 millions en fonctionnement !

Pour quelles raisons ces deux Ministères ont été maintenus dans la nomenclature budgétaire avec des dotations en fonctionnement et en investissement, alors que tous les autres Ministères supprimés comme eux, y ont disparu ?

Donc, dans le souci de cohérence et de transparence budgétaires dont se prévaut le gouvernement, il subsiste encore un vrai problème.

Quand aux observations de fonds sur les recettes budgétaires, le gouvernement reconnaît que « le projet de Loi entend, ainsi, proposer un rééquilibrage de l’impôt sur le revenu, consistant à rehausser les taux d’imposition en mettant plus l’accent sur les hauts revenus et à abaisser les minimas de crédit d’impôt pour charge de famille ».

C’est ainsi que, pour les salaires allant de 125.000 FRS par mois à 333.333 frs par mois, le taux d’imposition passe de 30% à 32%, alors qu’ils constituent le gros lot des salariés du public ; pour ceux de plus de 333.333 à 666.666 frs par mois, le taux d’imposition passe de 35% à 37% ; ceux qui gagnent plus de 666.666 à 1.125.000 frs par mois, le taux d’imposition passe de 37% à 40%, tandis que , pour ceux qui sont à plus de 1.125.000 frs par mois, le taux d’imposition passe de 40% à 45%.

Le recours au crédit d’impôt pour charge familiale pour atténuer cette hausse de l’impôt sur les salaires, ne devrait donc pas cacher, la hausse effective de cet impôt, qui va entraîner la baisse des salaires, d’autant que les salariés célibataires ou divorcés ayant un enfant en charge, n’ont pas bénéficié de la baisse des minimas de ce crédit d’impôt.

La hausse des revenus salariaux obtenus par les Syndicats des travailleurs à travers la baisse de la fiscalité, est ici reconnue avoir été mise en cause, tant dans cette nouvelle, que dans l’ancienne version de La Loi des Finances Rectificatives.

La nouvelle fiscalité sur les revenus qui aurait dû entraîner une réduction de cet impôt de 29 milliards selon les engagements pris par le gouvernement avec les Centrales syndicales, n’a été en fait réduite qu’à hauteur de 18, 9 milliards, soit un manque à gagner de 10,1 milliards dont 6,1 milliards dus « aux économies sur la masse salariale, suite à l’audit physique et biométrique des agents de l’Etat », d’où une ponction nette sur les salaires de 4 milliards !

Les Centrales syndicales, qui ont négocié et obtenu la baisse de la fiscalité sur les salaires, n’ont pas été assez vigilantes pour manifester leurs désaccords sur toute remise en cause de cet acquis, malgré le fait qu’elles aient été amplement et dûment informées sur cette décision du gouvernement depuis le 16 Août 2014.

Les responsables des Centrales syndicales ont dû donner plus de crédit aux dénégations du gouvernement, sans se donner la peine de vérifier leur authenticité, ne serait ce qu’en organisant un débat public sur la question.

En outre, contrairement à la première version, la nouvelle Loi des Finances Rectificatives a comptabilisé, en recettes extraordinaires, 45 milliards sur les 75 milliards obtenus de Mittal en guise de compensation.

Où sont donc passés les 30 milliards restants, du moment que, pour financer le déficit budgétaire, le gouvernement a dû aggraver son endettement de 4,2 milliards, et diminuer les Investissements sur fonds propres de 2 milliards !

Pourquoi a t- il maintenu les ponctions sur L’Education nationale de 4,8 milliards pour le fonctionnement, et de 4,28 milliards pour les investissements ? Pourquoi il en a fait de même pour la Santé publique, avec une réduction de 2,18 milliards en fonctionnement et 930 millions en investissements exécutés par l’Etat ? Avec ces 30 milliards supplémentaires, le gouvernement ne pouvait- il pas éviter tout cela ?

C’est seul le Ministère de l’Enseignement Supérieur et la Recherche qui a connu, dans cette nouvelle version, un revirement extraordinaire de situation.

En effet, même s’il perd toujours 318 millions en fonctionnement, il voit ses transferts courants passer d’une réduction de 256,1 millions, à une augmentation exponentielle de 6,743 milliards ! De même, il voit son budget d’investissement passer d’une baisse de 4,650 milliards, à une hausse de 12,4 milliards !

Ce revirement salutaire du gouvernement dans la nouvelle Loi des Finances Rectificatives, a tenu certainement compte de la crise à l’Université et de la nécessité d’y apporter des solutions idoines.

La détermination des Syndicats de l’Enseignement Supérieur et des Etudiants y ont certainement joué pour quelque chose, contrairement à ce qui a prévalu dans l’Education nationale et la Santé publique.

De même, une plus grande réduction du train de vie de l’Etat, qui voit les dépenses matérielles réduites de 25,7 milliards, dans la nouvelle version, par rapport à la Loi des Finances Initiales 2014, contre une réduction de 20 milliards par la première version, a certainement facilité ce revirement spectaculaire en faveur de l’Enseignement supérieur.

Mais, cet effort appréciable de réduction du train de vie de l’Etat, contraste avec l’augmentation des Dépenses matérielles de la Présidence de la République, dont une dotation nouvelle de 1,638 milliards pour «  Réhabilitation de Palais nationaux », malgré les 6 milliards alloués à la Primature pour la «  réfection du Bulding » !

Dans le même temps, le Ministère des affaires Etrangères voit ses Dépenses de personnel augmenter de 221,2 millions, son fonctionnement, de 107,3 millions, et ses subventions de 1,107 milliards !

Ce choix de politique de prestige, reflété dans la nouvelle version de la Loi des Finances Rectificatives au détriment de l’Education nationale et de la santé publique, ne cadre pas avec le souci proclamé par le Chef de l’Etat, pour une «  éducation de qualité pour tous » ou avec une politique de  « Couverture Maladie Universelle »(CMU).

En outre, il n’a été indiqué nulle part dans cette nouvelle version de la Loi des Finances Rectificatives, l’impact sur les finances publiques, de la réduction des «  Dépenses fiscales » de 37,1 milliards au 31 mars 2014, sur une prévision de leur baisse de 138 milliards d’ici la fin de l’année 2014 ?

Autant l’audit de la Fonction publique a permis des économies de 6,1 milliards reflétées dans la baisse de la masse salariale, autant cette réduction des «  Dépenses fiscales » n’a été ressentie ni sur les recettes de TVA, ni sur les recettes douanières retenues dans la Loi de Finances rectificatives. Elles n’ont été, non plus, ressentie dans la réduction des dépenses budgétaires !

Ce formidable succès dans l’assainissement des finances publiques, qui a touché 334 entreprises qui bénéficiaient des «  Dépenses fiscales » de façon indue, parmi les 465 qui y ont été agréées, ne devrait pas être détourné de son objectif de réduction du déficit budgétaire en évitant de sacrifier l’Education, la Santé et les investissements dans les services sociaux de base, et sans aggraver notre endettement.

De même, il a été noté, dans la nouvelle version de la Loi des Finances Rectificatives, l’abandon de la requête insolite, adressée à l’Assemblée nationale, contenue dans l’Article 29 de l’ancienne version, et qui portait «  Affectation de recettes », par la quelle, le gouvernement demandait «  l’autorisation de la titrisation de l’engagement financier de l’Etat », qui a résulté de « l’exécution du Projet de mise à niveau de l’Administration territoriale et de la Police nationale », qui a fait « objet du contrat de partenariat conclu le 25 mars 2014 entre le Ministre de l’Intérieur et une société privée ».

Mais ce sage abandon n’exonère pas l’Etat de son obligation de transparence en la matière, pour venir s’expliquer, devant l’Assemblée nationale, sur ce nébuleux projet qui, s’il était « titrisé », allait aggraver notre endettement.

En Conclusion, cette nouvelle version de la Loi des Finances Rectificatives que l’Assemblée nationale vient d’adopter, ne s’inscrit pas dans le sens des ruptures attendues de la nouvelle alternance, en terme de transparence et de lisibilité dans la gestion de la chose publique, et en terme de réduction du «  train de vie de l’Etat », pour une meilleure prise en compte de la Demande sociale et de la Demande économique des Sénégalais.

Même le semblant de réalisme dont il fait montre, en revoyant à la baisse ses prévisions de croissance du PIB de 4% à 3,5%, ne prend pas en compte suffisamment les réelles performances de notre économie durant le premier semestre de l’année 2014, qui affiche un taux moyen de croissance du PIB de 2,9% !

Les craintes des effets probables de la fièvre Ebola, et du retard des pluies sur la croissance qu’évoque le gouvernement pour justifier sa révision à la baisse du taux de croissance de 2014, ne seront effectives que durant le second semestre. Ce qui rend encore plus improbable une embellie de l’économie durant la période, pouvant justifier l’objectif de 3,5% retenu pour l’année 2014.

Ibrahima SENE PIT/SENEGAL

Dakar le 29 Octobre 2014

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