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samedi, 26 avril 2014 00:00

"La stratégie de Wade est de mettre une pression maximale sur Macky pour libérer Karim"

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Chercheur en sciences politiques et Directeur de TFM Infos, Barka Ba livre son diagnostic sur le retour de Wade au Sénégal  et analyse la nouvelle donne politique qui se dessine ainsi que les forces et faiblesses des principaux protagonistes. Entretien
 
Comment analysez- vous  l’effervescence politique subite notée au Sénégal avec le retour de Me Abdoulaye Wade?

 
C’est un coup de tonnerre dans un ciel en apparence serein. Je dis en apparence seulement car il y avait de l'orage dans l'air! Pour qui connait le tempérament de Me Wade, on pouvait aisément deviner qu’il ne resterait quand même pas sans réagir à l’emprisonnement de son fils Karim.  

L’évolution de son  dossier, avec un procès qui lui pend au nez, les nouvelles charges accumulées par le parquet spécial contre lui ont fini par convaincre Me Wade que cela devenait chaque jour un peu plus compliqué pour son héritier. La réaction de Wade est d’abord la réaction naturelle et compréhensible d'un père qui veut tirer son fils de la mélasse dans laquelle il aura puissamment contribué à le mettre en en faisant un des hommes les plus puissants de l’histoire politique du Sénégal. Car, il ne faut pas l’oublier, pendant son règne, Karim s’est comporté comme le vice-président officieux du pays, faisant la pluie et le beau temps, faisant et défaisant les carrières. Et c’est justement cette mise  en orbite de son fils qui lui a fait perdre le pouvoir avec les dissidences conjuguées de ses deux Premiers ministres et héritiers naturels que sont Idrissa Seck et Macky Sall. 

La tentative de dévolution monarchique du pouvoir combiné à la volonté de remplacer le Pds par la fumeuse Génération du Concret, sans doute la plus vaste  entreprise d’escroquerie politique de l’histoire politique du Sénégal, a ouvert les portes du palais à Macky Sall. Aujourd'hui, au-delà du fait de repositionner son parti en ordre de bataille pour les Locales, l'objectif fondamental de Wade, c'est de mettre une pression maximale sur Macky Sall pour l'obliger à libérer son fils. Et pour cela, il utilise une vieille recette  éprouvée avec succès sous le régime socialiste, la "stratégie du bord du gouffre"  qui consiste à  faire de la surenchère verbale au moyen de déclarations tonitruantes et de tentative de débordement de l'Etat par la rue. Avec un seul objectif: obliger l'adversaire à négocier.

On a l’impression que ce retour a pris de court le régime de Macky Sall?

Absolument. Wade a réussi la prouesse de surprendre Macky Sall et son entourage d’où cette impression de panique au sommet de l’Etat avec des sorties désordonnées de certains de ses proches.

A mon avis, il  y a plusieurs lectures pour expliquer ce dysfonctionnement. Premièrement, Macky Sall, fort de sa victoire à la présidentielle et l’effondrement du Pds aux Législatives, des coups très durs  reçus par ce parti dans le cadre de la procédure dite "traque des biens mal acquis", a cru que le Pds était définitivement mort. De ce fait, Macky a concentré tous ses efforts sur celui qu’il considère comme son rival le plus dangereux, à savoir Idrissa Seck et a  entamé avec succès une entreprise de démantèlement complet de son parti avec une vague de cadres débauchés qui ont lâché Idy en rase campagne. Mais, en privilégiant la cible Idy, ainsi, Macky a quelque peu lâché la proie pour l'ombre oubliant que Wade était un lion  faussement endormi.

Deuxièmement, Wade a piégé Macky Sall  à deux niveaux par un double discours. Aux premières heures de sa défaite, sonné, Wade a fait semblant de demander  publiquement à ses cadres de collaborer avec Macky mais c'était un leurre grossier. Le  vrai discours, mezza vocce, c’était de cogner systématiquement sur Macky et ses proches  et de ne leur laisser aucun répit. Il a fait semblant de mettre Oumar Sarr en avant pour coordonner le Pds mais  son vrai  joker dans cette bataille, c'est son ancien ministre de la Justice Me El hadj Amadou Sall. Le grand artisan  de  la mise en oeuvre de cette stratégie d’offensive à outrance contre l'APR. Il a le mieux incarné cette ligne dure et l’a même payé d’une convocation à la Dic et d’un bref  emprisonnement. 

C’est la même consigne  de l’attaque systématique qui a été donné au jeune Bara Gaye et qui a conduit à son incarcération pour pousser Macky à la faute. Me Sall est un redoutable bretteur, qui a fait ses classes dans les partis de gauche et qui, du Rnd de Cheikh Anta Diop au Pds, a du vécu.  Il connait très bien Macky Sall pour l’avoir côtoyé au sommet et il joue souvent la provoc pour le faire sortir de ses gonds. Il est au coeur de la stratégie de communication de Wade et c’est lui qui a instruit dès le départ le premier le procès en incompétence supposée du régime. 

Cette ligne dure a fini par payer au sein d’une partie de l’opinion publique qui s’interroge sur la capacité de Macky Sall à conduire les destinées du pays malgré tous les efforts louables déployés par ce dernier et son Gouvernement. Pendant que le Pds déroulait cette séquence, Macky Sall a commis d’autres erreurs tactiques qui ont facilité la tâche à ses adversaires. D'abord, le fait de tarder à structurer l'APR est une des faiblesses majeures de son parti qui l'expose directement en première ligne. Ensuite, en se séparant ou en marginalisant  dans son camp les gens qui connaissent le mieux le Pds. Quelques soient les vicissitudes de la vie politique, on ne se sépare pas d’un porte-flingue du calibre d’Alioune Badara Cissé qui fait actuellement, cruellement défaut à l’APR où  aucun des nouveaux  responsables promus n’a sa carrure ou son envergure. 

L’aile droite de l’APR composé des “durs” que sont ABC, Me Djibril War ou Cissé Lo est celle qui est directement issu de ses flancs et qui connaît  le mieux le mode de fonctionnement du Pds et donc, la seule capable de le contenir et de lui rendre coup pour coup. Or, Macky Sall lui a préféré ce qui s'apparente grossièrement à l’aile gauche de l’APR composé le plus souvent  de militants de fraîche date venus pour certains d'anciens partis trotskistes et maoïstes rejoints par d'anciens membres de la Société Civile, qui sont souvent d’excellents théoriciens de salon mais de piètres combattants sur le terrain politique. D’ailleurs, avec cette première alerte sérieuse pour le pouvoir, la plupart d'entre eux ont fini d’étaler leur incompétence.

Troisièmement, il y a eu une incroyable carence des services de renseignement qui n'ont rien vu venir et n'ont pas pu faire à temps  les bonnes remontées d'informations car l'actuelle Directrice de la police est très contestée par une bonne partie des directeurs qui gèrent les  directions stratégiques. Cette carence  aurait été inimaginable sous Abdou Diouf et Jean Collin car même la couleur des draps  du lit de Wade n'aurait pas échappé à la police, a fortiori un déplacement à risque sur Dakar!

Comment le pouvoir peut-il reprendre l’initiative face à Wade?

Wade a incontestablement remporté une première manche dans la bataille médiatique et politique mais il n'a pas encore remporté la guerre, loin s'en faut. Son appel à Pape Diop, le leader de Bokk Guiss Guiss qu'il avait traité de tous les noms d'oiseau après la présidentielle ou au maire de Ziguinchor Abdoulaye Baldé qui a  pourtant quitté le Pds, à organiser son accueil est un aveu de  taille de la faiblesse actuelle du Pds en terme de capacité de mobilisation. De toute évidence, il y a une mutation historique du Pds. Wade compte sur le débordement du pouvoir par l'occupation de la rue, or ce qui reste des militants historiques du Pds et leur fer de lance, les anciens combattants de choc qu'étaient les  "calots bleus" ont pris leur retraite et n'ont pas été remplacés par une nouvelle vague. Leur dernière tentative de sauver le régime de Wade pendant la présidentielle de 2012  par la violence et l’intimidation, s'est dramatiquement soldée par une déculottée avec la fusillade de la mairie de Sicap-Mermoz-Sacré Coeur qui a impliqué Barthelemy Dias. 

Deuxièmement, autant Wade a le don d'orchestrer des coups de génie médiatiques  comme ce buzz  autour de son retour, autant il peut commettre des flops magistraux. Il a déjà commencé à faire des bourdes en lâchant des phrases de trop. En disant notamment que s'il voulait faire un « coup d'Etat », il lui suffirait d'en donner l'ordre à ses troupes. Au niveau de l'opinion publique sénégalaise, qui est légaliste et qui a une culture de sanction de ses dirigeants par les urnes, ce genre de propos passe mal et pourrait doucher ceux qui commençaient à avoir de  nouveau de la sympathie pour Wade qui a joué à fond la carte de la victimisation. 

Donc, s'il s'y prend de manière intelligente, au lieu de donner l'impression de le persécuter en interdisant ses meetings, Macky Sall  peut retourner une bonne partie de l'opinion contre Wade en le présentant comme un fauteur de trouble  impénitent et revanchard qui ne digère pas encore sa défaite. Sans compter que   l'obsession de Wade à positionner Karim comme son successeur, en prédisant déjà un second tour entre ce dernier  et Macky  Sall en 2017, peut hérisser certains cadres du Pds qui pensent justement que c'est Karim qui leur a fait perdre le pouvoir. Et si Wade veut réunir la famille libérale en faisant de  son fils son  héritier, ce sera sans Idrissa Seck qui n'acceptera jamais de se ranger derrière Karim Wade, le contentieux étant trop lourd entre les deux hommes. Macky Sall a donc une bonne carte à jouer s'il sait manœuvrer dans ce méli-mélo libéral.

Troisièmement, Macky Sall doit remanier d'urgence son dispositif de communication puisque, manifestement, il n'est pas du tout opérationnel or la com est centrale dans une bataille pour gagner les faveurs de l'opinion publique, le seul arbitre valable dans une démocratie. Enfin, si Macky Sall veut définitivement prendre le dessus sur Wade, il faudra impérativement qu'il le batte sur le plan des infrastructures et dans ce domaine, l'ancien Président a mis la barre très haut. Certes, Macky Sall a fait des efforts louables comme la baisse  de l'impôt sur les salaires, la baisse du coût du loyer, les bourses familiales ou la Couverture maladie universelle etc. mais ce n'est pas très perceptible au niveau de l'opinion publique  car la plupart des ministres de Macky Sall étant incapables de "vendre"  à l'opinion publique ses réalisation comme lui-même à eu à le déplorer publiquement. Ce qui compte pour cette dernière, c'est le visible et le clinquant et là, le plus grand adversaire de Macky pour l'instant c'est l'autoroute à péage Dakar-Diamniadio, peu importe pour les populations  les conditions  financières acrobatiques et parfois peu orthodoxes dans lesquelles une telle infrastructure a été réalisée. 

Correspondance Seneweb.com Paris

SOURCE: http://www.seneweb.com/news/politique/quot-la-strategie-de-wade-est-de-mettre-_n_124444.html

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