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Interview de Mr Abdou Diouf, pionnier de l’OHADA, ex Président du Sénégal

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Les avocats et élèves avocats du Barreau de Paris ont animé une conférence en hommage à Abdou Diouf, Secrétaire général de la Francophonie, pour son rôle décisif dans l’avènement du droit OHADA.

Les Afriques : Quel rôle joue l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) dans la promotion de l’OHADA et l’harmonisation des règles de droit dans l’espace francophone ?

Abdou Diouf : Je vous rappelle que seize pays francophones ont créé l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, l’OHADA, et confié à une Cour commune de justice et d’arbitrage la tâche de veiller à la définition, à l’interprétation et, au final, à l’application d’un droit unifié. Il faut cependant rappeler que la vocation de l’OHADA est panafricaine et dépasse l’univers francophone, mais que le français demeure la langue de référence du Traité rénové, signé à Québec, qui prévoit par ailleurs trois autres langues de travail : l’anglais, l’espagnol et le portugais. La Francophonie soutient la diffusion des textes du Traité de l’OHADA et appuie l’adhésion de nouveaux membres. Elle s’est aussi particulièrement impliquée dans la réflexion stratégique ayant conduit à la révision du traité de Port-Louis, qui a eu lieu à l’occasion du dernier Sommet de la Francophonie à Québec. La Francophonie considère, en effet, que l’OHADA est un élément essentiel de l’Etat de droit et de la bonne gouvernance économique et juridique, préalables indispensables au développement économique et à la paix. Permettre aux opérateurs économiques, commerçants et industriels d’agir selon les mêmes règles, les mêmes textes et de compter sur des voies communes d’exécution est apparu comme une bonne façon de favoriser l’investissement et la diversification au sein d’un ensemble régional.

« A l’époque, nous avions le choix entre deux modèles : les Etats-Unis d’Amérique et l’Union européenne. C’est ce dernier qui avait été choisi comme modèle pour créer l’Union africaine. »

LA : N’avez-vous pas le sentiment, au vu de l’hégémonie de l’anglais, que la Francophonie est l’une des grandes victimes de la mondialisation, au profit du Commonwealth ? Comment expliquez-vous le recul du français ?

AD : Précisons tout de suite que l’hégémonie de l’anglais est liée à la suprématie économique et technique des Etats-Unis, pas du Commonwealth. Les Anglais se font d’ailleurs aussi du souci pour le devenir de leur langue dans le creuset de la mondialisation. Ensuite, je ne pense pas du tout que la Francophonie soit victime de la mondialisation. Nous avons été parmi les premiers à réclamer une mondialisation plus juste, plus équilibrée, plus humaine. Je pense que la Francophonie propose justement une alternative au déséquilibre actuel. Des enceintes telles que la nôtre peuvent être le lieu où recréer un multilatéralisme positif, suscitant des coopérations et des coordinations plutôt que des antagonismes. Les problèmes peuvent s’y débattre sans faire intervenir, d’emblée, des relations de pouvoir et de domination. En mettant des valeurs non marchandes comme la paix, la solidarité, la diversité et les droits au cœur de leurs pratiques et de leur réflexion, en mettant l’accent sur la recherche de partenariats et de concertations transparentes, la Francophonie remplace la confrontation par une coopération vraie, fondée sur des convergences fortes comme le partage de la langue, une histoire commune, des valeurs privilégiées. J’appelle également votre attention sur le fait que, contrairement à la Francophonie, qui compte deux Etats membres du G8 et de nombreux pays figurant parmi les Pays les moins avancés ou des pays émergents, le Commonwealth dénombre un grand nombre de pays puissants sur le plan économique, tant au Nord qu’au Sud. La composition de nos deux organisations est très différente ! Cela dit, pour revenir à la dernière partie de votre question, je ne parlerai pas d’un recul de la langue française, qui reste très demandée sur les cinq continents. Il faut cependant que le français, sans s’opposer à l’anglais, reste une langue qui ait l’ambition de tout exprimer, y compris dans les domaines techniques et scientifiques.


LA : Vous êtes l’invité d’honneur des élèves-avocats de l’Ecole de formation du Barreau de Paris, lors de leur colloque de fin d’année sur le thème du droit OHADA, moteur de l’intégration africaine. En tant qu’ancien chef d’Etat, quel jugement portez-vous sur cette intégration africaine ?

AD : J’ai toujours été un partisan de l’intégration africaine. Il y a de cela près de cinquante ans, j’étais de ceux qui pensaient que nos Etats devaient accéder à l’indépendance dans le cadre de la Fédération de l’Afrique occidentale française. Et pendant toutes ces années où j’ai servi aux plus hautes fonctions de l’Etat sénégalais, je me suis toujours tourné vers la recherche de l’unité et de l’intégration africaine. Aujourd’hui, il est certain que des pays francophones ont l’avantage d’avoir une monnaie commune, même si ce n’est pas suffisant pour une intégration en profondeur des tissus économiques. Dans ce contexte, l’OHADA est particulièrement importante, puisque c’est une véritable délégation de souveraineté que les pays accomplissent. Le droit OHADA intègre au niveau national des règles décidées dans le cadre d’une intégration juridique régionale – c’est d’ailleurs ce qui explique des réticences exprimées à l’endroit de l’OHADA par certains, qui ne mesurent pas suffisamment l’apport de cette démarche.



LA : Etes-vous partisan de l’intégration graduelle ou de l’intégration immédiate, prônée par le guide libyen, Mouammar Kadhafi ?

AD : Tout ce que je peux vous dire, c’est que j’étais à Syrte en 1999, où j’ai assisté à mon dernier Sommet de l’OUA. A l’époque, nous avions le choix entre deux modèles : les Etats-Unis d’Amérique et l’Union européenne. C’est ce dernier qui avait été choisi comme modèle pour créer l’Union africaine. A l’époque, il nous semblait qu’il n’existait pas encore, sur le Continent, les soubassements nécessaires à l’instauration des Etats-Unis d’Afrique. C’est une question de temps. Comme l’ont démontré les derniers sommets de l’Union africaine, le principe est acquis et admis par tous, mais c’est au niveau des voies et procédés pour y parvenir que se situent les divergences. Ce qui compte, c’est que le débat ait lieu et qu’il soit le plus large possible.



LA : Avec un peu d’avance, quels vœux formez-vous pour l’Afrique, en 2010, en cette période de sortie de crise économique ?

AD : Nous ne sommes pas encore sortis de la crise : il y a une nette amélioration de la situation mondiale, mais la consolidation est encore devant nous et il va falloir être à la fois très prudent et très inventif pour faire évoluer le modèle économique global. Ce qui est essentiel, c’est que l’Afrique prenne sa place dans cette évolution et que, forte de ses richesses matérielles et humaines, elle fasse entendre sa voix et défende ses idées au niveau du monde.


PROPOS RECUEILLIS PAR GORA NGOM, BAKARY DIALLO ET KOLY KEITA