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dimanche, 29 novembre -0001 23:43

Les Armées nationales africaines face à l'exigence de démocratie populaire

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Comment réagissent les Armées nationales africaines face au désir de démocratie des Peuples d’Afrique ? Depuis les indépendances africaines, en grosso modo, dans les années 1960-70, je peux affirmer que, à l’instar de l’exigence démocratique de plus en plus accrue des Peuples, le rôle des Armées africaines dans le processus de démocratisation des systèmes de gouvernance en Afrique a évolué en passant de coups d’Etat, par principe, anti-démocratiques à des coups d’Etat que je qualifierai de « démocratiques et salutaires ».Toutefois, il importe de ne pas perdre de vue qu’il y a des poches de résistance de la part de certaines Armées de s’inscrire dans la dynamique démocratique populaire. En m’appuyant sur l’actualité politique du continent africain dans ces dernières années, j’essaie de voir à quel point cette affirmation est vérifiable ou pas par les faits à travers quelques exemples.

 

La raison qui a présidé à cette analyse est bien sûr, vous vous en doutez, liée aux événements récents au Burkina Faso. Alors, commençons cet exemple. Après 27 années de pouvoir, le Président Blaise Compaoré a voulu modifier la Constitution du Faso, précisément le désormais célèbre Article 37 qui limite le nombre de mandats présidentiels, pour demander un cinquième mandat en introduisant un Projet de loi à cet effet. Ayant une majorité acquise à l’Assemblée, il était presque sûr d’arriver à sa fin. La réaction populaire a contraint le Gouvernement à abandonner le Projet de loi. Le Peuple du Faso a exigé et obtenu la démission du Président Compaoré le 31 octobre 2014. Jusqu'à ce stade, on ne voit pas l’ombre de l’Armée. Nul doute que ce début de victoire est le fruit de la mobilisation du Peuple, soif de liberté et de démocratie.
C’est au nom du respect de cette même Constitution que l’Armée ne devrait pas assurer la Transition. Si l’on s’en tient à la Constitution, c’est le Président de cette institution qui devrait diriger le Faso jusqu'aux prochaines élections dans les 90 jours même si on sait que c’est ce même personnage qui allait faire adopter le fameux Projet de loi. Mais il n’en est rien. L’Armée nationale entre subitement en jeu et bafoue les règles démocratiques en dissolvant le Gouvernement et l’Assemblée nationale et en estimant une période de Transition de 12 mois. Il ne s’agit ni plus ni moins qu’un coup d’Etat. Celui-là, je le range dans la catégorie des coups d’Etat anti-démocratiques car il est perpétré au détriment des règles constitutionnelles et démocratiques et au mépris de la volonté populaire. Une fois que le Peuple a obtenu la démission de Compaoré, pourquoi l’Armée doit-elle prendre le pouvoir ? D'autant plus que cette Armée est divisée. Et là où il y a division, il y a un risque d’affrontements, même si ce n’est pas toujours le cas, avec en filigrane, d’éventuelles pertes matérielles et en vies humaines. 
Face à cette intrusion non souhaitée de l’Armée, de surcroît divisée, comment doit se comporter l’opposition politique et la société civile ? Se ranger derrière l’Armée ? Laquelle, puisqu'il y a division, donc des camps ? Rester elles-mêmes, s’opposer et exiger aussi le départ de l’Armée du pouvoir ? L’avenir nous le dira. Mais à l’heure actuelle, il semblerait que, timidement, l’opposition et la société civile souhaitent une Transition civile c’est-à-dire le rétablissement de l’ordre constitutionnel. Si les militaires et les civils durcissent et restent sur leur position, je n’ose pas imaginer les conséquences. Dans ce cas, à qui incombe la responsabilité ? Bien sûr aux militaires qui n’auraient jamais dû confisquer le pouvoir. Dans ce cas du Burkina Faso, ce sont Blaise Compaoré, en premier, et l’Armée, en second, qui sont coupables d’obstruction à la bonne marche du processus de démocratisation du pays. 
Si l’exemple du Faso s’apparente à des coups d’Etats anti-démocratiques, d’autres exemples sur le continent peuvent aussi être qualifiés de la même manière. En effet, souvenons-nous du cas de la Guinée Conakry. Cependant, il faut souligner que l’accès de l’Armée au pouvoir n’est pas dû à une volonté de tripatouiller la Constitution qui a abouti à une révolte populaire. Tout de même, il y a quelques ressemblances : comme le Président Compaoré, le Général-Président Conté est arrivé au pouvoir à la suite d’un coup d’Etat encore anti-démocratique et après la mort de leur prédécesseur ; ils ont tous les deux une certaine longévité au pouvoir (24 ans pour Conté et 27 ans pour Compaoré) qui commence à lasser les populations désireuses de changement. A la suite du décès de Conté en 2008, au lieu de laisser appliquer l’ordre constitutionnel, là aussi, l’Armée nationale guinéenne s’est impertinemment mêlée de la gestion du pouvoir en foulant aux pieds les dispositions prévues par la Constitution. On se souvient, tous, de la gestion chaotique qui a caractérisé la Transition. 
De la sorte, on peut s’appuyer sur d’autres exemples comme le Mali et l’Egypte pour illustrer les situations de coups d’Etat anti-démocratiques sur le continent africain.  Pour le Mali, à la suite d’une situation tendue dans le Nord où l’Armée se débat entre le marteau des rebelles et l’enclume du manque de moyens, certains militaires ont cru bon de prendre le pouvoir et régler le problème à leur manière. Et cela, avec une impertinence inouïe à un mois de l’élection présidentielle où il n’y avait manifestement pas volonté du Président Touré de modifier la Constitution et de se maintenir au pouvoir, et au mépris total du respect des règles démocratiques. Nous connaissons, tous, la suite. Inutile de revenir là-dessus. Mais il faut mettre en exergue le fait que c’est l’irruption malencontreuse de l’Armée qui a précipité le Mali dans les événements malheureux qui s’en sont suivis. 
Pour le cas de l’Egypte, face au Printemps arabe, comment l’Armée devrait réagir ? Initialement, le pouvoir égyptien était en collision forte avec l’Armée (et l’est toujours d’ailleurs) du fait que le Président Moubarak est issu des rangs de cette dernière. Il a régné pendant 30 ans, une longévité plus prononcée que celle des autres Présidents cités ici. Mais le Printemps arabe ayant pris naissance en Tunisie a donné des idées au Peuple égyptien qui a aussi mené sa Révolution du papyrus ou du Nil qui a abouti à la chute Moubarak en février 2011. L’Armée encore s’est saisie du pouvoir au détriment des civils. En effet, elle a assuré la Transition pour organiser une élection jugée « démocratique, libre et transparente » à l’issue de laquelle le Président Morsi est élu à la magistrature suprême avec 51,7% des voix. Coup de théâtre ou plutôt devrais-je dire coup d’Etat : Morsi est déposé par l’Armée en juillet 2013. Qu’il s’agisse de la Transition ou après Transition, l’Armée égyptienne ne s’est jamais tenue à l’écart de la gestion du pouvoir. Et elle le fait en piétinant la Constitution et en écrasant toute tentative de conquête démocratique. 
La Tunisie qui a montré la voie du Printemps arabe a vu son Armée se comporter autrement. L’exigence démocratique et la soif de libertés de Peuple tunisien ont balayé le Président Ben Ali (24 ans de pouvoir) en janvier 2011, à travers la Révolution du Jasmin. Après la fuite de Ben Ali, la Transition a été assurée par les civils. L’Armée a su se tenir à l’écart de la gestion du pouvoir. D'ailleurs, malgré quelques critiques, elle est restée républicaine lors de la Révolution en ne tirant pas sur les foules de manifestants. Ainsi, elle a respecté le désir ardant du Peuple tunisien de se libérer davantage et de démocratiser plus la Tunisie. En choisissant de ne pas faire irruption dans la gestion du pouvoir à la suite de la vacance de celui-ci, certaines Armées citées ci-dessus ne l’ont pas fait car la nature a horreur du vide, nous dit-on, elle a tenu à montrer son respect pour la Constitution et surtout son professionnalisme et son caractère républicain. Donc, dans le cas de la Tunisie, il n’y a pas lieu de parler même de coup d’Etat, encore moins de coups d’Etat démocratiques ou anti-démocratiques. C’est le comportement idéal d’une Armée qui se veut républicaine et professionnelle. Des exemples comme ça, on en trouve encore sur le continent : je pense au Sénégal dont l’Armée n’a jamais perpétré un coup d’Etat et ne s’est jamais mêlée de la gestion du pouvoir politique
Mais l’Afrique est un « continent pluriel » où on peut constater des exemples, des contre-exemples et des situations équivoques. Ayant exposé des exemples (Tunisie, Sénégal, etc.) et des contre-exemples (Burkina Faso, Egypte, Guinée, etc.), je vais évoquer un exemple de situation équivoque que je logerai dans la catégorie des « coups d’Etat démocratiques et salutaires ». Par définition et par principe, un coup d’Etat n’est jamais démocratique (puisqu'il y a eu usage de la force, de la violence, tout le contraire de la démocratie) mais peut-il être salutaire ? Si j’utilise le qualificatif démocratique pour caractérisé un coup d’Etat c’est que celui-ci, à mon sens, aurait permis de sauver la démocratie prise en otage par une élite dirigeante qui ne veut plus de soumettre aux lois de la République issues de la volonté populaire c’est-à-dire la Constitution qui est la mère de toutes les autres lois. Face à cette situation, le Peuple ne dispose que l’insurrection qui ne paie pas toujours. Si ce dernier obtient gain de cause, comme au Burkina, je pense que l’Armée n’a plus le droit d’intervenir et lui voler subtilement la victoire. Mais en cas d’échec, si l’Armée intervient et fait respecter la Constitution par la force et ensuite rendre le pouvoir aux civils et retourner dans les casernes, il me semble qu’on peut qualifier cette intervention de « démocratique et salutaire » pour la paix et la stabilité, d’autant plus que si cela se fait sans effusion de sang disproportionnée car il ne faut pas oublier que la démocratie a un prix, je dirai même un prix du sang. Cela dit, il faut dire qu’un seul mort est de trop. Aux Politiques de trouver des solutions pour l’éviter ! Dans ce cas précis, l’exemple du Niger est illustratif. Face au refus du Président Tandja de respecter la Constitution qui lui interdit un nouveau mandat et l’inefficacité du Peuple nigérien, l’Armée prend le pouvoir en février 2010, assure la Transition, organise l’élection présidentielle et rend le pouvoir aux civils. Contrairement à la Transition guinéenne, celle du Niger peut être qualifiée de Transition « réussie » même s’il aurait été mieux de ne pas la connaître pour le renforcement du processus de démocratisation en Afrique. 
Pour finir, il est incontestable que les Peuples d’Afrique sont de plus en plus conscients de leurs droits et devoirs et surtout des moyens dont ils disposent pour exiger davantage de libertés et de démocratie dans les systèmes de gouvernance. La globalisation et la pénétration fulgurante du numérique aidant, ils développent des réseaux ; ils tissent des liens entre eux ; ils s’inspirent entre eux en se donnant des idées. La propagation du Printemps arabe et les insurrections populaires du Sénégal en 2011 et du Burkina Faso en 2014 sont l’illustration parfaite de cette mise en réseau, en circulation des mouvements de contestation et de révolte face à une élite dirigeante ivre de pouvoir au point de piétiner la sacralité de la Constitution. Alors, les Armées nationales prendront la même direction que les Peuples tout en restant républicaines et professionnelles ? L’analyse qui précède montre qu’il peut y avoir des situations complexes, similaires à certains égards et franchement opposées parfois.

 

 


Essayons d'avoir une pensée pour la Terre. 

Tounkara Sidy
Source:http://www.dakaractu.com/Les-Armees-nationales-africaines-face-a-l-exigence-de-democratie-populaire_a77747.html
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