Account
Please wait, authorizing ...
Not a member? Sign up now
×

Sidebar

11
Sam, Mai
0 Nouveaux Articles

Me Pape Khaly Niang de l’Asp: « Une sécurité fondée sur la citoyenneté et la proximité est en train de naître »

INTERVIEWS -PERSONNALITÉS
Outils
Vos reglages
  • Plus petit Petit Moyen Grand Plus grand
  • Default Helvetica Segoe Georgia Times

Fast backlinks and Guest-post hosting

Khaly Niang Dg AspAvocat, Docteur en droit et science criminelle, président de l’Académie internationale des hautes études de la sécurité (Asp), le directeur de l’Agence d’assistance à la sécurité de proximité, Papa Khaly Niang, s’y connaît bien en matière de sécurité. Invité  du Soleil, il a été reçu par le directeur général Cheikh Thiam en compagnie du coordonateur de la rédaction Ibrahima Mbodj. Il revient largement sur les motivations qui ont poussé le chef de l’Etat à mettre en place cette agence, sur les missions et les perspectives de celles-ci.

M. Niang, pourquoi le Chef de l’Etat a senti le besoin de mettre en place l’Agence d’assistance à la sécurité de proximité (Asp) ?

Lorsque le président de la République a fait le tour du Sénégal pendant sa campagne électorale, il a constaté le manque de sécurité dans ce pays. Et comme vous pouvez vous-mêmes le constater, on assiste à une mutualisation de la sécurité. C’est-à-dire que nous tous, dans nos quartiers, nous cotisons pour payer des gardiens qui veillent à notre sécurité. De même, avec la prolifération des sociétés privées de sécurité et de gardiennage qui font 30.000 agents au Sénégal, selon les statistiques de 2005, on peut, sans risque de se tromper,  dire qu’il y a un réel besoin de sécurité. C’est ce qui a fait penser au chef de l’Etat à la gouvernance sécuritaire de proximité. C’est un mode de gestion de la sécurité fondé sur les citoyens de base et sur la proximité. Une sécurité plus proche du citoyen d’où la notion de sécurité de proximité. Avant, on parlait de la police de sécurité, de la police de l’ordre public qui correspondait à la monopolisation de la violence légitime. D’ailleurs, quand on a mis en place cette agence, certaines personnes n’ont pas manqué de souligner que le monopole de la violence légitime appartient à l’Etat. Cependant, ces gens-là oublient que ce jargon est révolu en criminologie. C’est Max Weber qui l’avait développé mais il est revenu sur cette notion. Weber a reconnu que cette monopolisation de la violence légitime pouvait être déléguée à condition qu’elle soit encadrée par l’Etat parce que l’Etat ne peut pas tout faire. Il a reconnu qu’il s’était trompé car cette définition correspondait à l’Etat providence alors que l’Etat providence n’existe plus aujourd’hui. C’est l’ère du partenariat public-privé. C’est dans ce contexte qu’on est parti de la notion de l’ordre public, de la sécurité régalienne à la notion de police de proximité. L’expérience a été tentée en France dans les années 1970 avec l’installation de postes de police mais, très vite, les Français se sont rendu compte qu’ils s’étaient trompés de définition. Parce que quand on parle de police de proximité, on exclut de facto les citoyens. La connotation policière doit donc sauter. D’ailleurs, c’est sur cette question que j’ai développé ma thèse en 1996. J’avais émis l’idée d’abandonner la notion de police de proximité pour épouser la notion de sécurité de proximité afin de permettre à tout citoyen de porter le concept sécuritaire. C’est ce qui se passe au Sénégal sans pour autant pouvoir le quantifier. La gouvernance sécuritaire fait appel non seulement au citoyen mais aussi à un nouveau modèle de gestion de la sécurité par l’ensemble des acteurs à savoir la gendarmerie, la police, mais aussi les citoyens de base. C’est dans ce cadre que le chef de l’Etat a crée cette agence d’assistance à la sécurité de proximité.

Que recouvre réellement la notion de gouvernance sécuritaire de proximité ?
Si vous vous souvenez bien, le président de la République a d’abord parlé, à Saint-Louis, de gouvernance sécuritaire de proximité, à Kaolack, il a évoqué les contrats locaux de sécurité, avant de parler d’agence d’assistance à la sécurité de proximité. Cette démarche politique est à la fois scientifique et conceptuelle. Cela dit, la notion de gouvernance sécuritaire de proximité recouvre trois choses. Le contrat local de sécurité en constitue  le premier aspect. Il nécessite un diagnostic local de la sécurité avec la cartographie de la délinquance. C’est là la première composante de la gouvernance sécuritaire de proximité. La deuxième composante concerne les comités départementaux de prévention et de lutte contre la délinquance qui est le cadre de réflexion, de concertation et d’orientation au niveau local. C’est-à-dire un cadre dans le quel le Préfet, le délégué de quartier, le maire, la gendarmerie, la police discutent des problèmes de sécurité. La troisième composante, c’est l’Agence. Vous voyez donc la cohérence de la démarche. Diagnostic, concertation, mise en place de l’Agence lequel est l’outil opérationnel en rapport avec la police et la gendarmerie. C’est comme cela qu’est née l’Agence d’assistance à la sécurité de proximité en août 2013.

Depuis sa mise en place, quelles sont les grandes actions que l’Asp a menées ?
On a recruté 10.000 jeunes, hommes et femmes sans tenir compte des critères de diplômes. Tous les candidats ont été mis au même pied. On les a recrutés sur la base de critères objectifs. Au début, on a émis l’idée de confier les opérations de recrutement aux maires avant de nous raviser car cela aurait pu avoir une connotation politique. Ensuite on a pensé faire recours à un cabinet, on a dit non. C’est alors qu’on a décidé de prendre en charge le recrutement en mettant en avant des critères objectifs. Celui qui n’a jamais fait l’école a 4 points, celui qui a le bac a 7 points, celui qui a le Bfem a 5 points, celui qui a déjà fait le service militaire a 5 points, celui qui a fait un engagement civique a 5 points, les handicapés ont 4 points. Pour dire que c’est un projet qui assure l’égalité des chances et l’égalité des genres devant le service public parce qu’on conçoit la sécurité comme un acte citoyen conformément à notre devise « La citoyenneté au service de la sécurité ». La sécurité est un acte intellectuel par la pratique policière mais un acte qui peut être partagé par tout le monde. Aujourd’hui, toute personne peut être un acteur de la sécurité. On  a donc recruté 10.000 agents, on les a formés pendant un mois sur l’étendue du territoire national. A Dakar, nous avions 3500 agents et entre 500 et 800 dans les autres régions. On les a formés sur la déontologie, l’éthique et la morale, ils ont reçu une formation générale sur le droit pénal et public et même en wolof, on leur a expliqués les valeurs de la République, les institutions de la République, les infractions basiques à savoir le vol, le recel, l’abus de confiance, l’escroquerie, comment saluer en militaire, comment discuter en termes militaires, les règles de base militaire etc. Tous les agents ont fait preuve d’engagement. Au départ, nous avions 19.000 candidats, on en a retenu 10.000. Les recrutements ont été faits par les préfets et les sous-préfets. Et aujourd’hui, personne n’a contesté ces recrutements, personne n’a parlé de partialité. Actuellement, nous en sommes à la phase de déploiement. Comme vous l’avez constaté, tout le monde a demandé qu’on leur affecte des agents parce que notre conception de la sécurité n’est pas de la sécurité publique mais de la sécurité tout court parce que cela englobe beaucoup de choses. Dans nos pays, on a toujours analysé la sécurité comme de la sécurité publique mais il y a la sécurité environnementale par exemple. La sécurité traverse toutes les sciences de la vie. Il n’y a pas de branche qui n’a pas de prisme sécuritaire. Il y a une nouvelle notion de la sécurité fondée sur la citoyenneté et la proximité qui est en train de naître au Sénégal. C’est pourquoi on parle de la sécurité par tous, pour tous et partout. Ce qui appelle un engagement de tous car la sécurité est un droit fondamental. C’est pour dire que le président de la République a bien compris la donne, a bien compris que la sécurité doit bénéficier à tous et qu’elle doit être revue de manière globale.

Votre agence a signé des conventions avec la police, le Haut commandement de la gendarmerie et différentes structures de l’Etat ? Quel est le contenu et l’intérêt de ces conventions ?
Tout le monde demande des agents. La police en a pris 2000, la gendarmerie 1000, le ministère des Sports 800, le ministère de la Justice 700, les collectivités locales 2000, le ministre de la Pêche en a également pris, c’est vous dire que nous sommes très sollicités de partout à travers le Sénégal. Depuis le déploiement de ces agents, la sécurité règne de nouveau dans certains coins jadis dangereux comme dans les alentours de la Sogas ex Seras. Pour vous dire que ce projet s’inscrit dans une démarche scientifique, ce n’est pas de la politique ou autre chose. La circulation à Dakar a retrouvé sa fluidité depuis que nos agents sont sur les routes, on a reçu beaucoup de messages de félicitation pour cela. Il faut prendre la sécurité comme tel, un concept global fondé sur l’élargissement, fondé sur la proximité, sur la présence humaine. La création de cette agence a permis à ces jeunes d’avoir un minimum de revenu familial. Un ami français m’a dit qu’il était séduit par notre projet car, en France, on donne un revenu minimum d’insertion qui, pour lui, est de l’assistanat, alors qu’au Sénégal, on a envisagé du travail à côté. Cela permet à ces jeunes de se développer et de se mettre en valeur parce que le salaire est un élément de mise en valeur de l’individu. Quel que soit l’argent que l’on reçoit, cela relève la valeur de l’être humain. Aujourd’hui, on a bancarisé le système. Tous les assistants vont avoir une carte bancaire qui va faire également office de carte professionnelle. Les cartes sont en confection. Prendre 10.000 jeunes, c’est déjà un grand pas vers la diminution de la délinquance. Par exemple à Fatick, le vol de bétail a beaucoup diminué depuis le déploiement sur le terrain des assistants.

D’aucuns disent généralement que la Direction de la sécurité publique a compétence à gérer la sécurité des biens et des personnes. Aujourd’hui, qu’est-ce que votre agence peut apporter de plus ?
J’ai dit tantôt que la sécurité publique n’est pas la même chose que la sécurité que nous sommes en train de mettre en œuvre. La sécurité publique est une prérogative de l’Etat, elle est dévolue à la police. Aujourd’hui, notre mission c’est d’être là où la police n’est pas présente, c’est-à-dire dans les marchés, dans la circulation, dans les gares routières, dans les départements ministériels, même au renforcement du personnel administratif, on a pu donner au ministère de l’Intérieur 98 agents pour des opératrices de saisie des cartes d’identité nationale. L’arrivée des Asp a effectivement instauré une nouvelle donne, en résorbant le manque d’effectifs de la police nationale. Des opérations de dégagement ont également été effectuées au littoral de Dakar. Nous avons tout ratissé et envisageons d’étendre le projet. Nous allons également déployer des éléments pour assurer la sécurité touristique, avec 860 éléments affectés au ministère du Tourisme. Partout où il y avait du vide, l’agence a pu y déployer des éléments. Là où il y avait un manque, l’agence a su renforcer. C’est pour vous dire que le fondement de notre agence est la citoyenneté. D’ailleurs, le directeur de la sécurité publique m’a appelé pour me féliciter. Nos agents participent à réduire le gap de l’effectif de la police nationale. Pour avoir un dispositif sécuritaire suffisant de police et de gendarmerie, il faut 250 policiers et gendarmes pour chaque tranche de 10.000 habitants. Cependant, si l’on fait le calcul, l’on se rend compte que le ratio est loin d’être atteint, c’est encore très insuffisant pour assurer notre sécurité.

Aujourd’hui, l’agence permet d’avoir, au moins, deux agents dans les endroits stratégiques. Les résultats sont là, ils sont visibles. Vous conviendrez, dès lors, que l’apport est important. L’impact se fait partout sentir. Plusieurs structures demandent qu’on leur affecte d’autres éléments. Seulement, le nombre d’éléments à affecter a été épuisé.

Enfin, il importe de comprendre que l’Asp, avec ses outils opérationnels que sont les contrats locaux de sécurité ainsi que les comités départementaux de prévention et de lutte contre la délinquance, constitue un chaînon de l’ensemble du dispositif institutionnel de la sécurité intérieure régi par le projet de loi d’orientation de la sécurité intérieure en gestation, conformément à la volonté du Chef de l’Etat exprimée en conseil des ministres.

En effet, ce projet de loi d’orientation et de programmation sur la sécurité intérieure fixe les orientations de la politique sécuritaire sur une période donnée, et en synergie, pour plus d’efficacité entre tous les acteurs intervenant. Dans cet esprit, et recoupant avec la territorialisation des politiques publiques, le Préfet, à la tête d’un Observatoire permanent de prévention de la délinquance, serait naturellement le coordonnateur du dispositif sécuritaire au niveau du département. »

On parle de contrat local de sécurité, mais la sécurité n’est pas une compétence transférée. Alors, est-ce qu’il faut réformer le Code des collectivités locales pour permettre de faire ces contrats locaux de sécurité ? 
Dans les prérogatives de l’agence qui sont régies par un décret, figure le contrat local de sécurité. C’est une nouveauté. On les a mis en place parce qu’on a besoin d’avoir une visibilité sur la délinquance, sur la typologie des délinquances. Parce qu’on ne peut pas aller faire des rondes tout azimuts sans pour autant quantifier le phénomène. Cela permet de faire de l’économie humaine et l’économie de moyens. C’est là l’objectif des contrats locaux de sécurité. C’est pour avoir une cartographie exhaustive de la délinquance. D’ici, on pourra après savoir par exemple, qu’à tel endroit, il y’a tant de délinquants et essayer d’apporter des réponses. On part d’un diagnostic local de sécurité. Nous déployons nos agents munis de leurs questionnaires, ils sont aussi appelés à travailler sur les mains courantes de la Police. Maintenant, concernant la révision du Code des Collectivités locales, il faut d’abord souligner que le maire est le premier garant de la sécurité. Au Sénégal, le maire a des compétences de Police. La loi de décentralisation de 1996 fait du maire un acteur garant de la sécurité publique. En atteste la police municipale, qui constitue une police administrative, qui est fondée sur la prévention. La police municipale est issue de la grève de 1987. On a voulu partir d’un acte politique pour les déverser dans la police municipale, sans formation, sans plan de carrière, pas de renouvellement etc.  Mais aujourd’hui, il y a lieu de penser à une véritable police municipale. Le préfet part, le gouverneur également mais le maire étant issu de la localité, lui, reste. Si le maire n’est pas interrogé sur les questions de la sécurité, on serait passé à côté de la plaque. Cela va de pair avec l’acte 3 de la décentralisation. L’Agence a fait un maillage national pour anticiper sur la territorialisation des politiques publiques. Pour être plus précis, la territorialisation consacre un volet important à la sécurité. Pour dire qu’actuellement, nous sommes en phase avec les réformes du pays. Cela ne change rien sur les pouvoirs de la Police. Cela fait partie des pouvoirs de police du maire.  En France, le maire peut officier les pleins droits de la police sans passer par le procureur. C’est le seul acteur de la sécurité publique qui a cette prérogative, sinon tous les autres ont besoin de l’aval du procureur. Cet exemple s’applique parfaitement en France mais nous n’en sommes pas encore là au Sénégal. Mais le maire a quand même des pouvoirs de police, issus des lois de décentralisation avec la levée de l’acte de tutelle. Auparavant, tous les actes du maire étaient contresignés par le préfet. Mêmes les recrutements étaient contresignés par le préfet. C’est cela que l’on appelle la tutelle. Maintenant, on parle de l’émancipation des communes. C'est-à-dire la libre administration des collectivités locales qui correspond aux exigences de la démocratie. Le maire étant élu, il doit disposer de pouvoirs de police qui lui soient propres. Le maire devient, dès lors, un acteur principal. Des comités départementaux de lutte contre la délinquance seront mis au point. Ce comité sera coordonné par le préfet. Le maire sera président de la structure.

Que disent les conventions signées avec la police et la gendarmerie ? 
Les conventions ont été signées et elles répondent à des normes d’assistance. Les agents qui sont à la disposition de ces forces de l’ordre et de sécurité, vont les accompagner dans leurs activités de prévention. C'est-à-dire la surveillance, la circulation, l’assistance dans les interventions. Mais les agents de sécurité ne seront jamais mis en avant. Ils n’ont aucune prérogative de police judicaire. Leurs prérogatives sont juste administratives. Elles se limitent à la surveillance, l’assistanat, la veille et le secours. Voilà le cadre d’intervention des agents de l’Asp par rapport aux services de déploiement, notamment la police et la gendarmerie. Nous leur demandons également de les former, de leur faire une formation supplémentaire compte tenu de leur déploiement. C’est la seule obligation. C’est l’agence qui paye et qui assure le volet social. Ceux qui les accueillent ne payent pas du tout.

Est-ce que des structures publiques de moindre importance peuvent formuler des demandes de déploiement d’éléments ?
L’activité de l’Agence est d’ordre du service public. Pour les structures moindres nous sommes également amenés à leur affecter des agents. C’est ce que nous avons effectué avec le Trésor public, avec l’Ecole nationale de l’administration (Ena), avec certains hôpitaux. Il suffit juste d’en exprimer la demande. La sécurité, c’est comme la politique des cafards, quand on traite le cafard, il faut traiter chez soi et chez le voisin. Si l’on affecte dans les grandes structures et qu’on néglige les petites, cela risque de se répercuter sur les autres. Il faut certes trouver un terrain, mais également occuper tout le terrain. L’Etat ne devrait pas être consommateur de sécurité. Les petites structures étatiques ne doivent pas faire appel aux privés pour assurer leur sécurité. Cela représente un coût pour l’Etat. L’Etat doit donner un coup de pouce à ces structures de moindre envergure pour les aider à alléger le coût financier en sécurité. C’est un service public complémentaire.  On demande cependant à chaque structure de contribuer à la prise en charge des éléments, notamment pour la couverture médicale. Une somme de 30.000 francs sera versée pour chaque agent. Le coût est juste symbolique et est moins cher quand il s’agit de faire appel aux agences de sécurité privées. Des structures ont, dès lors, formulé des demandes, nous en avons donné entre 10 et 5. Nous leur demandons juste une contribution symbolique. C’est pareil avec les collectivités locales où l’on aura un agent dans chaque commune, deux pour les moyennes communes et quatre pour les grandes communes. D’ailleurs, il y en a qui en demandent davantage. C’est une manière de relever l’aspect péréquation des services que nous donnons afin que la majeure partie des demandeurs, puisse en disposer. Tout cela entre en droite ligne de la vision du chef de l’Etat qui veut instaurer partout la sécurité.

Quel est l’impact de la masse salariale que vous insérez dans l’économie avec le recrutement de ces dix milles jeunes ?
A Dakar, par exemple, où 3500 agents ont été déployés, chaque quartier va y tirer un intérêt. C’est des revenus qui vont entrer au sein des familles avec le recrutement de ces jeunes qui constituent souvent, des soutiens de famille. Quand nous avons mis en place les camps de formation, les vendeurs de cartes téléphoniques ont vu leur chiffre d’affaires augmenter. A Sogas par exemple, nous avons rencontré une dame qui relève que son chiffre d’affaires a augmenté de 20 000F par jour. Car auparavant, pour des raisons d’insécurité, certains étaient réticents à se rendre là-bas pour faire leur marché. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, ils viennent et prennent le temps nécessaire car ils sont rassurés. Dans les familles, avec au moins 50 mille francs supplémentaires, cela a un impact énorme car aidant à soulager le panier de la ménagère. Le chef de famille va, du fait de ces entrées, être conforté sur certaines dépenses, au grand bien de toute la famille. Tout cela mérite d’être quantifié. L’impact économique du projet est énorme.

Y a-t-il des perspectives de carrière pour les agents qui ont été recrutés ? 
Le contrat est un engagement civique, c'est-à-dire unilatéral. C’est à prendre ou à laisser. Les recrutés ne sont ni des fonctionnaires, ni des contractuels au sens du droit du travail. Nous n’avons pas mal de jeunes qui ont réussi à des concours de police ou de gendarmerie, ils vont partir. Nous allons modifier les textes en permettant aux jeunes d’intégrer la police et la gendarmerie. Notre obligation est de mettre à leur disposition un cadre professionnel en vue de faciliter leur insertion. Un fonds d’insertion professionnelle sera mis en place. Nous allons signer une convention avec le ministère de la formation professionnelle, pour qu’il nous appuie sur des plateformes de formation. Chaque jeune va bénéficier d’une formation avant de sortir. Nous mettront en place une formation en alternance. Avec l’arrivée de l’aéroport de Diass, nous avons envisagé de former des jeunes,  qui seront initiés à la sécurité et à la sûreté aéroportuaire. Nous devons, au cours de la semaine, nous rendre à Paris et au Canada. Ces déplacements nous permettrons de mettre au point les contrats de sécurité sociale et d’autre part la formation en sûreté et sécurité aéroportuaire. Nous allons chercher des formations qualifiantes à l’étranger, dans de courtes durées et diplômantes. Même en cours de contrat, nous pouvons faire sortir des jeunes et les affecter dans d’autres secteurs. Parmi les agents, nous comptons des bacheliers et des maîtrisards ou même des personnes qui ont d’autres qualifications, des infirmières et mêmes des sages-femmes. C’est dire, qu’ils ne sont pas tous appelés à rester assistants. Ils ne sont là que pour servir leur pays dans le cadre de la citoyenneté. Nous leur livrons d’ailleurs une formation supplémentaire en vue de leur insertion.

Avez-vous pensé à la sécurité des agents que vous avez déployés dans certains endroits réputés dangereux ? 
Nous avons tout adapté au contexte. Nous avons commandé des torches rafales qui sont disponibles pour les agents affectés à la Sogas. Ces torches contiennent des rafales de lumière et sont munies de bombes hypnotiseurs. La personne peut être immobilisée à une distance de six mètres. La torche éclaire jusqu’à un kilomètre. Ces torches sont à la disposition des agents. Nous en avons déjà distribué.

Des jeunes avaient manifesté et barré la route pour exiger leur déploiement.  Qu’est-il advenu de leur situation ? 
Tous ceux qui ont participé à ces mouvements de protestation ont été révoqués. Ils ont marché le même jour où nous devions rendre publics les résultats. Nous les avons formés et un mois après, ils se présentent pour exiger un déploiement. Ceci est un acte d’indiscipline notoire. Nous ne pouvions pas laisser passer de pareils actes. Tant que je serai à la tête de la structure,  tout acte d’indiscipline sera suivi d’exclusion. Nous avons cependant noté qu’il y avait des infiltrations. Des personnes ont été envoyées pour juste installer le désordre. Ils ont malheureusement emportés certains dans leurs projets malveillants. Ce qui nous lie, n’est pas un  engagement contractuel. C’est à prendre ou à laisser. Les écarts de conduite seront systématiquement sanctionnés. On ne va pas tomber dans le piège du volontariat de l’éducation, ni dans le flou en faisant croire qu’ils sont dans un régime de fonctionnaire ou de contractuel. C’est un régime d’engagement civique et citoyen. On évite d’ailleurs de parler de salaire. Il s’agit en réalité de pécule. On leur demande de rendre service à leur pays. Un pécule leur est en contrepartie versée. Cela requiert un comportement citoyen de leur part. La rigueur sera dès lors de mise. 10. 000 agents ce n’est pas rien, il faut savoir convenablement gérer tout cela. Le président de la République est le seul qui soit parvenu à réaliser cela. 10. 000 milles emplois, ça ne court pas les rues. Nous sommes parvenus à les réaliser tout en garantissant la sécurité des citoyens. Il faut le dire, cela relève d’un exploit. C’est sûr que parmi ces jeunes certains vont, par la suite, se retrouver dans les commissariats de police voire à l’école nationale de l’administration, vu qu’il y en a qui ont le profil permettant de passer ces concours.

Avez-vous passé un contrat avec les collectivités locales qui doivent rajouter 30.000 francs dans le salaire de chaque agent ?
La convention sera bientôt signée. Nous voulons instaurer une sorte de police municipale dans la mesure où elle n’existe plus, bien que le maire soit un acteur dans le dispositif de sécurité. Pour recruter un policier municipal, il faut au moins 200 à 300 mille francs. Si le maire arrive à être secondé dans le cadre de ses prérogatives de police administrative par les assistants en contrepartie de 30 000 Fcfa, c’est quelque chose d’extraordinaire, une aide énorme. Car le maire a besoin de recouvrer des recettes fiscales. Cela peut rapporter au moins 600 mille francs par jour aux collectivités. La collecte de fiscalité rencontrait parfois des difficultés. Le maire a également des pouvoirs pour la gestion des stationnements. Tout cela va restaurer le maire dans ses pouvoirs de police administrative.

Certains agents n’ont pas été déployés, qu’est-il advenu de leur sort ?
Nous ne pouvons pas déployer tout le monde. Bien que des demandes continuent de nous parvenir, nous ne serons pas en mesure de toutes les satisfaire. Le déploiement a été arrêté, mais les jeunes restés à la caserne, sont quand même payés. Tous les recrutés vont disposer d’une carte bancaire. Il y a également des personnes à mobilité réduite qui ont été engagés sur instruction du président de la République.  Toutes les jeunes filles qui ont déposé leur dossier ont été retenues. Nous allons garder certains dans les activités ponctuelles.  Ils seront déployés dans les événements religieux. Nous étions au Gamou. Nous étions au rassemblement des jeunes catholiques à Kaolack. Nous avons également participé au Gamou des Layènes, des Niassènes et de la famille Omarienne. Toutes ces rencontres ont besoin d’être encadrées.  Nous avons également dégagé le littoral avec le déploiement de 100 agents. Ces actions ponctuelles doivent être menées. Nous ne pourrons dès lors pas servir tout le monde. Nous avons envisagé de lancer un projet : une école deux assistants. Il y a 13.000 établissements publics et privés au Sénégal. C’est des niches d’emplois. Si chaque parent cotise 1000 Fcfa, cela permettrait d’avoir deux agents au sein de chaque établissement. Il y va de la sécurité des enfants. Il est arrivé que des sachets d’alcool se vendent dans les établissements. Cela va créer 26.000 emplois et à moindre coût. Cela sécurise et il n’y aura pas d’impact sur le budget de l’Etat. Il faut mutualiser les moyens pour assurer la sécurité de tous, créer de l’emploi et diminuer la délinquance.  C’est comme cela qu’il faut considérer le concept de sécurité de proximité et les prorogatives de la structure.

A la longue, ne risque-t-on pas d’assister à la suppression des auxiliaires de police et de la gendarmerie  ou à la fermeture des agences de sécurité?
L’agence n’a aucune prérogative judiciaire, c’est des prorogatives de police administrative, c'est-à-dire de prévention, d’alerte, de surveillance et de secours.  Nous faisons de la prévention étant entendu que la prévention est l’affaire de tous. Je vous renvoie au décret de 2013 qui fait allusion aux contrats locaux de sécurité et de sécurité de  proximité. L’accompagnement et la stratégie de gouvernance sécuritaire, font également partie de nos prérogatives. Nous ne faisons que contribuer, voilà la différence avec les auxiliaires de la police et de la gendarmerie. Les sociétés de sécurité privées sont régies par une loi de 1978 accompagnée par un décret qui date de 2003. Ce sont des sociétés de droit privé, de droit commercial, sans aucune connotation sécuritaire. Ils n’ont pas de vocation sécuritaire. Ils sont dans ce qu’on appelle le marché « de la peur ». C’est une sécurité marchande. C’est différent de la sécurité publique qui ne requiert pas de contrepartie financière.  

Les agents de  sécurité de proximité  ne vont-ils  pas aider à la suppression des auxiliaires de police et où commence et s’arrête leurs prérogatives ?
L’Agence n’a aucune prérogative de police judiciaire. Elle a plutôt des prérogatives de police administrative à travers le secours, l’alerte,  la surveillance et la prévention. Aujourd’hui, nous avons des auxiliaires. Ces derniers  ont déjà accompli leur service auxiliaire au niveau du ministère de l’Intérieur  ou bien de la gendarmerie et sont venus chez nous avant de   retourner à la police et à la gendarmerie … Pour eux, c’est presque un service militaire bis. A notre niveau, on a voulu relever  un peu, en donnant un pécule pour permettre à ces jeunes de  préparer la police et la gendarmerie. Toutes les personnes, qui ne peuvent aller dans l’Agence  pourraient partir  pour être auxiliaire de police ou de gendarmerie. Cela n’exclut  pas que quand on va recruter, ils vont venir  chez nous.   C’est une bonne politique de maillage pour occuper les  jeunes qui sortent de l’armée. Celui qui n’a pas fait le service militaire  peut venir à l’Asp  alors que le contraire n’est pas possible pour être auxiliaire  de  police  ou de la gendarmerie. C’est donc une possibilité plus large pour prendre en compte les questions de sécurité.

Est-ce que l’Asp ne risque pas de faire disparaître les sociétés privées de gardiennage ? 
Les sociétés privées de gardiennage sont régies par une loi  de 1978  accompagnée par un décret de 2003. Ce sont des sociétés de droit  commercial sans aucune connotation sécuritaire. Elles n’ont pas une vocation sécuritaire. C’est de la sécurité individuelle ou marchande que font ces sociétés.  Ce n’est donc pas la même chose que la sécurité publique qui ne  nécessite pas  une  contrepartie financière.  Les sociétés privées, quand elles vont prendre 200.000 ou 300.000 Fcfa ; elles vont payer  à ces jeunes entre 30.000 et 60.000 Fcfa. Si l’Etat n’encadre pas et laisse  partir ces gens exploiter les jeunes, quand bien même qu’ils veulent  faire de la sécurité, c’est dangereux pour la sécurité. C’est comme ça que naît une milice.  Aujourd’hui, l’Etat veut mettre tout le monde au même pied d’égalité pour permettre à  chacun d’avoir la sécurité. D’où toute la pertinence de cette Agence.  Nous ne vendons pas de la sécurité, nous sommes en train de redistribuer de la sécurité au service des citoyens sénégalais.

Le  mélange  des tenues des agents de l’Asp avec celles de la police ne risque-t-il pas de créer une confusion à la longue ? 
On a attiré  l’attention du  Haut commandement de la gendarmerie et  de la Police sur la  nécessité de garder notre tenue, notre particularité. En sécurité, il ne doit pas y avoir d’équivoque. Il faut que nos agents gardent leurs  tenues ainsi que leurs prérogatives parce que  la vocation n’est  pas la même.  Je pense que tout cela va être corrigé dans le temps car, la meilleure manière de faire de la sécurité, c’est la transparence, en faisant en sorte que  les gens soient identifiés. D’ailleurs, on  a estimé nécessaire, à partir des jours à venir, de mettre en place un système de badge  pour nos agents  avec des moyens d’identification très clairs. Aussi, nous avons décidé de mettre en place un numéro vert pour dire à toute personne qui aura  vu  un de nos agents avec un comportement dégradant  de le signaler pour qu’on puisse  diligenter  une enquête. On a mis en place une structure qui va contrôler nos agents sur le terrain du point de vue comportemental et vestimentaire.  En fonction des différentes saisons, on a mis cinq tenues à la disposition de chaque agent. Et ce, afin de leur permettre de dégager une bonne image car  c’est très important.  L’identification est très importante  parce qu’il  n’y a pire en sécurité que de travailler dans l’anonymat. Quand on fait des choses dans l’anonymat, on est exposé à la corruption  et aux dérives.

Y a-t-il des pays qui veulent s’inspirer de l’expérience sénégalaise et qui vous ont contactés ?
Oui. Déjà, nous allons partir au Canada, cette semaine, pour parler de cette expérience. Les gens l’ont trouvé merveilleux. Les Français sont impressionnés de la combinaison  sécurité-emploi avec une contrepartie. Il faut avoir des moyens de subsistance. Pour aider une personne, il faut lui donner quelque chose et elle va se développer personnellement.  Une famille pour  assurer les moyens de subsistance, doit mutualiser. Ce  n’est pas un gros salaire qui règle le problème mais, il faut redistribuer les revenus sur toute l’étendue du territoire national. Il faudrait également trouver des niches d’emploi pour tout le monde et chaque Sénégalais y trouvera son compte. Les jeunes recrutés par l’Asp vont pouvoir, avec ce petit pécule qu’on leur donne, payer leurs études, s’assurer le transport, tout en rendant service à leur pays à travers l’assistanat.  

Est-ce qu’il n’y a pas lieu de revoir la durée du contrat de ces jeunes qui, après une bonne formation dans certains domaines, vont  être libérés ? 
Chaque fois que nous entamons une formation spécifique, c’est pour une destination bien précise. Par exemple, pour l’Aéroport de Diass, si l’on forme  les jeunes en sûreté et sécurité aéroportuaire, c’est pour les placer à cet aéroport mais pas pour qu’ils nous reviennent. Dans ce cas de figure, ils sortent de l’assistanat pour aller intégrer directement ce secteur. Nous allons faire en sorte que les gens qui vont être formés  puissent  sortir du Sénégal  pour aller dans la sous-région et travailler parce qu’on a  constaté une carence  dans les aéroports sous-régionaux. Pour la formation de ces jeunes, nous allons nous adapter aux normes de l’Oaci. Nous avons déjà rencontré des personnes qui vont nous accompagner  dans ce domaine.

Vous avez eu des partenariats avec différents secteurs et pourquoi pas avec la Douane ? 
Si. On va signer avec la Douane une convention dans les prochains jours.  Elle  a formulé une   demande de  100  agents.  

Parmi vos agents, il y a des handicapés et des filles. Comment peuvent-ils participer à la sécurité de proximité ?
La sécurité est une affaire intellectuelle. On ne doit pas la confondre  avec la pratique policière. La sécurité, c’est de l’information, l’accueil et l’orientation. C’est pourquoi on a estimé nécessaire que les handicapés avaient leur place dans l’agence. On  les a mis dans les services d’accueil et d’information de la gendarmerie, des préfectures, des hôpitaux etc. C’est donc un autre aspect de la sécurité qu’on a pu identifier et qui peut servir de réceptacle pour les personnes en situation de handicap. Cela assure l’égalité des chances et c’est très important. Pour les filles, il n’y a pas plus féminine que la sécurité. Dans les aéroports, actuellement, on ne voit que des femmes  assurant la sécurité. Aussi, à  la police municipale, on ne voit que les femmes. C’est le développement de la médiation qui est aujourd’hui à l’origine de cette situation parce qu’on pense maintenant que le premier acte de la sécurité, c’est la médiation. La femme a des prédispositions pour  discuter et éviter la confrontation. Par rapport  à la justice, on a lancé justice de proximité et sécurité de proximité parce que ce sont deux notions qui vont de pair. Ce faisant, 700 agents ont été mis à la disposition du ministère pour la garde des infrastructures sur toute l’étendue du territoire national mais aussi pour la protection des justiciables et des justiciers. Tout cela va dans le sens de la gouvernance de sécurité de proximité qui a le mérite d’être pensée par le président de République. C’est une révolution et tout le monde peut y trouver son compte.

L’Agence prend en compte toutes les couches de la population. Le vol de bétail a constitué un problème au Sénégal du fait qu’il est un fléau national pour l’économie pastorale. Aujourd’hui, on arrive à outiller des agents de sécurité de proximité  de concert avec le ministère de l’Elevage pour poser les premiers jalons avec les puces électroniques. Lesquelles  vont être  accompagnées  par nos agents pour assurer la traçabilité et capter les faiseurs de trouble.

Avec l’Asp d’aucuns pensent que c’est la mise en place une milice…
Je pense que dire de pareilles choses, c’est ne pas être en phase avec l’évolution de la notion de la sécurité. La sécurité est une science qui peut être étudiée de la même manière que les autres sciences.

C’est cette évolution que le Sénégal est en train de suivre et elle s’impose à l’heure actuelle.  On ne peut pas avoir un policier pour chaque citoyen. Parler de milice, c’est donc abuser des Sénégalais. Celui qui a de l’argent peut acheter de la sécurité. Et ceux qui n’en ont pas ?  Le président de la République a sa police, son armée et tout. Il n’a donc pas besoin de milice. Si le chef de l’Etat essaye de trouver la sécurité pour tous, c’est pour les citoyens de base et c’est parce qu’il est allé  dans le tréfonds du Sénégal  pour identifier le besoin de sécurité de chaque Sénégalais.  Et c’est sur quoi, il est en train de répondre,  en créant l’Asp en vue de faire face au vol de bétail, à l’insécurité dans les quartiers et pour répondre à la sécurité pour tous. Une milice n’est pas formée, elle est théorisée  et n’est pas recrutée sur la base de critères.

Aussi, elle se constitue. Aujourd’hui,c’est l’action qui parle.

Propos recueillis par EL Hadj Ibrahima THIAM, Ibrahima BA et Oumar BA (Avec la Rédaction)
Photos : Sarakh Diop
SOURCE:http://www.lesoleil.sn/index.php?option=com_content&view=article&id=39091:me-pape-khaly-niang-de-lasp-l-une-securite-fondee-sur-la-citoyennete-et-la-proximite-est-en-train-de-naitre-r&catid=78:a-la-une&Itemid=255