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*Autour et alentour des résultats du baccalauréat ; Baudelaire de nouveau, Mallarmé enfin !

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cultureOn a beaucoup - pour ne pas dire tout - écrit sur les mauvais résultats du Baccalauréat depuis plusieurs années : gouvernement, enseignants, parents d’élèves ont, tour à tour ou à la fois, été incriminés dans ce qu’on appelle communément la «  baisse de niveau »  des candidats au premier grade de l’enseignement supérieur.  

Je prends la responsabilité d’avancer une thèse qui ne plaira pas à tous mes collègues et pourrait être perçue comme une pierre jetée dans le jardin de mon ami Mamadou Ndoye, en ses louables efforts de développement de l’enseignement des langues nationales ; je prétends que la « baisse de niveau » s’explique, essentiellement, par le recul de la langue française dans notre société et dans notre enseignement. Ce recul ne s’exprime ni en crédit horaire, ni en ruine du prestige encore attaché au maniement de la langue de Molière : c’est plus grave que tout cela. J’affirme, en tout connaissance de cause, que nous professeurs de lettres, n’avons plus le niveau requis pour enseigner cette langue d’élégance et de délicatesse pour parler comme le président Léopold Sédar Senghor.

 

Il se trouve une raison principale à cela : c’est que sous le prétexte légitime d’« africaniser » les programmes scolaires, on s’est contenté de les « négrifier » : ainsi pour ne pas parler des autres disciplines, et nous en tenir au seul problème en considération, l’on a profondément substitué à la littérature française ce que l’on appelle « une littérature africaine d’expression française ». On s’est dépêché d’installer des auteurs africains à la place de ceux qui patiemment, laborieusement, ont constitué la littérature française depuis bientôt cinq siècles.
 
Je n’ai rien contre Mariama Ba ou Aminata sow Fall. Birago Diop, Olympe Bhely Quenum et Camara Laye sont certainement de bons écrivains. Boris Diop est à mon avis, le romancier le plus doué de sa génération. Mais aucun d’entre eux ne saurait remplacer Colette, Lamartine ou Châteaubriand ; tous, réunis, ne pourront jamais écrire comme Du Bellay, Musset, Vigny ou Proust. Mes ainés ont étudié la langue française et sa littérature dans le Castex et Surer ; ceux de ma génération ont formé leur goût littéraire dans le Lagard et Michard. Nos cerveaux et nos cœurs résonnent encore de belles tirades des fameux Classiques dont l’étude méthodique et progressive – des fables de la Fontaine à Ester Cinna, ou Attali – a rythmé notre longue marche vers la littérature contemporaine, nous ouvrons la voie à la littérature mondiale.
 
J’ai eu à introduire un cours sur le stoïcisme par les célèbres vers de la mort du loup. J’ai eu à « convoquer » le pardon d’Auguste pour introduire un cours de morale. Mes élèves applaudissaient d’admiration pour leur professeur qu’ils croyaient, naïvement, être l’auteur de ces extraits : j’en étais navré. Que de fois, mes collègues professeurs de lettres modernes ou classiques, par moi sollicités, pour situer, avec précision, un vers d’une des Nuits de Musset, ont pour toute réponse, écarquillé les yeux et sifflé d’admiration pour ce « prof de philo » qui mettait, ainsi, à nu leur ignorance : j’en étais chagriné.
 
Pour qu’un élève puisse traiter quelque sujet de quelque discipline de quelque série que ce soit - des mathématiques à l’histoire en passant par les langues, sans parler de la philosophie - faut-il encore qu’il comprenne les termes dans lesquels les questions lui sont posées !
 
Pour le moment - et en attendant que mon ami Mendoza arrive à imposer les langues nationales comme langue d’enseignement, et l’une d’entre elles comme langue officielle - c’est dans la langue de Vaugelas que sont formulés les sujets du Baccalauréat.
 
Ma surprise fut grande et ma joie immense, quand Président d’un jury du baccalauréat de cette année, ouvrant les enveloppes contenant les sujets de français - qui avaient cessé de m’intéresser tant ils étaient « nuls » - je remarquai qu’on ne demandait plus aux élèves de discourir sur des contes, légendes ou autres rituels de la société africaine. Aucun « nègre » n’était « sorti ». C’étaient, entre autres auteurs français de France. Ronsard et Mallarmé qui sollicitaient la réflexion des jeunes potaches. Le texte de Mallarmé, en particulier, faisait intervenir des solides connaissances en rhétorique et en poétique.
 
L’un de mes jeunes amis, féru de lettres françaises, à qui j’avouai que ne n’aurais pas eu le moyenne à cette épreuve me répondit « je me serais rattrapé dans les questions générales ». Tous les deux  avions l’excuse de l’« oubli » et la consolation de pouvoir dire « nous savions pourtant ». Mais est-il évident que tous mes collègues de lettres auraient  eu la moyenne ? Auraient-ils seulement le prétexte du « ce qui reste quand on a tout oublié » ? Pour tout dire ont-ils jamais «su » ?
 
De grâce, laissez les « nègres » à l’école élémentaire et rendez nous notre Lagarde et Michard. Pour que le grain ne meure ! 
 
Moctar DIACK
Professeur de Philosophie
Président d’un Jury du Baccalauréat
 
 
*Ce texte a été rédigé en juillet 1993… il y a plus de vingt ans.
 
SOURCE:http://www.sudonline.sn/autour-et-alentour-des-resultats-du-baccalaureat--baudelaire-de-nouveau-mallarme-enfin-_a_20515.html