Par Anthony Nugan le samedi 21 juillet 2012
Catégorie: People

SERIGNE MBACKÉ NDIAYE :« WADE A ÉTÉ COMBATTU PAR DES LOBBIES HOMOSEXUELS »

C’est un homme très relaxe qui a arpenté les marches des escaliers de la villa A1 abritant les locaux de L’Office à Sacré-Cœur 3. Au troisième étage où il est reçu, le bonhomme respire la forme. La mise correcte, la voix empreinte de cordialité, il semble bien dans sa peau de nouvel opposant. En cent jours, Serigne Mbacké Ndiaye a visiblement rajeuni. Délesté d’une lourde charge ? Que nenni ! L’homme reste le porte-parole de l’ancien président Wade et compte le demeurer jusqu’au moment où celui-ci n’aura plus besoin de porte-parole. Après quelques conciliabules, il se prête aux questions de la rédaction de L’Office. Comme à ses habitudes, sans langue de bois, il revient sur les faits qui ont conspiré contre son mentor d’ancien président, avant de faire avec nous le tour de l’actualité nationale, tout en restant confiant quand à l’avenir de sa formation politique. Une sorte de bilan de ses 100 jours dans l’opposition. En somme, il dit tout ou presque. Entretien…


 
Comment se passent les vacances du Président ? 

Très bien ! D’ailleurs, on s’appelle au téléphone au moins une fois dans la journée. Nous échangeons respectivement des problèmes de famille, du parti et de la routine entre autres. Récemment on a échangé sur une interview que j’avais accordée au magazine New-York Times, qui je crois aurait titré : « Ce titan qui vient de quitter le pouvoir a encore la haute main sur le Sénégal ». Juste pour vous dire que nous échangeons régulièrement et qu’il se porte à merveille. Les audits et la polémique qui ne cesse d’enfler autour de l’ancienne Première dame et de sa Fondation… Les audits sont un exercice normal dans la bonne marche de toute structure. Quand on vient à la tête d’une structure, la première chose à faire c’est de faire l’état des lieux ; c’est tout à fait normal. Au Sénégal, quand on parle d’audit on pense à l’accusation, à la police, alors qu’il n’y a rien de tout cela. Pour revenir à la question soulevée, sans entrer dans les détails, je dirais que depuis l’avènement de la deuxième alternance, cette fondation de Mme Viviane Wade est souvent citée et, à tort. Ce qu’il faut dire, c’est que la fondation a eu à mener des activités essentiellement positives, surtout à l’endroit du monde rural. Car, le produit fabriqué par la fondation a beaucoup contribué à tuer des insectes. Donc c’est une fondation qui était là pour aider le monde rural. Et cela pour ceux qui ne le savent pas, n’a pas commencé avec l’alternance. Personnellement, j’ai connu Mme Viviane Wade vers 1977 et j’ai travaillé avec elle au centre des femmes de Malika dirigé à l’époque par la sénatrice Binta Laye Thiaw. Je contribuais à la formation de ces femmes en alphabétisation, c’était bien avant l’alternance. Et depuis lors, elle n’a pas arrêté de travailler pour le compte des populations sénégalaises. Donc tout ce qui a été dit sur elle, sur les membres de sa famille ou les anciens membres du gouvernement, c’est la même stratégie. Et cela, je le disais à mes amis frères du Pds à l’époque. Je leur disais que si un jour nous perdions le pouvoir, pour diverses raisons, certains d’entre nous risqueraient la prison. Pas parce qu’ils ont fauté, mais quand des gens vous attaquent à longueur de journée, vous accusent de tous les péchés, s’ils viennent au pouvoir, ils voudront démontrer la véracité de ce qu’ils disaient. Le droit est tel que même si vous êtes innocent, on peut vous prendre en toute légalité, vous mettre en prison et après conclure que vous êtes innocent, vous bénéficiez d’un non-lieu. Néanmoins, vous aurez le temps de faire la prison. Le deuxième aspect, c’est que nous avons en face de nous un pouvoir qui avait pris trop d’engagements, tellement de promesses, surtout entre les deux tours que, une fois au pouvoir, il a du mal à les concrétiser. Car, il faut le dire : il y a un fossé entre les promesses et la réalité de l’exercice du pouvoir. 

Macky Sall a passé cent jours au pouvoir et le Pds vient d’en faire autant dans l’opposition. Comment avez-vous vécu cette transition ? 

Cela a été l’objet de la journée d’études que nous avons organisé à Thiès. Il faut le dire que le Pds est plus adapté à l’opposition qu’au pouvoir. Et force est de reconnaître que même si après 26 ans d’opposition et 12 ans de pouvoir les mêmes hommes ne sont plus là, le même socle est là ; la même détermination aussi. Le Pds est un parti dont les responsables sont traités de tous les noms d’oiseaux, amputés du droit de battre campagne. En outre, ses véhicules ont été confisqués par le pouvoir et il a été victime de fraudes électorales massives. Mais, malgré tout cela, il est parvenu à être la première force politique ; sans compter tous les départs. Si malgré tout cela le Pds est parvenu à s’implanter, cela veut dire que c’est un grand parti politique qui s’adapte à tous les changements, à toutes les réalités. Et en cela on a vu que les Sénégalais ont très rapidement regretté le Pds. On a vu un peu partout la création de mouvements dénommés « réthiou » (regrets), des paysans qui avaient des semences et qui n’en ont pas eu cette année, des enseignants qui ont vite déchantés, sans oublier les coupures d’électricité qui ont repris, et la liste est loin d’être exhaustive. Pour toutes ces raisons le Pds a su montrer sa pertinence avec des militants qui ont investis leurs propres fonds, uniquement pour assister aux différentes manifestations du parti. Voila un bilan des 100 jours que nous avons passé dans l’opposition. Et, je suis sûr que si ce qui est arrivé au Pds était arrivé à d’autres partis, on ne parlerait plus d’eux. 

A l’issue des législatives, le Pds s’est retrouvé avec 12 députés, avec un tel résultat n’êtes-vous pas en train de surestimer vos forces ? 

Je n’ai fait qu’une lecture objective des dernières élections. Je suis constant et logique dans ma démarche. Une élection présidentielle à deux tours n’est jamais sincère. C’est au 1er tour que chacun vote pour le candidat de son choix. Mais au 2e tour, les électeurs sont obligés de voter pour un candidat. Donc, si l’on prend en considération les résultats, 35% des Sénégalais sont foncièrement, fondamentalement et définitivement pour le candidat Wade, qui a conservé son électorat. Au même moment, 26% des électeurs sont formellement pour Macky Sall. Dans tous les pays du monde, les résultats du second tour ne traduisent jamais la réalité politique. Car, c’est la logique du « seul contre tous ». A la dernière présidentielle, le candidat Wade était contre tous. Vous devinez aisément que nous ne voulons pas surestimer notre poids électoral, mais le Pds reste le premier parti politique du pays. Si l’on prend l’exemple des législatives, le Pds a totalisé 12 députés sur les 150, ce qui est dérisoire en nombre. Mais le système électoral sénégalais, pour les législatives comme pour les locales, est tel qu’il ne reflète pas la réalité des forces en présence. Prenons le département de Dakar, vous avez 7 députés à élire. Sur 100 électeurs qui ont voté, une liste peut se retrouver avec 11 voix, une autre 9 et une avec 10. La liste qui arrive en tête remporte les 7 sièges, alors que le cumul des voix des autres listes dépasse largement celui du vainqueur. (…) L’un dans l’autre nous avons fait face à une coalition de plus de 80 partis et d’autres coalitions. Nous avons osé aller seul aux législatives et les Sénégalais nous ont donné le nombre de députés que nous méritons. Parmi nos alliés certains ont obtenu des députés. Donc, nous ne donnons pas une importance que nous n’avons pas, c’est la réalité telle que définie par les Sénégalais. 

Comment analysez-vous que le Pds soit sorti largement victorieux en 2007, alors qu’en moins de 7 ans, vous vous êtes retrouvés avec un total de 12 députés ? 

C’est facile à expliquer. Le Pds était au pouvoir et aujourd’hui les données ont changé. Ce qui est intéressant c’est qu’en 2007, une bonne partie de l’opposition avait boycotté, alors que le taux de participation était de 34%. Ces deniers soutenaient que l’Assemblée nationale n’était pas légitime, car le taux de participation était faible. Aujourd’hui, presque tous les partis politiques ont pris part à cette élection et le taux de participation n’a pas réellement évolué. La leçon qu’il faut en tirer est la suivante : si la 11ème législature n’est pas légitime, la 12ème aussi ne le sera pas, car le taux de participation est toujours faible. Il faut que nous soyons constants, cohérents et conséquents. Ce n’est pas parce qu’une position ne nous arrange pas qu’on doit la critiquer. Je ne remets pas en cause le système électoral, mais je suis d’avis qu’on doit le parfaire. Je milite toujours pour une élection des députés au scrutin uninominal à deux tours. J’estime qu’un député de Khombole ne doit pas être élu pas un électeur de Fongolembi. J’en parle depuis 10 ans et personne ne m’écoute. 

Après la proclamation des résultats provisoires, le Pds a déposé un recours pour contester les résultats à Dagana, Mbacké et Kébémer. Est-ce que le Pds ne voulait pas justifier sa débâcle ? 

Le fait d’évoquer ces localités prouve que nous y avons gagné. Pour ce qui est de Dagana, nous avons fait les investitures et le choix a été porté sur un certain Sow, pour diriger la liste départementale. Naturellement, ce dernier a choisi ses militants pour qu’ils siègent dans les bureaux de vote, dans toute la communauté rurale de Diama. Il faut préciser que lors du conseil interministériel de Saint-Louis, ce responsable a été reçu par Macky Sall. Qu’est ce qu’ils se sont dit ? En tout cas, notre tête de liste a transhumé vers l’Apr. En effet, les responsables de l’Apr, sachant qu’ils ont été battus dans tout le département de Dagana, ont fait un bourrage des urnes dans la communauté rurale de Diama, car ils avaient la certitude que le Pds n’a aucun représentant dans cette localité. Nous avons fait un recours pour contester ces résultats, parce que sur les registres d’émargement, il n’y avait pas de signature, ni d’encre indélébile pour ceux qui ne savent pas signer et, on y voyait la mention « a voté ». 

A quand le congrès du Pds ? 

Si tout se passe bien, ce sera vers le mois de décembre. On aura fini de vendre les cartes et renouveler les instances. 

Où en êtes-vous avec votre mouvement Carrefour Wade ? 

Hier seulement, nous étions en réunion à Thiès où nous faisions une journée d’études. Les membres de ce mouvement sont toujours prêts à m’accompagner dans le travail que nous avons commencé depuis deux ans. 

Wade n’a-t-il pas été abusé par ces nombreux responsables qui lui faisaient miroiter des millions d’électeurs ? 

Je pense que cette élection s’est passée d’une manière transparente. Macky Sall a été élu comme qu’aucun président ne l’a jamais été. Mitterrand disait qu’une élection présidentielle se gagne toujours sur des bases subjectives. Au Sénégal, si on devait le juger par son action et ses résultats, Wade ne serait jamais battu. Nous avons été battus sur d’autres terrains, celui qu’on avait sous-estimé et celui qu’on avait surestimé. Nous n’avons pas pris au sérieux les capacités de nuisance de ces lobbies qui se formaient au niveau internationale pour combattre Me Wade. Ces lobbies homosexuels qui avaient toujours demandé à notre président d’accepter la légalisation de l’homosexualité. Pis, ils voulaient faire de Saint-Louis une localité où ils venaient pour célébrer tranquillement leurs mariages avant de repartir chez eux. Personnellement j’ai eu la chance d’être présent en France, aux côtés du président, quand une Sénégalaise envoyée par des homosexuels était venue pour plaider cette cause. Et puis, les puissances occidentales, notamment la France, n’ont jamais pardonné à Wade le fait qu’il ait mis fin à ce diktat de l’armée française sur notre pays. Mais, surtout le fait que le port soit exploité par Dubaï Port Word au détriment de Bolloré, une puissance économique française. Il avait aussi théorisé la coopération sud-sud car avant Wade, les autres présidents sénégalais recevaient des instructions à partir de l’occident et s’alignaient souvent devant les positions de ces grandes puissances que se soit la France, les Usa ou ailleurs. C’est malheureux parce que ces lobbies ont trouvé du répondant au pays, même si les intentions sont différentes. De toutes les façons, ils avaient le même objectif : faire partir Wade. 

Et quel est l’autre élément que vous aviez surestimé ? 

L’élément que nous avions surestimé c’est l’influence de ce groupe, la capacité du Sénégalais lambda de comprendre que ce qui se passe au Sénégal est devenu un problème national. Ce n’était plus une affaire d’Abdoulaye Wade, ce n’était plus un Sénégalais qui avait en face de lui des forces occidentales qui le combattaient, non pas pour des raisons internes mais pour des raisons externes. C’est ce que j’ai appelé le Sénégalais lambda à qui on dit qu’il faut descendre à la place de l’indépendance parce que Abdoulaye Wade veut donner le pouvoir à son fils, alors que celui qui le dit sait que ce n’est pas vrai. Mais, il faut toucher la corde sensible des Sénégalais lambda sur ce combat qui n’en est pas un. Et c’est ça que nous avons surestimé. Les enjeux n’étaient pas nationaux, et la preuve nous a été donnée par les accords de défense entre le président Macky Sall et le gouvernement français. Je prends l’exemple sur le retour des bases militaires françaises. Prenez aussi l’exemple du parc de Hann qui va être donné aux militaires français. Et, c’est là où j’ai un problème avec la gauche sénégalaise. Je l’ai toujours dit : ceux qui se réclame de la gauche sénégalaise sont tous issus du PAI (Parti Africain pour l’indépendance) dirigé à l’époque par les Majmouth Diop, les Seydou Cissokho et autres. Ensuite Amath Dansokho, feu Sémou Pathé. Ce PAI qui disait toujours « mom sa rèw », « bokk sa rèw », « défar sa rèw ». Ce PAI qui luttait pour l’indépendance de l’Afrique en général, s’opposait au diktat des français, est devenu le Pit maintenant et ses dérivés, les « And Jëf », Jëf/Jël…C’est tous ces partis qui, avec Macky Sall, travaillent pour le retour des français au Sénégal. Ça pose un problème de conscience et d’engagement politique. Pourtant c’est ce même Abdoulaye Wade qui est parti à Benghazi et d’aucuns disent qu’il l’a fait pour les beaux yeux de la France… Je ne pense pas. J’ai eu la chance d’être aux côtés de Wade quand il a eu une conversation avec Kadhafi sur la question. J’étais à Thiès le samedi pour une rencontre qui devait durer 2 jours et le dimanche matin, je me souviens bien, j’étais au champ de course quand le président m’a appelé pour me dire « il faut être à Dakar à 13 heures 30 minutes car je dois avoir une conversation téléphonique avec Kadhafi ». Et le discours de Wade à été le suivant : « tel que je vois les choses évoluer, tu ne peux pas t’en sortir. Laisse les Libyens organiser une élection transparente ; choisit un candidat si tu veux et tu les laisse organiser des élections que tu supervises ». A une question relative à la Cour pénale internationale, Wade lui a dit : « je peux en parler à la minute près avec Sarkozy, maintenant que rien n’est encore déclenché, on peut tout sauver. Mais si la procédure est déclenchée, ça ne sera pas possible ». Kadhafi a répondu qu’il était hors de question de démissionner et d’organiser des élections. Il est resté sur sa position parce que l’écrasante majorité des libyens étaient avec lui. Le président Wade a dit : « je vais lui donné un signal fort. Je vais me déplacer jusqu’à Benghazi ». Et ce que beaucoup de gens ignorent, c’est que la relation entre les deux hommes était très poussée. Malheureusement, il n’a pas réussi à sauver la situation. C’est cette situation qui s’est déroulée en Côte d’Ivoire et qui risquait de se produire au Sénégal. Au 2ème tour de l’élection, si Wade avait gagné avec 51% le pays allait exploser. Le retour est là car vous avez vu les accords qui sont tenus avec les français. Quand la question de la légalisation de l’homosexualité a été soulevée, quelle a été la réponse du Président Macky Sall ? Il a dit que c’est une question qu’il faut régler avec intelligence mais aussi avec la réalité du monde moderne. 

Selon le ministre du Budget les caisses de l’État étaient bizarrement vides quand Macky Sall prenait le pouvoir. Quel commentaire cela vous inspire, en relation avec ces milliards qui auraient été détournés et placés dans des paradis fiscaux ? 

Ce ministre qui avait dit que les caisses sont vides doit retourner sa langue 7 fois avant de parler. C’est lui qui a dit que l’augmentation du prix de l’électricité ne concerne pas la banlieue et le monde rural. Quelle grosse bêtise ! Quand il a dit que les caisses de l’État sont vides, je me suis dit qu’il ne connaît pas ce qu’est un budget. (…) Comment on peut dire, dès le mois de mars, que le budget à été consommé. Je me suis dit qu’il s’est trompé et depuis lors il ne s’est plus prononcé sur ce sujet. Les caisses qui étaient bizarrement vides, comme vous le dites, sont devenus bizarrement remplies. En parlant de l’énergie il y a un mois de cela, j’ai dit sur le plateau de Walf à l’émission « Opinion », que selon mes informations, le Sénégal va appliquer ce que Wade a toujours refusé en 2009. Dire que l’augmentation concerne les populations riches c’est de l’arnaque car cela a toujours existé. Allez demander au niveau de la Senelec. C’est toujours les gros consommateurs qui payent le plus. Si la consommation est basse, le taux est faible, et maintenant quand vous avez une consommation élevée, on considère que vous avez les moyens de payer. C’est de l’arnaque qu’on est en train de nous dérouler. 

Dire que la banlieue et le monde rural ne vont pas payer, veut-il dire qu’ils n’ont pas des réfrigérateurs, des climatiseurs ? 

Celui qui le dit ne connaît absolument rien de ce qu’il dit. On ne peut pas être ministre des Finances ou du Budget sans connaître les réalités sociales du pays. Mais l’autre conséquence, en suivant son raisonnement, c’est que les gros consommateurs de l’électricité ce sont les usines, les boulangeries, alors si le prix augmente de 40% vous pensez que ces gens vont accepter de supporter cette perte ? 

Ces pertes vont se répercuter sur le prix des denrées. En conséquence, les prix vont flamber. Quand on gouverne il faut avoir le courage de dire la vérité, c’est mieux que de jouer à cache-cache. Tout le monde est intelligent, tout le monde est informé. La vérité c’est que les prix vont augmenter, la vérité est que le gouvernement a cédé devant le diktat du Fonds monétaire international. Vous avez suivi le ministre de l’Agriculture qui a dit qu’il faut supprimer la subvention qui est de 15 milliards et cet argent va être supporté par les paysans sénégalais. Cela aura comme conséquence l’augmentation du prix des denrées, et dans tous les secteurs il y aura des problèmes. La gestion de ces crises dépend de la capacité de négociation du gouvernement. C’est la raison pour laquelle je ne souhaite pas qu’il y ait des problèmes car quand si c’est le cas, ceux qui nous dirigent seront les moins touchés. Nous souhaitons qu’il y ait la paix. 

Que pensez-vous de ce compagnonnage entre le président et ses alliés, à qui il a suggéré de « gouverner ensemble » après avoir « gagné ensemble » ? 

Gagner ensemble et gouverner ensemble ne veut rien dire. Les Sénégalais n’ont pas élu une coalition, ni un parti politique mais un homme. Les souteneurs de Macky Sall le taxaient de traitres dans toutes les rues de Dakar. Ils le taxaient de traitre du M23. Quand ces camarades étaient à la place de l’indépendance, il était à l’intérieur du pays en train de battre campagne. Ils étaient ses adversaires. Seul le président est élu et c’est lui qui rend compte. Je ne suis pas rassuré de cette coalition avec les actes qu’ils posent. Il est inadmissible qu’un parti minoritaire dirige l’Assemblée nationale. Dans le contexte actuel, si nous voulons sauvegarder la stabilité institutionnelle, le président de l’Assemblée doit être issu de l’Apr. Car il a 65 députés, le reste est partagé avec les autres. Par principe, dans tous les pays du monde l’exécutif a une assemblée de cette obédience. Là où tel n’est pas le cas, ils se battent pour rectifier le tir. L’Assemblée doit avoir les mêmes objectifs que l’exécutif, sinon nous allons droit au mur. Vous avez vu les actes posés par Ousmane Tanor Dieng. Le parti socialiste a réussi à avoir une vingtaine de députés à l’hémicycle. C’est un parti qui a réussi à installer ces cadres dans les directions nationales. Et Ousmane Tanor Dieng a dit qu’il ne siège pas à l’Assemblée nationale, je salue cet acte de haute portée. Quand on lui parle de présidence de l’Assemblée, il dit de ne pas le mêler à ce débat. Quand j’analyse cela c’est quelqu’un qui veut être président de la République du Sénégal. A côté de lui il ya quelqu’un qui veut être président de l’Assemblée nationale, qui n’est pas de la même formation politique, mais qui est un ancien socialiste. Cela risque de créer une crise institutionnelle. 

Auront-ils le temps de vivre ces anomalies au moment où le président de l’Assemblée nationale est élu pour un mandat d’un an ? 

Même si le mandat est d’un an. Est-ce que ce n’est pas pour cinq ans – cette question n’est pas encore réglée – on a le temps d’installer une crise. Même un mois de crise dans une institution c’est grave. On ne cherche pas à installer une crise mais elle vient d’elle-même. Niasse avait boxé Djibo Ka dans une réunion, pourtant ce n’était pas prévu, il a réagi par son tempérament. Une infime minorité ne peut pas diriger l’Assemblée. Les Sénégalais ont élu Macky Sall et lui ont donné la majorité. 

Que pensez-vous des mesures prises par Macky Sall durant ses cent premiers jours d’une gouvernance à la fois « bonne et sobre » ? 

Il avait promis un gouvernement de 25 ministres, le nombre est raisonnable mais il l’a dépassé. Les promesses sont des promesses. Je souhaite qu’il y ait plus de cinq mille emplois. Mais, les salaires des directeurs généraux ne devaient pas être réduits. La création d’ambassades et de consulats est une demande forte des Sénégalais. Dans la conception de Wade, la représentation diplomatique a une fonction économique. Les ambassades travaillaient d’arrache-pied pour leur pays, ils amenaient des fonds. Ce n’est pas du gaspillage. Ils nous permettaient d’avoir de l’argent et des investissements. (…) Pour la bonne gouvernance, c’est la presse qui nous apprend que certains dignitaires du nouveau régime sont déjà épinglés. Le ministre du Transport utilise une autre classe pour voyager. Il fait payer des factures de téléphone qu’il avait consommé avant d’être ministre. Le directeur du Bsda a multiplié son salaire. En tout cas, ce n’est pas ça la bonne gouvernance. C’est un regret. 

Des directeurs généraux ont été épinglés par des audits commandités par Wade. Et Macky Sall compte déclencher ses propres audits. N’avez-vous pas des appréhensions quant à l’avenir de certains dignitaires de l’ancien régime ? 

Être aux commandes et commanditer des audits pour vos ministres, il faut être courageux pour le faire. Les audits sont une chose banale. Cela se faisait au niveau interne. Un dossier dépend de celui qui le gère. On peut estimer que le fonds a été utilisé dans des choses inutiles. Nous soutenons les audits mais qu’ils se passent de manière normale. On vous donne l’occasion de répondre. Le porte-parole du gouvernement a dit que certains dossiers sont classés sans suite, c’est par ce qu’il n’y a rien à dire sur ces dossiers. C’est bien d’auditer quelqu’un. Mais il y a une manière de le faire. Il ne faut pas faire du tintamarre pour les audits. Les populations ont une compréhension des audits. 

Que pensez-vous de la loi sur l’enrichissement illicite qui est dépoussiérée, parallèlement aux audits ? 

La loi sur l’enrichissement illicite est mauvaise. Je ne me suis pas enrichi, donc je suis à l’aise pour en parler. Elle viole la liberté de l’individu. J’ai vu un avocat qui s’est levé pour combattre cette loi. Nous avons vu que ce n’est pas une loi sur l’enrichissement illicite car on vous convoque pour vous demander ce que vous avez. Quand vous allez à l’extérieur et que vous gagnez de l’argent votre premier réflexe sera d’investir dans votre pays. Si vous savez qu’en investissant vous serez arrêté, vous n’allez pas le faire. Cela freine l’investissement dans un pays. Si vous déposez de l’argent, la banque fait un rapport et on vous convoque. Quand le président a fait sa déclaration de patrimoine, ils ont dit qu’on lui a offert ses biens. Ce n’est pas la même chose. Il y a des suspicions sur des gens qui n’avaient rien en 2000 et qui aujourd’hui possèdent beaucoup de richesses… Si tel est le cas, Macky Sall est dans ce lot. S’il a autant de fortune il doit le justifier. Mais encore une fois, je pense qu’il faut arrêter ce débat, arrêter de parler de nouveaux riches. Nous sommes tous nés pauvres et nous allons mourir pauvres. Si Tanor (Ousmane Tanor Dieng) n’a pas été ce qu’il a été, il ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui. C’est valable pour Niasse et d’autres. La richesse d’un citoyen bénéficie à son pays. Tous les compagnons de Senghor sont restés pauvres car ce dernier contrôlait tous leurs biens. Il demandait comment est ce que ses compagnons ont fait pour l’obtenir. Ce qui le différencie de Houphouët Boigny. Tous ceux qui les ont approchés disent que quand on demande à qui appartient une belle villa, si on répond que c’est un ivoirien, Houphouët répond : c’est formidable. Senghor quand il vous voit avec un vélo, il demande à ce qu’on enquête pour savoir comment vous avez fait pour l’avoir. Ce qui fait que tous les compagnons de Senghor ont été pauvres à la fin. Il faut être très prudent avec ses questions d’audits. Vous vous en souvenez parce que vous étiez là. En 2000 avant l’alternance Djibo Ka était accusé d’être parmi les plus riches de ce pays. On avait même dit qu’il a construit des cités en Côte-d’Ivoire. Et quelques mois après l’alternance une banque a failli saisir sa maison. On a dit que j’ai construit une maison aux Almadies à 100 millions – encore que 100 millions ce n’est rien du tout – mais ce n’est pas vrai. 

Que pensez-vous de la nomination du nouveau directeur général de la Senelec et du tollé qu’elle a soulevé ? 

Je disais tantôt que le Ps est en train de tisser sa toile. C’est un pion dans le dispositif de Ousmane Tanor Dieng. Celui qui est nommé, je ne crois pas qu’il puisse réussir sa mission. Il y a un éternel débat qui est posé et qui n’est pas encore tranché. Est-ce qu’il faut nommer quelqu’un dans son corps d’origine ? C’est-à-dire est ce qu’il faut prendre un magistrat pour en faire un ministre de la Justice ou prendre un enseignant pour en faire un ministre de l’Éducation etc. (…) Le ministre Karim Wade a fait un excellent travail dans ce département de l’énergie. Le plan Takkal a été mis en branle. Avec un coût trop élevé disent les experts… Le coup n’est pas important. L’essentiel est qu’on nous fournisse de l’énergie. D’ailleurs, le nouveau ministre de l’Énergie, au cours d’un séminaire, avait dit que le plan Takkal est bon, il faut le maintenir. Certainement pour des raisons politiques, on lui a signifié qu’il a trop dit et qu’il veuille maintenant revenir en arrière. Vous êtes toujours le porte-parole de l’ancien président de la République. Jusqu’à quand comptez-vous assurer cette mission ? 

Jusqu’au moment où lui-même décidera qu’il ne veut plus de porte-parole. Quelles que soient mes activités, je resterai à ses côtés. Je continuerai à le servir aussi longtemps qu’il le voudra. Il m’a beaucoup donné et je lui dois tout.
 


 

L'office
Samedi 21 Juillet 2012 - 12:26
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