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politique   Quid des forces et faiblesses de ces potentiels prétendants au fauteuil présidentiel ? Dans ce rapide survol du champ politique, à moins de 20 mois de la présidentielle, Ibrahima Bakhoum, journaliste et analyste politique, décrypte les clés des uns et des autres. En tout état de cause, M. Bakhoum a indiqué, à l’issue de son analyse, que Macky Sall risque de se retrouver seul contre tous si, toutefois, il y avait un second tour à l’élection présidentielle.  

«IDRISSA SECK EST EN TRAIN DE SE RAPPELER AU BON SOUVENIR DES SENEGALAIS»

 

 

 

 
En partant de l’état des lieux, de ce qu’il vient de faire, Idrissa Seck est en train de se rappeler au bon souvenir des Sénégalais. Pendant un bon moment, on ne l’avait pas entendu. Ce qui est évidement une rupture par rapport à ses précédentes manières de communiquer. Il communiquait parfois de manière extravaguant. Il occupait beaucoup l’espace. Je pense qu’il a beaucoup appris de ses méthodes personnelles. Ensuite, il a appris de ce qu’il a vu Macky Sall faire et aussi de ce que Wade a fait. Abdoulaye Wade s’absentait pendant des mois et quand il revenait, il augmentait son taux de popularité. L’opposant Macky Sall avait préféré faire le tour du pays et avait rencontré les populations. (…) Je pense que cette lecture, Idrissa Seck doit l’avoir fait. 
 
D’abord, il ne sert à rien d’occuper tout le temps l’espace médiatique. Deuxièmement, son image n’a pas été toujours bien traité par ses propres partisans. Donc, il est retourné sur le terrain. Mais, quelles sont les personnes qu’Idy a rencontrées lors de sa tournée ? Je ne sais pas exactement. Mais faire ce tour-là, ça peut toujours réveiller de bons comme de mauvais souvenirs. Maintenant, ce n’est qu’une étape. Ils ont franchi un premier pas. Idrissa Seck commence à communiquer sur ce qui est supposé être le constat sur le terrain, notamment le diagnostic qu’il dit avoir fait sur le vécu quotidien des Sénégalais. Maintenant, est-ce que cela suffit pour faire un Président ? Il faut beaucoup d’autres circonstances pour renforcer davantage ses chances pour battre le président Macky Sall. 
 
«DEPUIS LES LOCALES, Khalifa Sall EST DEVENU UN ENNEMI A ABATTRE POLITIQUEMENT PAR LE POUVOIR»
 
Khalifa Sall est aussi en train de faire la même chose. Pendant un bon moment, on l’avait vu secouer Dakar. A l’époque, quand il parlait de Grand Yoff, il disait «mon village de Grand Yoff» pendant que les autres parlaient de leur village dans les autres localités du Sénégal. Ça, c’était le discours du député socialiste de l’époque. Maintenant, il a pris du galon, à travers ses réalisations à Dakar. Est-ce que ce sont les siennes ou celles de son prédécesseur ? Peu importe. Le constat est qu’il a posé des actes qui sont très importants et ça été récompensé avec la victoire éclatante de sa coalition durant les dernières locales. Depuis lors, il est devenu un ennemi à abattre politiquement par le pouvoir. Cela augmente ses points. Ça commence à le faire sortir de Dakar parce qu’on pensait que Khalifa Sall n’existait qu’à Dakar. Maintenant, quand le pouvoir prend peur et décide de communiquer contre lui, cette communication sort de Dakar. Il commence à être positionné comme étant un challenger extrêmement sérieux puisqu’il a commencé à faire du terrain en allant rencontré lui même les familles religieuses. Donc, cela peut être un atout quelque part. Evidemment, cet atout-là, il faudra qu’il le renforce encore parce qu’il y a beaucoup de chemin à faire. 
 
Si Khalifa Sall bénéficie du soutien du Ps, c’est déjà de nature extrêmement fort. Parce que, n’oublions pas que le Ps est un vieux parti qui a une bonne implantation. Peu importe les échecs successifs de Tanor en personne ! Je pense qu’ils peuvent trouver en Khalifa Sall quelqu’un qui est plus porteur d’espoir et qui pourrait changer peut être la donne en termes de réorganisation du Ps.
 
«A FORCE DE DONNER L’IMPRESSION QUE C’EST KARIM QUI ETAIT TRAQUE, ON EN A FAIT UN HOMME politique TRES VENDU»
 
 Karim Wade, pour le moment, c’est la grande inconnue. Le pouvoir a commis l’erreur de traquer Karim plutôt que de traquer ses avoirs. A force de donner l’impression que c’est Karim qui était traqué, on en a fait un homme politique très vendu. Il y a quelques années, personne n’aurait imaginé le proposer pour être délégué de quartier quelque part. C’est vous dire que par la faute du pouvoir, Karim est devenu, dans l’opinion, quelqu’un dont on pense qu’il peut représenter quelque chose et qu’il peut porter les couleurs du Pds. Mais évidemment, c’est du temps que cela prendrait car on a quelques mois encore pour savoir s’il va s’en sortir par rapport à la justice. Même si son dossier n’évoluait pas dans un sens que lui, Karim Wade, le souhaiterait, il faut reconnaitre aujourd’hui que la personne avec qui il irait pourrait toujours avoir un avantage. (…) Tous ces jeunes qui ont parlé pour Karim Wade pendant le procès, contribuent à renforcer son image comme quelqu’un qui a été victime, tout comme Idrissa Seck l’a été à un moment donné, ainsi que Macky Sall. Si c’est le cas, ça peut être un avantage. 
Si le Pds peut mobiliser, en profitant encore de la disponibilité de Wade, ça peut aider la popularité de Karim. Mais, globalement, chacun d’eux, Khalifa Sall comme Karim, traine toujours un point de faiblesse quelque part. C’est qu’il y a de l’inconnu à l’intérieur des partis. Il y en a à l’intérieur du Ps, du Pds.
 
«S’IL Y A DEUXIEME TOUR ET QU’ILS SE METTENT ENSEMBLE, MACKY VA SE RETROUVER SEUL CONTRE TOUS»
 
Maintenant, le problème est de savoir ce que ces responsables-là peuvent faire contre Macky Sall ? Les points faibles du candidat président, c’est quand on est au pouvoir, on a tendance à abuser de la communication in média et hors média. Chaque fois qu’il doit aller quelque part, les responsables locaux se sentent obligés d’entrer en compétition pour dire «j’ai mobilisé plus que quelqu’un d’autre». Mais à force de communiquer, il y a overdose de l’image du Président. Et la télévision nationale ne l’aide pas de ce point de vue, même la presse écrite parfois.
 
Maintenant, c’est lui le président de la République. Il a la possibilité de travailler et de montrer aux gens ce qu’il a fait. Les Sénégalais sont aujourd’hui très sensibles aux réalisations. Progressivement, les gens se rendront compte qu’il y a un abus d’usage de cette expression Emergent qui a fait le tour de l’Afrique. On aurait pu trouver un slogan beaucoup plus vendeur qu’Emergent. Donc, Macky a cet avantage du pouvoir. Il suffit simplement qu’il réalise des choses. Il est en train de le faire sur le plan social, notamment la Cmu, la réduction du loyer etc. Mais tout cela, il faudrait du temps pour que les résultats portent vraiment. 
 
Maintenant, il y les moyens dont le Président dispose. Pour cela, il ne faut pas se faire d’illusion là dessus. Mais il y a quelque chose que Madior Diouf avait théorisé. Wade l’a expérimenté à ses dépens. C’est-à-dire, si on vous donne de l’argent, prenez et une fois dans l’isoloir, votez en fonction de vos convictions. Cette façon de donner de l’argent n’aide pas forcément celui qui est au pouvoir. 
 
Aujourd’hui, le danger est que tous ces trois, à savoir Khalifa Sall, Idrissa Seck et Karim Wade, peuvent être dans une logique de deuxième tour. S’il y a deuxième tour et qu’ils se mettent ensemble, le pouvoir change de mains. Macky Sall va se retrouver seul contre tous. 
En outre, il importe de noter que pendant un bon moment, Rewmi avait connu des défections parce que le pouvoir ne laissait pas le parti tranquille. Ces départs-là ne manqueront pas d’avoir un effet négatif. Mais la dénonciation qu’il y a des transhumants va faire que tous ceux qui sont allés vers le pouvoir vont desservir d’avantage le pouvoir qu’ils ne desservent le camp qu’ils ont abandonné. Autrement dit, les transhumants catalogués comme tels vont contribuer à affaiblir Macky (…). Par contre, le chef de file de l’Apr peut utiliser cette capacité de nuisance en disant «vous ne m’apportez rien, mais j’affaiblis le camp d’où vous venez». 
 
SOURCE:http://www.sudonline.sn/idy-karim-et-cie-sur-le-divan_a_24519.html