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Réserve naturelle de Tocc Tocc : Un paradis de lamantins menacé par la pollution chimique

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Située dans la communauté rurale de Ronkh (département de Dagana), la Réserve naturelle communautaire (Rnc) de Tocc Tocc s'étend sur 273 ha. Elle a été créée en 2011 par la volonté commune des populations riveraines. En plus du lamantin, d’autres espèces de mammifères sont assez bien représentées. Mais ce paradis est menacé par la pollution chimique qui se déverse dans les eaux, les filets perdus des pêcheurs...

Dans la lueur diaphane de l'aurore, la faune de Tocc Tocc s'éveille à la vie. De proche en proche, on entend des battements d'ailes ou des cris inconnus ou encore plus loin un bruissement pataud dans les herbes et arbustes qui reprennent de la vigueur après deux ans de conservation. 

Le soleil se lève et renvoie sur ce royaume de l'eau et du végétal des lueurs dans les différents tons rouge, orangé et vermeil. Le grand cormoran traverse le ciel à basse altitude et se dirige tout droit vers le Lac de Guiers qui est à un jet de pierre, s'étendant majestueusement, recouvert d'embruns et de brumes. 
La question centrale et obsédante ici, c'est où se trouvent les lamantins. Dans le plan d'eau, me dit quelqu'un. Je scrute les profondeurs de l'eau, mais ne vois rien. Et mon interlocuteur me dit que les colonies de lamantins s'observent souvent tôt le matin, en début d'après -midi ou la nuit quand ils vont s'alimenter, de juin à septembre ... C'est donc un rendez-vous manqué. La Réserve naturelle communautaire (Rnc) de Tocc Tocc a été créée par la volonté commune des populations autochtones de cinq villages de la communauté rurale de Ronkh (Tolleu, Keur Idrissa, Windi Thily, Pakh et Bountou Baat). Cette mise en commun de l'aire environnementale visait à prendre en charge, dans un élan concerté, la gestion de leurs ressources naturelles.
Le processus de création de la Rnc  de Tocc Tocc, remonte aux années 2000, avec l'arrivée, dans la zone, de chercheurs biologistes de l’Institut de recherche et de développement (Ird) qui avaient signalé, à l’occasion, la présence de la Péluse d’Adanson (Pelusios adansonii), une espèce de tortue d’eau douce devenue rare au Sénégal. Cette présence de la Péluse d’Adanson, dans la zone de Tolleu, a attiré d’autres chercheurs biologistes, qui ont mené les premiers suivis de l’espèce autour du village, durant l’année 2002. Les résultats obtenus ont, par ailleurs, été couronnés par la découverte du lamantin d’Afrique de l’Ouest (Trichechus senegalensis). C'est l'«aubaine» qui a présidée à la création de la  Réserve naturelle communautaire (Rnc). 
Ces cinq villages se sont constitués en groupe ad hoc avec l’appui de l’Ong Nature Tropicale Sénégal et ont fait appel à la Direction des parcs nationaux (Dpn) pour son expérience en conservation de la faune et à Wetlands International Afrique (WIA) qui a un intérêt marqué pour le lamantin d'Afrique de l'Ouest. 
La délibération du 04 juillet 2011 de la communauté rurale de Ronkh porta sur les fonts baptismaux la Rnc de Tocc Tocc. 
Le nom « Tocc Tocc » est un mot wolof qui servait à désigner les brèches dans la digue de protection du Lac de Guiers. 
Ces brèches sont dues à la vétusté de la digue de protection construite dans les années 1940, dans un programme de maîtrise des eaux du Lac de Guiers. Ces infiltrations favorisaient un débordement des eaux du Lac et par conséquent, la création de cuvettes remplies d’eau en permanence dont celle de Tocc Tocc où se situe la réserve.
Celle-ci couvre la partie sud de la communauté rurale de Ronkh et s'étend sur une superficie totale de 273 ha, dont une tranche terrestre de 60 ha et le reste (213 ha) constitué par un plan d’eau douce. 
L'inventaire végétal de la réserve présente 54 espèces, réparties entre 25 familles dont la majorité correspond à des herbacées. 
La Rnc de Tocc Tocc héberge une grande diversité faunique. Le potentiel animal est constitué d'une quinzaine d’espèces de mammifères dont le lamantin ; 67 oiseaux (fait d’elle une zone satellite d’importants sites Ramsar) ; 10 reptiles parmi lesquelles il faut noter la Péluse d’Adanson ; 2 espèces d’amphibiens ; 98 espèces de poissons dont le tilapia, le poisson chat, le silure...
 Il faut enfin souligner qu’en plus du lamantin, d’autres espèces de mammifère sont assez bien représentées (phacochère, chacal, mangouste, lièvre à oreille de lapin, singe rouge, serval, hérisson, etc.) alors que pour d’autres, à cause des pressions et menaces, leur densité a considérablement chuté (porc-épic, tortue molle, etc.). Certaines espèces ne sont même plus observées dans la zone (hyène, antilope).

Espèces disparues

Colonel Souleymane Ndiaye, directeur des parcs nationaux : Une nouvelle stratégie de conservation  
A l'occasion du balisage de la Rnc de Tocc Tocc, le directeur des parcs nationaux, le colonel Souleymane Ndiaye, a explicité la nouvelle stratégie de conservation basée sur l'appropriation des populations riveraines des zones polarisées. Cette politique a jusque-là permis de créer 32 réserves communautaires. «Les réserves naturelles communautaires (Rnc) sont, pour nous, un complément pour le réseau des autres aires protégées créées et gérées par la direction des Parcs nationaux. Ces Rnc sont créées et gérées par les collectivités locales sur la base d'études biophysiques et socioéconomiques pour déterminer la richesse de la biodiversité dans leur terroir d'une part et l'apport socioéconomique que cette biodiversité peut fournir à l'économie locale, d’autre part», a dit le directeur des Parcs nationaux à Tocc Tocc. Pour lui, cette politique est possible grâce au transfert de compétences aux collectivités locales. 
La plupart de ces Rnc ont été créées autour des grands parcs nationaux tels que le Niokolo-Koba, le Delta du Saloum et la réserve de biosphère du Ferlo, a-t-il poursuivi. Il y a aussi celle qui abrite des écosystèmes spécifiques comme  Tocc Tocc; Palmarin, Somone; Boundou etc., ajoute-t-il. «Aujourd'hui, nous avons des demandes de communautés rurales qui veulent créer des Rnc dans leur zone de terroir et nous encourageons fortement ces initiatives. Chaque Rnc créée fait l'objet d'un plan de gestion et d'aménagement avec une appropriation du site et de ses ressources par les communautés locales et les organes (comité d'orientation, comité de gestion, conseil des sages, et comité scientifique)», a-t-il conclu. 
Sérieuses menaces Bien que le lamantin ne fasse pas l’objet de chasse dans la zone de la Rnc et du Lac de Guiers, des menaces pour la survie de l'espèce sont notées. Le principal danger vient de la pollution par l’utilisation d’intrants chimiques dans les périmètres rizicoles de la zone périphérique. A cela s'ajoutent les dérangements intempestifs provenant de la pêche et une nourriture (jeune pousse de typha et salade d’eau) qui se raréfie. Les captures accidentelles par les filets de pêcheurs sont autant de dangers pour les jeunes lamantins.
Le conservateur de la réserve, le capitaine Ousseynou Niang a beaucoup insisté sur la délimitation du parc dans sa partie terrestre et a résumé les travaux qui avaient été faits dans ce sens. «L’activité de bornage avait pour objectif de permettre une matérialisation physique des limites terrestres de la Rnc de Tocc Tocc. L’activité de bornage des limites de la réserve naturelle communautaire de Tocc Tocc a été réalisée conformément au protocole signé entre la Dpn et le secrétariat de Pnud-Aewa. Ainsi, 10 nouvelles bornes en béton armé ont été conçues, réalisées et implantées le long de la limite terrestre de la réserve. Ce qui permet à la réserve de disposer actuellement d’un ensemble de 10 bornes terrestres. Mieux, avec l’appui du Programme de micro financement du Fonds pour l’Environnement Mondial (Pmf-Fem), 8 balises ont été réalisées et posées pour marquer la limite aquatique de la réserve. Cette activité a contribué à la visibilité des limites de la Rnc de Tocc Tocc dans la localité et constitue, de ce fait, une étape majeure dans le processus de mise en place de cette dernière», explique le capitaine Niang. 
Le conservateur a insisté sur l'assainissement du plan d'eau qui revêt une importance capitale dans ce milieu aquatique. Il est fait appel aux populations riveraines et membres du comité de gestion pour nettoyer les fonds marins qui ont été, depuis toujours, la principale zone de pêche des populations riveraines de la réserve et même d’ailleurs. « La présence des filets de pêche est à l’origine de beaucoup de problèmes écologiques comme la pêche fantôme de poissons et même parfois la capture d’oiseaux d’eau piégés par les filets immergés. Il en est de même de l’obstruction des voies de passage des lamantins et des tortues, souvent accidentellement bloqués par ses filets perdus. D’où l’urgence d’assainir ce plan d’eau pour lui permettre de jouer pleinement ses fonctions bioécologiques». 
En ce qui concerne les espèces à statut particulier, tel que le lamantin d’Afrique de l’Ouest (Trichechus senegalensis) et la Péluse d’Adanson (Pelusios adansonii) elles font l’objet d’un suivi spécifique. Ce suivi s’est déroulé durant toute l’année.
Après un fonctionnement quelque peu ralenti en 2013, les responsables de la Rnc misent beaucoup sur l'année en cours qui doit être une étape importante dans la montée en puissance de la réserve. «Si les résultats du Pta 2013 sont en deçà des attentes, tel ne devrait pas être le cas en 2014, avec les promesses de soutien au fonctionnement de la réserve grâce au budget général de l’Etat, mais aussi aux partenaires comme le programme du micro-financement du Fem et l’Ong Nature Tropicale Sénégal»,  a conclu le Capitaine Niang. 

Gombe Boh, chef de village de Tolleu : Un lamantin, un animal mystique 
Marchant sur ses 81 ans, Gombe Boh est le chef de village de Tolleu. Bon pied bon œil, il est le dépositaire de toutes les légendes qui se sont nouées autour du mysticisme du lamantin qui est un animal ayant la faculté de se transformer en être humain et fréquenter les hommes. Pour connaître leur dessein vis à vis de leur espèce. Le chef de village soutient que son grand-père était chasseur de lamantin et il a abattu la dernière bête en 1947. «Mal lui en aura pris car le colon l'a réprimandé sévèrement et a interdit formellement l'abattage de lamantin. Il faut dire que cet animal était recherché pour la qualité de sa chaire. Devant les menaces du colon, il fut mis un frein à la chasse aux lamantins qui étaient fort nombreux dans le lac de Guiers. Autre temps, autre mentalité. Maintenant, ce sont les populations qui libèrent les jeunes lamantins lorsqu'ils sont pris dans les filets de pêcheurs et les laissent rejoindre le reste du troupeau», explique-t-il.

Reportage de Saliou Fatma LO

source: http://www.lesoleil.sn/index.php?option=com_content&view=article&id=36757:reserve-naturelle-de-tocc-tocc-un-paradis-de-lamantins-menace-par-la-pollution-chimique&catid=140:actualites