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  Après un demi-siècle de croissance velléitaire, en dépit d’innombrables atouts pour réussir des politiques d’une croissance robuste, à présent, le Sénégal se doit pour son avenir florissant, se donner les moyens de relever les défis des secteurs agricole, industriel, tertiaire, de la compétitivité et de la production ainsi que celui de secteur privé dynamique. Cette analyse est de Moustapha Kassé, doyen honoraire de la faculté des sciences économiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) dans son ouvrage de 271 pages, paru aux éditions L’Harmattan et intitulé «L’économie du Sénégal: les 5 défis d’un demi-siècle de croissance atone». Dans cet ouvrage, professeur Kassé montre comment pendant un demi-siècle le Sénégal, malgré les politiques économiques engagées notre croissance est restée atone.  

 

L’agrégé Moustapha Kassé, doyen honoraire de la faculté des sciences économiques dans son ouvrage de 271 pages, paru aux éditions L’Harmattan et intitulé «L’économie du Sénégal: les 5 défis d’un demi-siècle de croissance atone», chagriné par la frilosité maladive de l’élite sénégalaise face aux enjeux économiques et sociales vitales, la qualifie tout simplement de «Sénégal malade de ses élites politiques, administratives, intellectuelles et de ses médias». 

 

 
 
Regard rétrospectif….
 
Dans cet ouvrage, l’auteur jette un regard rétrospectif sur les politiques de développement initiées et mises en œuvre depuis les années 60 à 2012, avérées inefficaces et inefficientes dans des secteurs dits clefs devant asseoir les bases d’un développement soutenu et durable que sont l’agriculture (secteur primaire), l’industrie (secteur secondaire), les services (commerce, administration, information), la compétitivité (productivité), et le secteur privé. De cette analyse, le spécialiste des questions économiques indique clairement comment les questions de développement économiques sont peu ou mal abordées (discutées) par les «organisations de gauche en mal d’idéal et d’idées, d’un corpus idéologique et d’une famille politique d’une part et d’autre part les diverses asthénies de l’élite politique, administrative, économique, et surtout intellectuelles, laissant la place vide aux figures médiatiques qui pontifient avec beaucoup de véhémence et de suffisance, peu de retenue et de réflexion ont contribué à la régression de la croissance». 
 
Tribune aux pugilats politiciens
 
Parce que, poursuit-il «la presse se condamne à servir de tribune aux pugilats politiciens et à brasser des faits divers», s’en désole l’agrégé.
Au premier chapitre intitulé «le défi de l’incapacité des politiques agricoles à booster la croissance économique face aux contraintes de l’organisation sociale», le professeur en économie indique que pour comprendre les contraintes souvent oubliées de l’organisation socioéconomique, cela commande de remonter à la racine, c’est-à-dire à l’organisation socio-économique qui repose sur les cinq caractéristiques : premièrement la forte sensibilisation de la croissance aux variations de la production et de l’exportation des produits de rente principalement d’origine agricole et minière. Sur ce, la comparaison des évolutions du taux de croissance du Produit intérieur brute (Pib) en francs constants, de la Valeur ajoutée du secteur primaire (Vasp) et du taux de croissance du Pib hors secteur primaire (Pibhsp) permet de mieux apprécier le niveau d’influence du secteur primaire sur la croissance économique du Sénégal entre 1970 et 1980. De là, il en déduit que «les variables Pibhsp et Vasp ont les mêmes évolutions dans le temps». Par conséquent, «cette situation confirme l’hypothèse selon laquelle, les secteurs secondaire et tertiaire sont tributaires du primaire», a-t-il expliqué. C’est ce qui justifie la moyenne contribution annuelle à la formation du Pib de plus de 20% entre 1974 et 1980. Et pourtant le secteur primaire a été pendant longtemps le moteur de la croissance économique du Sénégal de sorte que les résultats enregistrés dans ledit secteur expliquent en grande partie les comportements des activités industrielles et commerciales dans l’économie nationale.
 
Vulnérabilité chronique de l’économie
 
Ensuite l’auteur a abordé la question de « la vulnérabilité chronique de l’économie à l’égard de variables exogènes comme le climat, les cours mondiaux des matières premières, le taux d’intérêt ». A ce niveau, l’analyste laisse entendre que «le recul de la croissance économique en 1980 (-3,3%) par rapport au mauvais taux de 1971 (-0,2) traduit la perte de vitesse de l’appareil productif sénégalais encouragé en cela par le comportement des variables exogènes», a-t-il développé.
 
Absence de prix rémunérateurs
 
Le Pr Kassé a aussi soulevé la problématique du « système prédateur de prélèvement et d’utilisation insuffisamment productive des ressources tirées de la rente et des apports externes (aide et endettement) ou de l’expansion non maitrisée de la demande publique et privée. » Il a indiqué que le pouvoir d’achat des producteurs d’arachide a baissé pour absence de prix rémunérateurs et d’incitations financièrement motivantes. De fait, étaye-t-il, «le revenu rural en francs constants de 1972 est passé de 22. 100 francs CFA en 1960 à 8000 francs en 1980». 
 
Répartition inégale du revenu national
 
Dans la quatrième partie de l’ouvrage, l’économiste aborde le sujet de «la répartition inégale du revenu national au profit d’une hyperconsommation urbaine, publique et privée et l’amorce d’un long et interminable processus d’appauvrissement et de dévitalisation du monde rural». Sur ce point, il convoque les résultats de l’enquête sur les priorités (Dps, 1991), lesquels montrent que 71,33% des revenus vont aux ménages urbains contre 28,67% pour les ruraux. Il en déduit de cette répartition inégale «des revenus monétaires entre les ménages se justifie largement par leur origine. Cette étude indique que les revenus non agricoles représentent à eux seuls 91,9% des revenus monétaires contre 6,8% pour les revenus agricoles et 1,3% pour les ressources non spécifiques».
 
Le compteur des importations explose
 
En outre, l’auteur s’est intéressé au «modèle de consommation entraînant des distorsions entre offre de production et structures de consommation ». Dans cette dernière partie, professeur Kassé soutient que le développement des cultures locales vivrières locales a engendré une explosion des importations de produits alimentaires. Lesquelles importations ont doublé en sept (07) ans pour atteindre environ 70 milliards en 1984. Ces importations représentaient «près de 5 fois le service de la dette rééchelonnée en 1981, plus du double de celui de 1982, plus du triple de celui de 1983 et près du triple de celui de 1984», a-t-il étendu.
 
L’Afrique a pris 50 ans de retard
 
L’économiste, en soulevant la question du « défi d’une industrialisation bloquée: les médiocres performances d’un demi-siècle de politiques industrielles», est d’avis que l’Afrique a pris 50 ans de retard dans l’histoire des pays dits aujourd’hui émergents, à savoir la Chine, et la Corée du Sud, faute de n’avoir pas su comprendre que «l’industrie est notre avenir», précise-t-il. Dans son analyse, il rappelle qu’en 1960, le Sénégal se trouvait à la tête d’un important outil industriel uniquement constitué d’unités légères destinées à la transformation primaire. De ce dispositif industriel, la stratégie d’industrialisation par substitution aux importations avait été mise en place. Mais ce modèle n’a pas fleuri. Parce que les prérequis n’étaient là. 
 
L’industrie de substitution...
 
Par conséquent «l’industrie de substitution aux importations constitue une forme avortée d’industrialisation, en clair, elle connaîtra irrémédiablement un blocage insurmontable qui la ramènera à une industrie fonctionnant en circuit fermé», soutient-il.
 
Au chapitre des «défis de l’hypertrophie tendancielle du secteur tertiaire et la montée du secteur informel», l’analyste économique est d’avis que l’une des caractéristiques de l’économie sénégalaise contemporain réside dans la tendance à l’hypertrophie des activités du secteur tertiaire. Confortant son analyse, il rappelle les propos du directeur adjoint de la Direction de la prévision et des études économiques (Dpee), qui, faisant le diagnostique du développement de l’économie, montre que «cela a peu évolué depuis 1960 comparé à des pays comme l’Inde, la Chine qui ont connu une progression fulgurante pendant ces dernières années ».
 
En effet, l’auteur a indiqué pour ce qui est des deux piliers du tertiaire que sont la Sonatel et le tourisme, colonne vertébrale de l’économie sénégalaise, malgré les bonnes prévisions, l’Etat du Sénégal ne s’est jamais donné les moyens de cette ambition. 
 
La promotion de la productivité négligée
 
Le Pr Kassé soutient, dans cet ouvrage, que les politiques macroéconomiques et leur insistance sur les performances de l’économie sénégalaise ont négligé l’insertion et la promotion de la productivité qui est souvent déclarée, mais rarement calculée et intégrée dans les politique. Parce que les Politiques d’ajustement structurelles (Pas) sensées assainir les économies  en vue de restaurer un cercle vertueux de croissance par élimination ou réduction des déficits internes et externes ont été tout simplement ‘’catastrophiques’’. A ces manquements, s’ajoutent le déficit d’infrastructures, d’énergie, de ressources hydrauliques et humaines.
 
Le privé réduit à sa plus simple expression 
 
L’auteur a aussi soutenu que si pendant longtemps le secteur privé n’a pu jouer pleinement son rôle dans l’économie nationale, c’est parce qu’il a été réduit à sa simple expression. Selon l’analyste c’est parce qu’il y a eu absence ou extrême pauvreté des recherches et analyses sur l’entreprise privé et son apport dans le processus de transformation et d’organisation du système des forces productives, dans un contexte post colonial. Et ce, malgré l’option autogestionnaire de Mamadou Dia, puis sociale démocrate de L Senghor, «l’Etat a toujours œuvré pour la création  d’un secteur privé national crédible», a-t-il précisé.
source: http://www.sudonline.sn/l-elite-aphone-sur-la-question_a_26167.html