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Sénégal - Réflexion sur les méthodes totalitaristes sournoises du régime de Macky Sall

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Macky-Sall-

L’OBS – « …si le régime tout entier et jusqu’à vos non violentes pensées sont conditionnés par une oppression millénaire, votre passiveté ne sert qu’à vous ranger du côté des oppresseurs » J. Paul Sartre, Préface à Franz Fanon, Les Damnés de la Terre)

 

Dans les lignes qui suivent nous tentons de comprendre comment s’est-il fait qu’avec le régime de Macky Sall « ce qui reste à accomplir » soit toujours supposé « acquis » ? Comment le renversement du temps et de la réalité a permis de fermer l’œil de la sagesse et d’enfermer l’esprit critique des intellectuels ? Dans la mécanique démocratique actuelle, la fonction critique de l’intellectuel est dissoute dans une délibération permanente mais frivole dont les termes, les mots et les formes empêchent toute véritable dissonance (défaut d’harmonie). Les catégories de la pensée sont capturées, domestiquées et cadenassées dans une vulgate populaire appauvrie et standardisée. Il n’est dès lors pas facile d’avoir une posture critique contre le système : le conformisme devient un dogme impossible à vaincre. Dans les débats à la radio et à la télévision tous les points de vue « se valent » : une opinion absurde et bornée a le même droit qu’une pensée intelligente ; le sage et le fou ont le même respect, les idées de propagande et la vérité ne sont plus discernées. Nous en sommes encore aux mêmes travers qu’à l’époque de la démocratie athénienne : la démocratie est la sphère où chacun se dit compétent pour parler de tout. Chacun dit « je pense » et la seule règle est la popularité ou le suffrage universel. On comprend le désarroi d’un personnage comme Socrate dans un tel univers : il est aussi absurde de soumettre la vérité au suffrage universel (exemple soumettre un problème mathématique au vote) que de faire de la popularité un critère de compétence ou de véracité. En fait, quand tout le monde parle et dit « c’est moi qui sait », celui qui triomphe sera tout simplement le plus habile, c’est-à-dire l’orateur ou le stratège médiatique (communicant) qui sait retourner la foule : le vrai démagogue. Dans ce grand verbiage démocratique que les médias ont transformé en culte (débats politiques et interviews), toutes les opinions sont tolérées et les vrais problèmes sont généralement occultés. Dans la même séquence d’un documentaire ou d’un reportage sur une actualité politique, par exemple, les avis du pseudo politologue sont mis en parallèle avec celui du professeur d’université ou de n’importe quel saltimbanque. La mise en scène du débat l’emporte ainsi sur le débat lui-même ; la forme « démocratique » du débat prend le dessus sur le fond démocratique. Cette astuce consiste, dans une démocratie totalitaire comme la nôtre (nous vivons une tyrannie de la majorité) à créer un état d’esprit qui confond « le vrai et le faux, le juste et l’injuste, l’information et l’endoctrinement [2]». Ainsi les citoyens deviennent de simples consommateurs : ils se déterminent, non en fonction de la vérité et de la connaissance, mais en fonction de la popularité ou plutôt de la « médiatité » des protagonistes. L’Imam Ghazali, à la suite de l’Imam Ali, disait que « c’est là le tort des esprits faibles : ils ne reconnaissent la vérité que dans la bouche de certains hommes au lieu de reconnaitre les hommes lorsqu’ils disent la vérité ». La plupart des hommes expliquent Ghazali, admettent un propos, même faux, s’il est tenu par quelqu’un qu’ils apprécient, tandis qu’ils n’en veulent pas, même vrai, dans la bouche de ceux qu’ils n’aiment pas. On comprend dès lors pourquoi le candidat Macky Sall a tout fait pour s’attacher les services du grand prédicateur Oustaz Alioune Sall durant la campagne électorale. Il a réussi à l’enrôler pour une conférence pour la diaspora non parce qu’il avait l’intention de s’inspirer de ses préceptes, mais simplement parce qu’il sait que cet homme est en lui-même un label. Et, en tant que label, il charrie sur Macky Sall l’image positive qui est la sienne. Le conditionnement des esprits auquel nous assistons aujourd’hui est d’une sournoiserie difficile à démêler : des expressions nouvelles et extrêmement violentes envers les adversaires comme « nouveau type de Sénégalais », « gouvernement sobre et vertueuse », « la patrie avant le parti », « reddition des comptes », « enrichissement illicite », etc. inondent notre univers sémantique. Marcuse explique que dans le système de la tolérance répressive, « la signification des mots est rigoureusement stabilisée. Chercher à persuader rationnellement dans le sens de l’opposition, est tout à fait exclu. Les voies d’accès sont fermées à la signification de mots et d’idée différents de ceux qu’a établis la publicité des autorités constituées et dont l’emploi a été mis à l’épreuve. ». Á travers cette standardisation du sens des mots, la presse alliée du système, organise le débat pour davantage ancrer le système et le perpétuer : c’est une forme de répression qui défavorise l’opposition en lui offrant des possibilités restreinte d’expression, étant donné que le langage est standardisé. L’exploitation du discours de Wade lors du meeting du PDS et de ses alliés illustre parfaitement les méthodes sournoises de la tolérance répressive. Dans ce meeting des déclarations très importantes ont été habilement occultées dans l’onde des propos anecdotiques de Wade sur la tenue d’élections anticipées. Wade a dit qu’il soutiendrait le candidat de l’opposition qui arriverait en tête (on sait que même l’AFP pourrait avoir un candidat), il a surtout insisté sur l’affaire Mittal et sur celle de l’exploitation du pétrole ; Pape Diop a lancé un appel à l’endroit d’Idrissa Seck ; le fait même que l’opposition ait réussi cette exceptionnelle mobilisation, etc. : tout ceci a été habilement rangé au second plan. Bref, beaucoup de choses intéressantes pour la démocratie et la bonne gouvernance ont été exprimées lors de ce meeting, mais la presse se focalise sur le sensationnel et les jeux sont faits. La tolérance (au sens de respect de la différence) est devenue un instrument de l’intolérance : comme les « criminels » d’hier sont invités à la même table que les vainqueurs, c’est là une preuve de générosité et de tolérance. Une telle invitation contribuerait à occulter les dérives antidémocratiques manifestes du régime et les vrais problèmes du pays, mais comme Wade n’est pas un manchot en politique, il a très tôt flairé le piège. Le danger de cette forme de répression douce est que le jour où les populations seront conscientes que les médias sont devenus des instruments au service d’un système, ils vont leur tourner le dos et investir le seul vrai média : l’homme. Quand l’homme va directement vers l’homme sous forme de causerie, de forum politique ou de banquet, la communication devient plus vivante et plus forte. Par dizaine, puis par centaine et finalement par milliers, ils vont se faire une opinion qui n’a pas besoin de l’establishment politico-médiatique pour faire face au système. La tolérance répressive est en marche dans ce pays et tout contribue à la légitimer à l’avance avec une substitution de problème par le fétichisme de la communication. En réalisant un unanimisme ou un consensus artificiel sur des faux problèmes on cache ses carences et occulte ses crimes. Ainsi leaders de l’opposition, de surcroît d’anciens ministres et des députés, ont été, dans ce pays, interdits de sortie de territoire sur aucune base légale sans que les intellectuels organiques du système n’en fassent un problème démocratique : cela n’existe dans aucun pays au monde ! On a travesti la notion banale et normale de « reddition des comptes » en pratique sournoise et illégale de « traque des biens mal acquis » sans que les intellectuels ne s’aperçoivent de l’énorme supercherie. On a usurpé au peuple sa demande de bien-être pour la manufacturer sans vergogne en instrument de vengeance. On a transformé la richesse en crime et l’indigence en vertu : des intellectuels l’ont consommé ! On a créé le concept creux et dangereux d’enrichissement illicite pour masquer l’impuissance à prouver les crimes dont on accusait ses adversaires politiques : des intellectuels l’ont validé ! On a tellement instillé la haine dans les consciences et dans les cœurs que prononcer le nom de Wade est quasiment devenu tabou ; que reconnaître ses qualités est un crime ; que faire preuve de neutralité ou du moindre doute est devenu synonyme de lâcheté.  On a tellement fantasmé sur les crimes économiques du régime libéral que s’indigner d’une loi et d’une cour comme la CREI c’est trahir la volonté populaire : des intellectuels l’ont accepté et légitimé !  On a circonscrit la notion d’enrichissement illicite dans le temps et dans l’espace politique : alors que la loi devrait être de portée générale et impersonnelle. Cela veut dire qu’on a créé une loi et une cour pour un groupe de personnes : une infamie juridico-politique qui n’a rien à envier à l’Apartheid ! Un fait intrigant n’a pas été remarqué dans les rangs de l’APR : on y retrouve tout ce que barreau de Dakar compte comme avocats impopulaires ! Parce qu’ils sont d’habiles répétiteurs et des rhéteurs de circonstance, ils sont chargés de répéter et de faire répéter comme des perroquets des formules et des dogmes politiques du genre « gouvernance sobre et vertueuse », « le Président est un homme de paix et de courtoisie », « le pilage systématique des ressources du pays », etc. A côté de ce bataillon destiné à l’a-raisonnement de la pensée dans la sphère politique, il y a une cohorte de journalistes qui ont rapidement compris que le journalisme sans conviction était la voie la plus rapide pour s’enrichir sans mérite et, surtout, sans risque. Ainsi avec Macky Sall le mensonge est devenu une industrie doublement fructueuse : abolir ou affaiblir toute forme d’altérité et faire fonctionner une certaine presse. La tolérance répressive croit perpétuer l’oppression en invoquant, de façon quasi religieuse l’autorité de la loi : « force restera à la loi », « les institutions fonctionnent normalement », « l’État veillera au maintien de l’ordre ». Á cet argumentaire standardisé il faudra désormais opposer cette réflexion de Herbert Marcuse : « La loi et l’ordre demeurent toujours et partout la loi et l’ordre qui protègent la hiérarchie établie, c’est donc une absurdité que d’invoquer l’autorité absolue des lois et de l’ordre contre ceux qui en souffrent et les combattent, non pour des avantages ou des vindictes personnels, mais parce qu’ils veulent vivre humainement[3] ».

 

 

Alassane KKITANE, professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack de Seck.

[1] Cet article est largement inspiré de la « Tolérance répressive » de H. Marcuse, In Robert Paul Wolff, Barrington Moore, Herbert Marcuse, Critique de la tolérance pure, Didier, Paris, 1969.

[2] Cf Marcuse.

[3] Ibid.

source:http://www.gfm.sn/reflexion-sur-les-methodes-totalitaristes-sournoises-du-regime-de-macky-sall/