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Le Sénégal est un pays dont la laïcité est établie par sa Constitution. Toutefois, son histoire politique forgée à travers des mutations culturelles et religieuses laisse entrevoir une résurgence de certaines menaces comme l’intolérance et l’intégrisme pouvant entrainer la restriction de certains droits et principes de la démocratie. Une réflexion engagée dans le cadre du projet de coopération entre médias et acteurs culturels initié par l’Institut Panos Afrique de l’Ouest a permis hier, jeudi 18 décembre, à Dakar d’échanger et de réfléchir sur le principe de la laïcité.
«La laïcité a toujours été une question de combinaison au Sénégal. Du point de vue juridique et
politique, on parle d’une laïcité positive, c’est-à-dire qui ne cherche pas à faire souffrir la religion », explique Abdourahmane Seck, Enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. Il intervenait sur le thème « La laïcité de l’Etat, la liberté de conscience en questions » à l’occasion de l’atelier « Médias et cultures urbaines au Sénégal : leviers du changement et vecteurs de valeurs citoyennes » tenu du 16 au 18 décembre à Dakar par l’Institut Panos Afrique de l’Ouest.
Dans son exposé, l’enseignant-chercheur a listé trois périodes qui vont se manifester par l’éclosion des mouvements religieux dans la société sénégalaise et le basculement des jeunes dans l’espace religieux pour contextualiser la notion de la laïcité. La première période qu’il a définie d’islamisation paradoxale est marquée par l’amplification des faits religieux chez les jeunes. Le phénomène prend départ, selon son analyse, en 1988 à une période où les jeunes prennent la parole et marquent l’espace public de leur empreinte. Ils basculent dans l’espace religieux qui s’enrichit de nouveaux mouvements.
La deuxième période est marquée par l’islamo nationalisme manifestée à travers l’émergence du graffiti avec les photos des guides religieux dessinés sur les murs des rues de la capitale. Selon M. Abdourahmane Seck, la période d’islamo nationalisme est intervenue à un moment où les jeunes découragés par le poids du chômage (maîtrisards et diplômés chômeurs) recherchaient du sens et de la dignité. Aucune considération n’était plus donnée aux jeunes diplômés rentrés de France. « Les jeunes pour redonner du sens à leur existence vont ainsi investir l’espace religieux », explique-t-il.
C’est aussi la période durant laquelle, poursuit-il, « les confréries cessent d’être rurales » pour « rejoindre » la ville. C’est ce qu’il a défini comme la période de « la nouvelle modernité sénégalaise » marquée par un environnement de l’échec de la promesse de l’Etat. « La modernité s’est consolidée du religieux », signale-t-il. M. Seck a également relevé « le caractère fonctionnel de la faiblesse de l’Etat qui s’inscrit dans des tergiversations dans ses rapports avec la religion ».
L’enseignant-chercheur a également souligné le rôle de la presse qui devient à ses yeux « le lieu de tous les problèmes avec l’intention marketing et la manipulation symbolique ». Pour lui, il y a un jeu pervers dans « la demande de visibilité médiatique » qui fait qu’il « faut exister médiatiquement pour construire sa carrière ».
Dans les discussions qui ont suivi l’exposé, l’autre enseignant-chercheur en Sciences politiques, Ibrahima Sylla, exerçant dans la même université, s’est posé la question à savoir si la laïcité n’est pas en danger. Mais tout en listant des signes qui lui paraissent inquiétants, il a tout de même détecté d’autres signes rassurants.
La laïcité en danger ?
Parmi les signes inquiétants qu’a relevé Ibrahima Sylla, il faut noter le récent incendie de la maison d’un homme
politique sans que les auteurs n’aient été inquiétés jusqu’ici, la propension des jeunes à répondre à l’appel du djihad, la menace contre la liberté d’expression (avec la fatwa opposée à la publication d’un livre par un universitaire), la question des listes paritaires à Touba, les manifestations des imams qui investissent le front social, mais aussi les actes d’allégeance des hommes politiques aux marabouts.
Selon l’universitaire, la Constitution est un texte sans Dieu, un texte qui concilie et réconcilie tout le monde. Il s’agit de trouver un compromis dans un souci « séculariser l’Etat ». Par contre, Ibrahima Sylla dans les formes de manifestation des logiques citoyennes a détecté des signes rassurants qui préservent la vie en commun. C’est dans ce sens qu’il a parlé de « la sagesse qui existe dans les confréries qui jouent généralement le rôle d’anesthésiants sociaux ». Les médiations maraboutiques ont permis d’apaiser un certain nombre de foyers de tensions. Dans une autre mesure, le chercheur a aussi relevé « l’engagement des hommes politiques pour le respect de la légitimité temporelle ».
L’atelier sur le thème « Médias et cultures urbaines au Sénégal : leviers du changement et vecteurs de valeurs citoyennes » est inclus dans un projet qui vise entre autres « à encourager les expressions culturelles diffusées par les médias pour la défense des droits de l’homme, la diversité et la consolidation de la démocratie ».
Source:http://www.sudonline.sn/la-la%C3%8Fcite-en-question_a_22202.html