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Le Sénégal est-il une planète inhabitable pour ses ex-Présidents ?

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Babacar Justin NdiayeUn ancien Président de la république est-il automatiquement déclaré persona non grata sur le sol sénégalais ? Officiellement : non. Réellement : non, mais… c’est-à-dire une réponse normande qui se traduit par des absences prolongées et des présences furtives des anciens chefs d’Etat. Le constat est d’autant plus gênant qu’il masque mal la singulière pathologie d’une démocratie électoralement performante (alternances impeccables) mais politiquement ankylosée sur la présence et la place des anciens dirigeants dans le pays. 


On est là en face d’un énorme paradoxe. La démocratie saluée, complimentée, magnifiée et vantée est aussi un système inhospitalier qui est enclin à exporter méthodiquement ses bâtisseurs et/ou ses promoteurs écartés par le suffrage. A l’issue du scrutin fatal, le vainqueur félicité ne chasse pas ouvertement le perdant plein de fair-play. Mais il envisage secrètement ou il rêve fortement d’une série d’exils : exil doré (responsabilité internationale, consécration académique) ou exil bucolique (beau jardin dans une belle villa de Versailles). Suivez mon regard ! Tout se passe comme si la perspective d’un éloignement du prédécesseur, hors des frontières, est toujours plus chantante et plus rose pour le successeur que l’inverse. 

Les résultats de cette pathologie sont historiques au sens peu reluisant et peu flatteur du terme. Le Président Léopold Sédar Senghor a fait son entrée à l’Académie française ; tandis que le Président Abdou Diouf a pris le relais de Boutros Ghali, à la tête de la Francophonie. Quant au Président Abdoulaye Wade, son retour et son séjour sont des sources d’aberrantes tensions dans une démocratie aussi adulte que celle du Sénégal. 

Certes, les trois cas ne sont pas identiques comme trois gouttes d’eau, mais ils cabossent tous l’image du pays et révèlent la fragilité cachée voire intrinsèque d’un système politique aux dehors vite rassurants et séduisants. Car, il s’agit d’une situation qui rétrograde le Sénégal derrière les Seychelles, Maurice, le Cap-Vert et le Botswana etc. où les anciens Présidents de la république déambulent dans les supermarchés et les jardins publics. Ils voyagent à l’étranger et rentrent régulièrement sans faire la « une » des médias, ni mobiliser des escadrons de gendarmerie et des fourgonnettes de police. 

Comme on le voit, ce n’est point une affaire de Wade, de Karim, de traque et de CREI. Abdou Diouf – réputé allergique au grand froid – brave péniblement la neige abondante et le temps maussade, loin du soleil sénégalais qui profite aux retraités français devenus habitants de Saly ou de la Somone. Gouverneur de région à 23 ans, Ministre, Premier ministre et Président, Abdou Diouf (homme d’Etat né au Sénégal et époux d’une dame née au Sénégal) aurait dû et pu rester dans son pays, à l’instar de son homologue et voisin Pedro Pirès du Cap-Vert. Quelle est la contrainte mystérieuse qui l’a fixé à Paris ? C’est, bien sûr, le fameux et fumeux souci de ne pas gêner son successeur. Même chose pour Senghor dont les rares et brèves apparitions donnaient un supplément de travail à Jean Collin chargé de surveiller les va-et-vient des Magatte Lo, Amadou Cissé Dia, Alioune Badara Mbengue et autres barons du Parti Socialiste, clairement mécontents de l’application de l’article 35.   

Comme quoi, la vraie rupture est celle qui ensevelit les mœurs politiques lourdement lestées de frilosité insensée. Il est évident – en dépit de toutes les gesticulations nerveuses ou théâtrales – que Maitre Abdoulaye Wade n’est pas Ahmadou Ahidjo, auteur d’une tentative (ratée et sanglante) de retour au pouvoir. Tout comme Macky Sall n’est pas Paul Biya qui refuse encore et toujours le transfert des cendres de son prédécesseur au Cameroun. Le Sénégal a son peuple ; et ce peuple a son génie qui doit le hisser à la hauteur des nations qui n’exportent pas leurs anciens chefs d’Etat. Pourquoi alors la persistance de ces mœurs démocratiquement au rabais ? 

Par-delà l’image du Sénégal, c’est la dignité africaine qui est en jeu. Peut-on admettre continuellement que les ex-dirigeants du continent aillent inévitablement au cimetière, en prison ou en exil, même volontaire ? La voie opposée n’est jamais empruntée : les anciens Présidents, Chanceliers et autres Premiers ministres d’Europe et d’Asie ne viennent jamais vivre en Afrique. Quant à l’Amérique Latine, terre anciennement fertile en coups d’Etat, elle n’exporte presque plus ces anciens Présidents, hors des limites de l’Amérique du Sud et de l’Amérique centrale. La plupart d’entre eux sont en liberté ou en jugement sur place. Ce fut le cas emblématique du dictateur Pinochet avant sa mort. Inutile de rappeler que les ex-Présidents français Giscard d’Estaing, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy sont respectivement sénateur et citoyens dans l’Hexagone.    
  
Le plus tristement surprenant dans la condition équivoque des trois ex-Présidents du Sénégal – officiellement les bienvenus chez eux ; mais officieusement non encouragés à rentrer –  renvoie à la Constitution (sur laquelle ils ont tous prêté serment) qui prévoit un abandon d’une parcelle de la souveraineté nationale au profit d’une Afrique fédérée. Curieusement, Senghor (chantre de la Négritude) Diouf et, surtout,  Wade (auteur d’un fabuleux Destin pour l’Afrique) ne sont pas allés, après l’effacement du pouvoir, vivre à Addis-Abeba, Kampala ou Tunis. Paris avant Pretoria. La Corrèze avant le Zambèze. Triste !   

SOURCE:http://www.dakaractu.com/Le-Senegal-est-il-une-planete-inhabitable-pour-ses-ex-Presidents_a65839.html