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Dr Aly Tandian,sociologue des migrations :« L’avenir est sombre pour beaucoup de Sénégalais en Espagne

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Le Groupe d’études  et de  recherches sur les migrations (Germ), de  l’Université Gaston Berger de Saint-Louis a tenu, samedi 19 décembre a Madrid, la capitale espagnole, une journée d’échanges sur la protection des femmes immigrées sénégalaises.

Le Groupe d’études  et de  recherches sur les migrations (Germ), de  l’Université Gaston Berger de Saint-Louis a tenu, samedi 19 décembre a Madrid, la capitale espagnole, une journée d’échanges sur la protection des femmes immigrées sénégalaises. L’acte qui a eu pour cadre le centre Hispano Africano de Madrid, a vu la participation d’un public diversifié et très passionné des questions migratoires.  A la fin des travaux, le docteur en sociologie Aly Tandian, coordonnateur du Germ  est revenu avec Le Quotidien sur certaines conclusions de son enquête. Et c’est surtout pour constater l’absence de convention entre le Sénégal et l’Espagne en matière de protection sociale, avant de qualifier de sombre l’avenir des emigrés sénégalais en Espagne du fait de la crise économique qui y sévit depuis plus de deux ans et dont on ne sait pas quand est ce qu’elle prendra fin.

 

ImageLe Germ dont vous êtes le coordonnateur vient de présenter les résultats de ses premières recherches sur les femmes immigrées sénégalaises en Espagne. Pourquoi le choix de l’Espagne ?
Le Groupe d’études et de recherches sur les migrations (Germ et faits de sociétés) est une équipe de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis avec des chercheurs et collaborateurs scientifiques qui sont au Sénégal, en France, en Espagne, en Belgique, aux Usa, etc. Il a engagé avec l’appui du Crdi une recherche sur les femmes migrantes sénégalaises qui sont en Espagne et qui évoluent dans des secteurs particuliers et les activités agricoles. Faut-il le rappeler, peu de connaissances sont disponibles sur l’intégration des migrantes sénégalaises sur le marché du travail en Espagne, sous toutes ses composantes y compris les activités non légalisées, avec une emphase sur la protection sociale des travailleuses dans des secteurs tels que l’agriculture, les services particuliers où elles semblent être exposées à des risques multiples. Avec la recherche que nous venons d’engager nous espérons contribuer à l’intelligibilité des flux migratoires féminins en Espagne, un pays qui a récemment attiré les populations sénégalaises mais en termes d’effectif, les statistiques nous signalent une forte présence des Sénégalais de façon générale. Avec les cayucos, l’envoi de plusieurs centaines de femmes dans le cadre d’une migration concertée entre le Sénégal et l’Espagne et d’autres formes d’arrivées ou de départs, il me semble important de porter un regard scientifique sur ce pays.
Est ce qu’on peut avoir les villes ciblées et l’échantillon choisi pour mener votre investigation ?
Cette recherche se réalise dans plusieurs villes d’Espagne : Catalogne, Madrid, Valencia, Andalucía, Huelva et Murcia. Elle envisage d’apporter une lecture exhaustive de la migration féminine sénégalaise en Espagne, c’est ce qui explique des investissements empiriques dans ces localités. A ce jour des enquêtes ont été réalisées en Catalogne, Madrid, Valencia et Huelva. D’autres vont se faire dans d’autres villes pour compléter. Les recherches sur les migrations soulèvent divers problèmes dans la constitution des échantillons. La population qui nous intéresse dans le cadre de cette recherche est dispersée à travers plusieurs régions espagnoles. Ainsi, l’appréhension de la population à enquêter va s’effectuer selon la méthode dite «boule de neige». Nous jugeons nécessaire d’adapter cette méthode pour différentes raisons. De par ses caractéristiques, elle va nous rendre possible l’exploration d’une diversité de situations tout en nous permettant d’atteindre des phénomènes fort importants mais souvent cachés.
L’utilisation de cette méthode de collecte de données nous donnera l’opportunité d’ajouter à un noyau de migrants sénégalais (des personnes considérées comme influentes) tous ceux qui sont en relation avec eux et ainsi de suite. En outre, avec cette technique, il va être possible de dégager le système de relations existant dans un groupe de migrantes, qu’un échantillon probabiliste classique n’aurait pas permis de découvrir. L’échantillonnage sera construit pas à pas et tiendra compte de plusieurs catégories de migrantes, en fonction de leur trajectoire de migration et de leur situation légale ou non. Le choix des individus va se faire selon plusieurs axes. D’abord les critères factuels et/ou analytiques qui seront dégagés par la pré-enquête qui sera réalisée dès les premiers moments de cette recherche, ensuite les recommandations auprès d’autres migrantes et autres personnes ressources.
Qu’en est-il des résultats de l’enquête et quelles conclusions en tirez-vous ?
Pour les conclusions, c’est un peu tôt d’en faire car la recherche va se poursuivre jusqu’en 2011. Mais les premiers résultats contrairement aux catégorisations et autres stigmatisations habituellement présentées lorsqu’il est question d’évoquer les femmes dans les flux migratoires, nous signalent que les migrations des femmes sénégalaises en Espagne sont très complexes avec des profils d’actrices aussi divers les uns des autres. Nous avions rencontré des femmes avec des capitaux scolaires et professionnels riches mais qui évoluent dans les secteurs tels que l’agriculture, la restauration, l’hôtellerie, la garde de personnes âgées, etc. cohabitant avec des femmes dépourvues de toute formation scolaire et professionnelle. Autre élément remarqué, il y a une précocité de la migration féminine mais aussi un vieillissement très manifeste de femmes migrantes.
Il a été surtout question de la protection  sociale des femmes émigrées en Espagne. Que préconisez-vous pour remédier à «l’exploitation laborale» dont certaines femmes émigrées disent être victimes ?
Cette recherche souhaite produire des informations fiables, qualitatives et quantitatives en matière de protection sociale des Sénégalaises en Espagne. Elle cherche également à contribuer à la production de connaissances, base d’argumentaires pour les femmes et les organisations de défense des droits des femmes dans une perspective d’informer et d’influencer les processus politiques et les pratiques pour une meilleure considération pour les droits des femmes sénégalaises en Espagne. Comme il a été évoqué avant, cette recherche est appuyée par le Crdi et les résultats feront l’objet d’une large diffusion au plan local, national et international. Les pistes d’action proposées feront l’objet d’une reformulation dans le cadre d’un plan d’action stratégique visant à faciliter l’accès des femmes aux systèmes de protection sociale.
En matière de développement humain, les résultats de la recherche peuvent couvrir plusieurs catégories de projets comme l’amélioration des conditions de vie des sénégalaises en Espagne ; l’amélioration de la sécurité humaine et de la protection sociale de celles-ci ; la communication/information pour les potentielles migrantes, le dialogue et recherche de solutions en matière migratoire entre le Sénégal et l’Espagne, le soutien des migrantes sénégalaises victimes d’exploitation, la défense des intérêts des migrantes sénégalaises, etc. de façon générale.
Les résultats de la recherche peuvent aussi être utilisés pour contribuer à court terme, au niveau opérationnel, à combattre les formes d’exploitation sociales auxquelles les femmes migrantes qui évoluent dans les activités agricoles et les services particuliers sont victimes. Je pense que l’appui du Crdi est capital. Il reste aux structures étatiques ou de la Société civile de réaliser des campagnes d’information et de sensibilisation destinées aux femmes migrantes et les potentielles migrantes, d’apporter un soutien aux migrantes victimes d’exploitation, de contribuer au renforcement de la lutte contre la traite des êtres humains et l’exploitation économique des femmes migrantes.
Pensez-vous que sur ce chapitre, le gouvernement sénégalais est en train de jouer sa partition ?
Nos recherches, à ce jour, nous signalent qu’entre le Sénégal et l’Espagne, il n’existe pas de convention en matière de protection sociale et pourtant depuis plusieurs années, il y a des Sénégalais qui travaillent en Espagne et qui cotisent aux charges sociales. Cela peut sembler inquiétant pour de nombreuses personnes rencontrées. Une commission mixte entre le Sénégal et l’Espagne a été mise sur pied depuis mars 2009 mais en termes de protection sociale il n’y a pas encore de signatures de protocoles. Récemment, ces deux pays ont signé un texte pour supprimer la demande de visa pour les détenteurs de passeport diplomatique des données obtenues au cours de nos enquêtes nous informent que cela était un des points tout comme l’homologation des permis de conduire et des diplômes, la question de la protection sociale, etc.
Jusqu’à présent il n’y a aucun accord entre le Sénégal et l’Espagne en  matière de sécurité sociale, même si les Sénégalais vivant et travaillant en Espagne sont estimés à plus de 80 000. Trouvez-vous cette situation normale ?
Je me réserve de juger si c’est normal ou pas, mais toujours est-il que ce serait dommage pour de nombreux migrants sénégalais de rentrer un jour à leur pays d’origine, le Sénégal, sans profiter d’une pension de retraite. C’est aussi le cas pour d’autres qui, avec une carte de sécurité sociale n’ont pas accès aux structures sanitaires sénégalaises alors qu’ils cotisent chaque mois en Espagne. Entre l’Italie et la France, la question de la sécurité sociale ne se pose plus, alors pourquoi pas l’Espagne où la présence des migrants sénégalais dépassent plus de 80 000 unités statistiques.
Avec la crise économique qui frappe l’Espagne depuis 2 ans avec comme corollaire un taux de chômage  de 20%, comment voyez-vous l’avenir des émigrés sénégalais.
L’Espagne est un terreau sociologique pour mesurer les effets de la crise financière sur les quotidiennetés des migrants. On nous parle de 20% de migrants qui sont en chômage, je pense qu’il faut relativiser. Dans certaines villes, dans certains quartiers nos observations empiriques nous signalent que le taux de chômage dépasse plus de 30%. Autre chose, en Espagne, il y a de nombreux Sénégalais qui n’étaient pas actifs avant la crise. Que font-ils aujourd’hui si l’on sait que malgré les stratégies mobilisées, la vente ambulante ne nourrit plus son homme car à chaque bout de rue il y a la Police qui réprime cette pratique. On sait que les Sénégalais en majorité étaient dans ce secteur. Autre chose avec la crise, les constructions ont ralenti ou sont presque inexistantes dans certaines villes, l’hôtellerie est presque au point mort. Des secteurs où les Sénégalais étaient déjà en concurrence avec les populations venues d’Amérique latine. L’avenir des sénégalais est quasi sombre et le transfert d’argent vers le Sénégal est un indicateur pour édifier cela. Mais toujours est-il que certains Sénégalais arrivent à déployer des stratégies pour s’en sortir tandis que d’autres préfèrent se rendre ailleurs car la fin de la crise risque encore d’attendre. A présent, on nous parle de 2012 ou 2013 pour que les choses redeviennent normales. Il ne faut pas se faire d’illusions, la migration de la vente ambulante ne fait plus de recette car la concurrence est devenue rude avec les Asiatiques, les Latinos, etc. devenus présents et très bien organisés. Il suffit de se rendre aux stations de métro ou sur les Ramblas à Barcelone pour s’en rendre compte. Peut-être des stratégies vont être définies car pour certains il n’est pas question de retourner au Sénégal parce qu’ils ont mobilisé beaucoup d’argent pour venir en Espagne.

Source : lequotidien