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Sénégal - (Enquête du Lundi) Le foncier dans tous ses «états»

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iGFM – Enquête igfm (Dakar) La question du statut de la terre et du partage de son usufruit revêt un intérêt particulier notamment dans un contexte de flou juridique du domaine foncier national. De Léopold Sedar Senghor, à Me Wade en passant par Abdou Diouf, l’application des lois de 1964 et de 2 004, n’a pas clairement été élaborée. Les répartitions des rôles des différentes légitimités, n’ont selon les observations, jamais été bien définies et les délimitations en découlant restent naturellement confuses. Ainsi, dans un contexte où les problèmes fonciers sont récurrents, avec des citoyens qui ont toujours maille à partir avec la justice ou avec des investisseurs qui veulent mettre en place des agro-business, le quatrième Président du Sénégal, a, par décret n0 2012-1223 du 5 novembre 2012, créé la commission nationale de réforme foncière, pour une véritable politique du secteur.
 
La Loi 64-46 de 1964 relative au Domaine National

 

 Au Sénégal, l’agriculture occupe plus de 80 % des ruraux et ces derniers représentent la majorité de la population même si cette situation tend à s’inverser. Le Sénégal a adopté le 17 juin 1964 une loi sur le domaine national (LDN). Elle est inspirée par la conception négro-africaine des droits sur la terre, dans laquelle la terre représente un patrimoine sacré, collectif, inaliénable. Dans son esprit, la LDN est un droit de synthèse originale poursuivant deux objectifs essentiels: la socialisation de la propriété foncière plus conforme à la tradition négro-africaine, aux coutumes et le développement économique. Pour concilier ces deux objectifs, la voie du socialisme africain a été mobilisée. Cette volonté collectiviste de la gestion foncière apparaît nettement dans l’outillage discursif officiel.  Pour ce faire, le régime foncier a été simplifié, les droits coutumiers des lignages et des familles sur les terres qu’ils détenaient supprimés, les régies d’accès au sol modifiées. Ainsi, aucune transaction ne pourrait se faire sans l’intervention de l’État qui, tout en cherchant une plus grande sécurité dans les transactions, assurait sa mainmise. La LDN se fixait comme objectif d’améliorer la productivité par le biais de la sécurisation. D’un côté, les terres du domaine national ne peuvent faire, dans ce cadre, l’objet d’une propriété individuelle. Au contraire, la législation s’inspire des modes de tenure coutumiers qui reconnaissant aux individus un droit d’usage. D’un autre côté, le domaine national n’est pas la propriété de l’État qui en est le détenteur comme il est stipulé dans l’article 2 de la loi 64-46: «l’État détient les terres du domaine national en vue d’assurer leur utilisation et leur mise en valeur rationnelles, conformément aux plans de développement et aux programmes d’aménagement».

 

 
 
Les incongruités d’une loi
Selon l’expert Abdourahmane Ndiaye qui a travaillé sur la reforme des régimes foncières au Sénégal, La Loi sur le domaine national de 1964, a toujours été perçue par le monde rural comme un système d’accaparement des terres par les pouvoirs publics.  «Il faut reconnaître néanmoins que ces lois sur le domaine national n’ont pas été clairement élaborées. Les répartitions des rôles des différentes légitimités n’ont jamais été bien définies et les délimitations en découlant restent naturellement floues. Les droits naguère attribués par les régimes coutumiers n’ont pas été réellement abolis et la superposition des différents droits a été une source de conflits. Car, effectivement comme l’avait affirmé le Comité national de concertation et de coopération des ruraux (CNCR) du Sénégal, les modalités de mise en œuvre de la loi n’ont jamais été définies de façon précise et applicable (…) ; aucune réglementation claire ne vient encadrer l’exercice par les conseils ruraux de ses pouvoirs d’affectation et de désaffectation. Cette faille est une des sources de la corruption qui se développe à propos de la terre et une des causes des conflits fonciers de plus en plus nombreux (CNCR 2004)». Par ailleurs, poursuit-il, «les principaux acteurs chargés de l’application de la loi ne disposent pas des ressources nécessaires à sa mise en œuvre. La faiblesse des moyens se répercute sur la capacité des administrations à tenir des cadastres à jour. Compte tenu de nombreux dysfonctionnements, les populations sont réticentes et développent des stratégies de résistances et de contournement face aux autorités. L’approche de la propriété individuelle est alors proposée comme une solution de sortie de crise en contradiction avec la stratégie de conservation du patrimoine foncier pour les générations futures».
 
Ce, dit-il, par le fait que des confusions nettes sont relevées car : «détention n’est pas propriété». Ainsi, l’accès à la terre est tout sauf démocratique (les femmes et les immigrés en sont largement exclus) ; «Ce sont les plus nantis qui s’accaparent les terres les plus fertiles et les mieux placées, car la mise en valeur est devenue un facteur discriminant pour les pauvres». Les mêmes sources soulignent que les mutations contextuelles et les autres défis ont fini de montrer les limites de cette loi de 1964, incompatible avec les objectifs de développement socio-économique de l’Etat.
 
Une véritable dépossession
Pour notre interlocuteur, toute la problématique du foncier réside par le fait que «les terres affectées du domaine national, détenues par les familles (les domaines fonciers familiaux ou lignagers) n’offrent plus de droit réel. L’affectation, ainsi reconnue, les oblige à exploiter les terres. Cette affectation est fragilisée par le fait que la terre peut être reprise si l’administration juge la mise en valeur insuffisante ou si la communauté rurale ou l’État juge nécessaire sa reprise pour des besoins d’utilité publique, ou pour la satisfaction des demandes des investisseurs privés. Les ayants-droit d’un bénéficiaire disposent d’une priorité de réaffectation sous certaines conditions et non d’un droit. Les terres non affectées du domaine national, gérées directement par la communauté rurale, étaient exploitées collectivement. Ce sont les terres non défrichées, les zones servant souvent en même temps de pâturage, de zones de cueillette et de coupe du bois, les mares, et les zones impropres à la culture». Toujours dans son analyse, avec les lois sur le domaine national, «l’administration ne consulte pas toujours les conseils ruraux avant de prendre une décision sur le foncier rural. Elle fournit rarement des explications détaillées et des justifications convaincantes. Ce qui a généré chez les ruraux le sentiment que les hauts fonctionnaires et les hommes politiques sont sous l’influence d’intérêts privés et qu’eux-mêmes s’abritent derrière la notion d’intérêt public pour satisfaire leurs propres intérêts. Ce sentiment d’injustice est très fort chez les éleveurs pastoraux». Effectivement, le phénomène était tel que dans certaines régions, comme la Basse et la Moyenne Casamance, le Fouta et la zone des Niayes, l’État a, en grande partie, renoncé à appliquer la loi face à la résistance des populations. Notons que cette situation a été l’une des causes qui ont engendré la crise armé en Casamance. Le Diola et le Baïnouk qui ne connaissent que la terre pour subvenir à leurs besoins vitaux, notamment la culture du riz, n’approuvaient pas que leurs domaines qui font partie de leurs cultures, soient affectés. Cela est perçu comme une dépossession et une remise en cause de leurs traditions.
 
Les contours d’une alternative
En effet, selon l’Enquête de suivi de la pauvreté au Sénégal (ANSD 2007), plus de 58,4 % de la population sénégalaise vit en milieu rural et exerce des activités agricoles. C’est dire l’importance capitale que revêt la possession de terres, facteur principal de production. Parmi les ménages propriétaires de terres cultivables, un peu plus de la moitié (56,7 %) possède des superficies inférieures à un hectare et 24,3 % seulement détiennent plus de quatre hectares. Au Sénégal, les trois quarts des ménages ruraux possèdent des terres cultivables d’un hectare ou plus. Ainsi, la presque totalité des ménages urbains (96,9 % à Dakar et 89,0 % dans les autres villes) propriétaires de terres cultivables, détiennent des lopins de moins d’un hectare. Respectivement, moins de 1% et 5% d’entre eux possèdent des terres de plus de quatre hectares. Par contre, en milieu rural où la possession de terre trouve toute sa signification, ces proportions sont nettement plus importantes et atteignent respectivement 24,6% et 43,3%. Pour palier au litige foncier dont l’Etat même est impliqué à travers un flou juridique, Abdourahmane Ndiaye est d’avis qu’il faut trouver à cette loi de 1964 et la réforme foncière votée au Sénégal par la Loi d’orientation agro-sylvo-pastorale (LOASP) en 2004, les contours d’une alternative. Parce que les tensions politiques et la complexité des questions liées à la terre, ont bloqué ou affaibli la réalisation des réformes.
 
3 millions 800 000 hectares de réserve foncière et 150 000 de titres fonciers
La réserve foncière au Sénégal est évaluée à 3 millions 800 000 hectares d’après le recensement de 1999 et seuls 2 millions 500 hectares sont valorisés dont 800 000 hectares activement. S’agissant des titres fonciers, ils sont estimés à 150 000 et le reste n’est que constitué de baux, notamment emphytéotiques qui sont d’une longue durée allant de 18 à 99 ans. Cependant selon Abdoulaye Diéye, membre de la commission nationale de Réforme Foncière, «un titre foncier est inattaquable et quand au bail, appartenant à l’Etat, il ne peut pas être vendu et que seul le droit peut l’être. Ainsi, pour limiter les litiges fonciers qui sont monnaie courante dans nos villes et campagnes, les experts de la commission nationale de Réforme Foncière dont son Président, Moustapha Sourang, estiment qu’il faut transformer les droits d’usage actuels communément appelés «délibération» en sous baux, dans le cas de figure où l’Etat confère des baux emphytéotiques aux collectivités locales.
Car, à les en croire, «il est dangereux de donner des titres fonciers à n’importe qui. Cela peut avoir des répercutions sur les générations futures, car souvent, contrairement au bail, le titre foncier est l’objet de vente».
 
La Commission nationale de réforme foncière
La mise en place de cette commission nationale de reforme foncière intervient dans un contexte où les problèmes fonciers sont récurrents au Sénégal, notamment en milieu rural. Plusieurs populations ont maille à partir avec la justice ou avec des investisseurs qui veulent mettre en place des agro-business, occasionnant parfois, des morts d’hommes. Ainsi, elle est chargée par décret présidentiel n0 2012-1223 du 5 novembre 2012, de procéder aux vérifications de toutes les occupations du domaine national ; à l’étude de tous les textes juridiques sur le foncier au Sénégal et de faire des recommandations ; de veiller à ce que les préoccupations des investisseurs et de la population sénégalaise se rencontrent dans un avantage partagé. En ce sens, la commission dirigée par le Pr Moustapha Sourang a engagé des échanges avec tous les acteurs de la société et poursuit desCrd dans toutes les régions et départements du pays. Il s’agira à travers cette méthode d’avoir une référence inclusive et participative pour une reforme équilibrée et une politique foncière digne du nom, qui sera une première au Sénégal.
                                                     

Réalisée par Sékou Dianko DIATTA   
source: http://www.gfm.sn/enquete-du-lundi-le-foncier-dans-tous-ses-etats/