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Et si l’on prenait Mme Lagarde au mot ?

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Selon Mme Lagarde, « le Sénégal a accompli des progrès considérables sur le plan de la stabilité macroéconomique. Néanmoins, les retards observés dans la mise en œuvre des réformes ont abouti à une croissance moyenne de 3–4 % par an, un taux inférieur à celui nécessaire pour encourager le secteur privé, créer des emplois et garantir la prospérité des générations futures ».


Donc, pour attirer le secteur privé, il est « nécessaire » d’avoir un taux de croissance plus élevé ! Le bas taux de croissance de notre Economie n’encourage pas le secteur privé ? Et pourtant, le FMI et la Banque mondiale ont fait croire durant 30 ans que c’est le secteur privé qui devrait relever le taux de croissance de notre Economie en nous imposant un ajustement structurel d’enfer! A quoi nous servirait alors un secteur privé qui ne serait là que pour profiter de notre croissance sans y avoir contribué ?

 

Ou bien Mme Lagarde s’en est mêlé les pinceaux, ou bien, c’est son intime conviction qu’elle a exprimée, sur le rôle du secteur privé dans notre Economie !

 

 

 

Cependant, elle ajoute : « Pour devenir un pays à revenu intermédiaire comme il y aspire, le Sénégal devra s’employer à dynamiser son économie, à offrir plus d’opportunités aux petites et moyennes entreprises et à attirer l’investissement étranger . .. Pour cela, il faut mettre fin à ces résultats décevants de l’économie sénégalaise au cours des 30 dernières années, avec une croissance moyenne d’environ 3,5 %. Le moment est venu pour le Sénégal d’accélérer sa croissance — d’atteindre les 7 ou 8 % envisagés dans le Plan Sénégal Émergent et enregistrés par les tigres asiatiques et les pays africains à croissance rapide ».

Donc, elle fait ici un constat d’échec sans précédent des 30 ans d’ajustement structurel, normés par les réformes prescrites à notre pays par le FMI et la Banque mondiale, sans qu’elle n’en tire, pour autant, les conséquences idoines.

En effet, elle reconduit les mêmes politiques publiques en soutenant « qu’il faut avant tout opérer une masse critique de réformes pour rompre résolument avec le passé et accélérer la croissance », mais ces réformes, comme par le passé, tournent autour des trois axes suivants :

« Premièrement, renforcer la gestion des finances publiques et combler le déficit des infrastructures. Les infrastructures publiques et les dépenses sociales nécessitent des budgets supplémentaires. Toutefois, il ne s’agit pas simplement d’accumuler davantage de dettes. Il faut plutôt créer cet espace budgétaire en augmentant les recettes et en rationalisant les dépenses. …. Il faut orchestrer une réorientation des dépenses en capital mal planifiées et des subventions à l’électricité non ciblées ».

Ce faisant, elle ne prend pas en compte le poids de la dette sur les ressources budgétaires internes du Sénégal qui en fait, dés cette année budgétaire 2015, le premier poste de Dépense publique, devant l’investissement et la masse salariale.

La dette est ainsi devenue un obstacle au financement interne des investissements pour combler le déficit en infrastructures et en capital humain.

Donc, l’annuler totalement ou la diminuer significativement, est devenu aujourd’hui plus que nécessaire, à cause de son augmentation mécanique suite à la manipulation du dollar à la hausse par les USA.

De même, les pertes de recette fiscales dues à la baisse des cours du baril, et aux conséquences de la mise en œuvre des APE, sont autant d’obstacles à toute politique d’augmentation des recettes budgétaires sans recourir à un endettement supplémentaire.

Ainsi, les conditions actuelles ne permettent pas au Sénégal de réaliser les performances budgétaires attendues, s’il ne lève pas ces obstacles, que Mme Lagarde a évité de mentionner, et qui font que toute augmentation de recettes, dans ces conditions, serait le produit d’un prélèvement fiscal plus lourd pour les contribuables et ou d’un alourdissement de notre endettement, et que toutes réductions des investissements et des subventions sous couvert « d’un meilleur ciblage », frapperont plus les couches moyennes et pauvres, et ne serviront en fait, dans tous les deux cas, qu’à payer la dette.

« Deuxièmement, améliorer le climat des affaires de manière à accélérer la transformation structurelle. … Il serait important d’élargir la portée des réformes réglementaires qui ont débuté afin d’attirer un investissement étranger indispensable ».

Cette deuxième recommandation, suite aux comparaisons avec les exemples de pays performants et émergents, montre à quel point est pertinent, l’adage qui dit que « comparaison n’est pas raison ».

En effet, comment attirer l’investisseur étranger de façon significative, quand la monnaie du pays est surévaluée et constitue un frein à la compétitivité prix des exportations ?

Les pays émergents que Mme Lagarde a cités, notamment en Afrique, se distinguent du Sénégal, par leur souveraineté monétaire qui leur permet de mettre en œuvre une politique de taux de change adapté, pour améliorer la compétitivité prix de leurs exportations, et un système bancaire et d’assurance sous leur souveraineté, destiné à financer les PME et l’Agriculture.

Par contre, pour le financement interne des PME et l’Agriculture, et leur accès à ce financement, le Sénégal ne dispose, à la marge du système bancaire, que de deux banques (BNDE et CNCAS), d’un Fonds de Garantie (FONGIP), et d’un Fonds Souverain (FONSIS) qui peine d’être alimenté !

En outre, c’est la garantie de l’arrimage du CFA à l’Euro qui lui vaut sa surévaluation, et qui oblige les pays de la Zone Franc, dont le Sénégal, à déposer, dans un Compte spécial de Trésor Français, 50% de leurs avoirs extérieurs.

Ce qui oblige nos pays de la Zone Franc, à recourir plus que leurs homologues de la CEDEAO, à l’endettement pour financer leurs investissements, et même, leur fonctionnement de l’Etat, en cas de crise majeure.

La propension au surendettement, par rapport aux autres pays de la CEDEAO, est donc une conséquence inhérente aux Accords monétaires, avec la France, qui ont fondé la Zone Franc.

C’est la raison pour laquelle, pour ces pays qui sont comparés au Sénégal par Mme Lagarde, et qui ont leur souveraineté monétaire et un système bancaire et d’assurance  souverains, l’option pour les exportations, comme un des piliers de leur croissance pour l’émergence, prend tout son sens économique, puisqu’elle a favorisé le développement des PME/PMI de leur secteur privé national, tout en attirant l’investisseur étranger.

Cet obstacle structurel, dans les pays de la Zone Franc, s’est traduit par une moyenne de taux de croissance qui est inférieure de moitié à la moyenne des taux de croissance de la CEDEAO, réduisant d’autant nos capacités de réduire la pauvreté.

Même, cet obstacle réduit, dans les pays de la Zone Franc, l’efficacité attendue des réformes du « Doing Business », à sa plus simple expression, tout en viciant le climat social chez les travailleurs, victimes de la flexibilité et de la précarité du travail, et chez les agriculteurs, de l’accaparement des terres au profit de l’agrobusiness, que ces réformes induisent.

Ce climat social vicié guette le Sénégal, dans le cadre des réformes retenues dans le « Programme Sénégal Emergent » (PSE), que Mm Lagarde a chaleureusement saluées devant les Députés.

« Troisièmement, mieux partager les bienfaits de la croissance ».

Il est ainsi clair, que dans ces conditions précitées, parler d’un « objectif de croissance mieux partagée », est une vue de l’esprit, destinée à chloroformer les opinions publiques qui cherchent désespérément des bouées où s’accrocher, pour stopper leur descente vers la pauvreté et la déchéance humaine où les tirent inexorablement les réformes préconisées par Mme Lagarde.

Mme Lagarde, le Sénégal ne peut pas émerger, sans rompre avec sa subordination aux politiques libérales que vous prodiguez, et avec sa dépendance économique et monétaire vis-à-vis de la France.

Vos recommandations se sont avérées inefficaces 30 ans durant, du fait la confiscation de sa souveraineté monétaire par la France, et de la domination de ses intérêts économiques et stratégiques sur notre pays.

C’est d’avec cela qu’il faudrait rompre définitivement pour mettre le Sénégal dans la voie d’une émergence mieux partagée dans le cadre du parachèvement de l’unité économique et monétaire au sein de la CEDEAO.

Ibrahima SENE PIT/SENEGAL
Fait à Dakar le 31 Janvier 2015.